Eléonore (Chapitre 4)

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Eléonore n'avait pas vu le regard de Liam lorsqu'elle avait pris précipitamment son fils dans ses bras, paniquée.

Le prince gardait au fond de son cœur un amour étrange, hors des codes habituels, pour celle qu'il considérait comme sa femme. Deux minutes après avoir quitté la pièce, il lui avait envoyé en signe de réparation les deux médecins les plus brillants de la ville.

Ivan était vivant, mais sous le choc. La violence du coup avait provoqué un évanouissement et, un jour après il apparaissait qu'il n'y avait rien à craindre de ses blessures de la veille.

Mais quelque chose s'était détruit en Eléonore tandis qu'elle regardait son fils dormir en ce début d'une nouvelle après-midi. Liam avait frappé son enfant... Un geste qu'il n'avait encore jamais fait.

C'était comme si dans l'esprit de la jeune femme une ligne rouge dont elle ne soupçonnait même pas l'existence venait d'être franchie. Elle ne pouvait pas laisser Ivan grandir dans un climat pareil... Mais que faire ? Où aller ?

Elle avait peur du moment inéluctable où Liam reviendrait la voir. Que se diraient-ils ? Ils s'étaient quittés la veille sur des paroles de haine et de violence...

Et lui-même n'avait pas osé revenir depuis. La jeune femme se releva, se décidant à quitter la chambre de son fils qui dormait toujours profondément, seulement agité de quelques cauchemars de temps en temps qu'elle tentait de combattre en lui caressant d'un geste doux et rassurant la joue.

Eléonore sortit de la pièce et gagna sa propre chambre à l'autre bout de la suite, loin de la porte d'entrée. Elle avait besoin un instant de se reposer elle aussi et d'être seule... Elle n'avait pratiquement pas dormi de la nuit et n'avait rien réussi à faire de sa matinée, tendue dans l'appréhension du moment où Liam reviendrait la voir.

Elle n'avait pas changé avec le passage des années qui avaient vu grandir son enfant. La jeune femme ne tremblait absolument pas pour elle mais bien toujours uniquement pour son cher Ivan... Et son père l'avait frappé ! Au point de le faire s'évanouir !

Eléonore était hantée à l'idée que cela puisse recommencer et même à cet instant, totalement épuisée, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil.

Sa chambre était grande, avec attenante une salle de bain et un cabinet de toilette regroupant sa coiffeuse, ses glaces murales, ses multiples parfums à différentes senteurs. Dans la pièce même où elle dormait, les murs étaient décorés d'un papier ancien et précieux vert, tandis que les dalles de marbre étaient couvertes ça et là de tapis ou de peaux d'animaux rares.

Mais Eléonore ne puisait dans tout ce décors aucun réconfort contrairement à d'habitude. Elle allait se résigner à se relever, n'arrivant toujours pas à s'endormir, lorsqu'elle entendit un rire lointain dans l'appartement qu'elle reconnu aisément et qui la fit se redresser en un clin d'œil, le cœur battant la chamade.

Liam ! Et il n'était pas venu la voir directement !... Craignant le pire instinctivement, craignant qu'il n'est voulu pour une raison inexplicable se venger d'elle en faisant souffrir leur fils, elle prit à peine le temps d'enfiler ses chaussures légères qu'elle se précipita dans les autres pièces de la suite.

Mais elle ne tarda pas à ralentir aux environs de la chambre de son enfant. La porte en était ouverte et elle n'arrivait pas à croire ce qu'elle voyait et entendait.

Liam... Liam était là, assis à côté d'Ivan sur la couchette réglable du petit, en train visiblement de lui raconter une histoire drôle. L'enfant gardait son côté un peu effrayé, sur la défensive, mais il ne pouvait s'empêcher de rire.

Eléonore ne pouvait se résigner à entrer et à mettre fin à cet instant magique et elle avait inconsciemment ralentit de façon à ce que ni l'un ni l'autre ne l'entende arriver.

C'était tellement impossible... Elle attendait toujours anxieusement le moment où Liam allait entrer dans ses habituelles fureurs noires mais il continuait de rire avec Ivan, et elle percevait plus distinctement ce qu'il disait.

—... Et alors, le robot s'exclama : oh ! J'ai très peur et...

Ivan battit des mains, oubliant un peu ses peurs, et répondit :

—... et je veux que tu m'aides ! Dites, le robot il s'en sort ?

Eléonore remarqua dans un coin de son esprit qu'elle n'avait jamais vu Liam habillé ainsi mais que cela ne lui allait pas si mal, adoucissant son style vestimentaire dur et militaire habituel. Le jeune homme répondait par ailleurs à son fils :

— Comment puis-je te raconter une histoire si tu me demandes toujours la fin avant que j'ai pu dire trois mots ?

Le cœur d'Eléonore se serra dans sa poitrine en même temps qu'elle eut l'impression d'arrêter de respirer. Ces paroles, elle aurait aimé les voir défiler en boucle dans son esprit pendant une éternité...

Mais Ivan redressa alors la tête et la vit dans l'embrasure de la porte :

— Coucou maman !... Il me racontait de jolies choses vous savez ?

Eléonore s'avança dans la pièce et inclina la tête avec reconnaissance en direction de Liam.

— Oui j'ai vu cela, c'était magique...

Le prince se releva, tout sourire, et elle se précipita vers lui sans plus retenir sa joie. Elle le prit dans ses bras en murmurant :

— Merci... Merci beaucoup...

Puis comme ils le faisaient souvent entre eux, elle l'embrassa sans lui laisser le temps de réagir, le prenant visiblement au dépourvu.

Mais, curieusement, Liam ne lui rendit pas son baiser, ou pas tout de suite. C'était étrangement une impression très différente de d'habitude, beaucoup plus douce et d'une certaine mesure, Eléonore avait la curieuse sensation que cette étreinte effaçait tout et lui mettait du baume au cœur.

Pourtant trop vite, trop brusquement, il se détacha d'elle. La jeune femme releva la tête vers lui et fut étonné de le voir visiblement sous le choc, comme surpris de ce qu'ils venaient de faire.

Alors elle entendit une voix derrière elle, si semblable à celle qu'elle venait d'entendre, et elle se retourna stupéfaite vers la porte pour découvrir une copie conforme de celui qu'elle venait d'embrasser à ceci près que lui était habillé comme d'habitude.

Il eut un sourire indescriptible et prit la parole avec une hilarité visible :

— Eh bien heureusement que je n'ai pas trente-six frères Eléonore et que je ne les invite pas souvent. Je vois que vous avez pu faire connaissance Edward et toi...

Les enfants d'Astra T3 & 4 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant