3 ans plus tard.
— Je veux rejoindre les dômes... Je viens d'avoir dix-huit ans.
Caldion était un adolescent plutôt grand, à la peau café au lait et aux cheveux noirs en bataille. Il était vêtu simplement, d'un pantalon brun serré à la taille d'une ceinture noire de la même couleur que son tee-shirt sombre.
Pour l'heure, il était debout dans la grande salle d'accueil de l'ancien hôtel Destina, transformé en quartier général de contrôle de la ville où il habitait, Turrand. Ville qui n'avait pas été choisie par l'actuel dirigeant de Mars pour faire partie de la zone protégée des dômes.
Le réceptionniste, un homme en uniforme, arme à la ceinture et regard froid, releva la tête derrière son bureau et pianota quelques minutes sur son clavier, faisant défiler quelques pages sur l'écran dématérialisé devant lui. Il murmura comme si ce n'était qu'un exercice de routine et que toute la vie du jeune homme en face de lui n'en dépendait pas :
— Très bien, je t'inscris. Quel nom ?
— Caldion ! Caldion ZE-325...
Contrairement à certaines planètes, Mars avait toujours préféré les attributions de numéros aux noms héréditaires et l'adolescent n'avait pas la chance de faire partie de la rare élite conservant de génération en génération un patronyme.
Le garçon s'apprêtait à ajouter quelque chose lorsque son interlocuteur l'arrêta d'un regard froid, avant de lâcher en fixant les images qui apparaissaient dans le vide devant lui :
— C'est bon, nous avons toutes les possibles informations sur toi. A priori tu n'as pas d'antécédents douteux... Avance le poignet.
Caldion s'exécuta, légèrement tremblant, et l'homme referma ses doigts couverts de gants impeccables autour de sa chair avant de braquer un petit appareil au dessus de son poignet.
Un instant après un petit "bip" se faisait entendre et le réceptionniste lâcha le garçon avant de dire sans plus lui attacher aucune espèce d'importance :
— Je t'ai débloqué l'accès de la zone 14 de la ville. Tu t'y présenteras le 48 de ce mois-ci.
Caldion eut juste le temps de penser qu'il n'aurait pas la patience d'attendre jusqu'en fin de mois, puisque ce dernier faisait cinquante jours, qu'un garde derrière lui lança en élevant la voix :
— C'est bon, tu es inscrit sur les registres, tu as eu ce que tu voulais. Fiche-moi le camp d'ici maintenant...
Caldion, connaissant les soldats et sachant qu'il valait mieux toujours leur obéir à peine avaient-ils formulé un ordre, hocha la tête avant de tourner les talons et de se diriger vers le portique tournant menant sur la rue extérieure. L'un des deux hommes éclata alors d'un rire mauvais derrière lui et lança :
— Oh et à propos, bonne chance à toi !...
Le jeune homme ne répondit pas et se contenta de rentrer la tête dans ses épaules avant de définitivement sortir du bâtiment.
La rue était vide à cette heure trop chaude de l'après midi pour sortir et Caldion s'éloigna à pas lents en prenant son temps sans se retourner.
Il traversa ainsi différents quartiers de la ville, constitués d'un ensemble hétéroclite de tours de verre et de bâtiments à l'architecture faussement très ancienne, dix-neuvième, ainsi que d'autres de style radicalement différents encore, orientaux parfois, et même quelques pyramides de pierres blanches, abritant plusieurs dizaines de familles.
Caldion se rappelait plutôt bien de ce à quoi sa ville ressemblait avant que le prince Liam n'ordonne la reconstruction des dômes et n'écarte leur cité de son réseau sécurisé, les jugeant trop anti-eriquiens. Elle n'avait pas cet air de pauvreté qui traînait partout maintenant et surtout ces énormes écarts entre ceux qui pouvaient obtenir des passes pour circuler dans les villes protéger et les autres.
Caldion n'avait pas la chance d'être assez riche, assez influent ou noble parmi les bien-vus du nouveau régime.
Curieusement depuis ses quinze ans, la situation s'était dégradée très vite. En créant les dômes, le prince Liam avait hiérarchisé les cités-État et, pire encore, il avait rassemblé sous ses protections de verre les savants les plus renommés, les financiers, les hauts-commerçants...
N'étaient restés dans les villes annexes que les révoltés du système, les pauvres et les petits travailleurs.
Ils géraient les immenses fermes de Mars, réparant les robot-agriculteurs lorsqu'ils étaient défaillants, vérifiant les barrages hydrauliques, et envoyaient des cargaisons entières de nourriture, de produits de base.
Leur arrivait en réponse des zones fortifiées tout ce qui faisait rêver Caldion : de nouvelles technologies pour améliorer la productivité, des cubes contenant de l'énergie produite grâce aux panneaux solaires des panneaux de verre, de l'argent pour continuer à subsister, des produits en tout genre pour améliorer leurs quotidiens mais qu'on leur faisait payer extrêmement cher. La petite bourgeoisie d'en-dehors des dômes s'affichait ainsi en possédant, comble du luxe ces derniers temps, maisons chauffées et climatisées, maquillage pour les femmes, vêtements, aéronefs, et en arrivant à pénétrer de temps en temps pour de courts séjours de découverte dans les villes protégées de verre blanchâtre et opaque.
Apparemment, tout avait beaucoup changé en trois ans et Caldion se demandait parfois comment les choses avaient pu partir si vite en vrille. Mais il le savait en partie... Certaines cités-Etats de Mars, les plus riches et les plus technologiques en fait, avaient totalement adhéré au projet du prince Liam, heureuses de se séparer des villes moindres dont elle devaient subventionner régulièrement les habitants et les infrastructures.
Et des cités comme Turrand avaient perdu en quelques mois tout commerce viable aux exceptions de celui avec les dômes, ce qui restait leur seule richesse.
Quant au prince Liam, il dirigeait en total dictateur, grâce à la séparation qu'il avait imposé, s'appuyant sur l'accord des classes les plus riches et au immense succès intergalactique de sa série "La fin du rêve" ou plus communément appelée FDR, regardée dans tous les milieux et réclamée partout. Elle apportait à l'Etat des capitaux non négligeables et occupait une bonne partie des habitants.
Caldion cessa alors de marcher dans les rues, s'apercevant qu'avec toutes ses pensées, il était arrivé devant l'immeuble qu'il habitait. Celui-ci faisait partie de ceux en pierre, et il poussa sans attendre la double porte menant au rez-de-chaussée, évidemment vide à cette heure où tout le monde faisait la sieste.
Il se dirigea vers le tube transparent de l'ascenseur et entra à l'intérieur en débloquant l'accès avec la puce de son poignet. (Présente chez tous les habitants dès la naissance et permettant au gouvernement de tracer tout le monde, ce qui n'était pas tout à fait une nouveauté, puisque ce système avait déjà été mis en place par les cités-Etats il y avait bien une cinquantaine d'années maintenant, pour contrôler les villes de moindre importance par les grandes).
À peine dans l'ascenseur, Caldion annonça d'une voix neutre :
— Étage trois-cent cinquante-trois.
Il n'eut pas à attendre longtemps et, un instant après, la plateforme ronde commençait à s'élever très vite sans qu'il ressentit les effets de cette vitesse cependant dans le tube de verre. Lorsqu'il sortit à l'étage demandé un instant plus tard, il ne put s'empêcher de songer une énième fois que même l'énergie de l'ascenseur provenait des cubes bleutés d'énergie qu'ils recevaient régulièrement des dômes.
Sur le palier carré on pouvait deviner trois portes dans l'ombre. Caldion se dirigea d'un pas mécanique, forgé par une longue habitude, vers celle face à lui et en débloqua l'accès en passant une énième fois son poignet sous le détecteur.
À peine avait-il pénétré à l'intérieur qu'une petite furie accourait vers lui et se jetait dans ses bras en criant joyeusement et en le faisant rire :
— Caldion ! Alors, alors, ça s'est passé comment ta demande ? Ils ont dit que tu avais l'air super et qu'ils te prendraient forcément ?... Oui, oui hein ?
Le jeune homme se rembrunit et desserra son étreinte autour de son petit frère, l'écartant de lui en repensant à l'attitude froide des envoyés gouvernementaux.
Non, ils n'avaient pas précisément fait preuve d'enthousiasme...
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Les enfants d'Astra T3 & 4 [SOUS CONTRAT D'EDITION]
Science FictionRegrets du présent Rodolphe, l'empereur d'Astra, est désormais traqué par toutes les polices de la galaxie entière. Résister, se cacher, fomenter la rébellion... le jeune homme s'occupe de tout cela pour tâcher d'oublier ce qui le mine de l'intérieu...