Rodolphe (Chapitre 14)

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— Non ! C'est n'importe quoi et je ne comprends même pas que vous osiez proposer cela ! Depuis quand sommes nous des kidnappeurs ? Depuis quand Astra s'attaque t-elle à des gamins de cinq ans ? Je me bats avec vous pour la justice, pas pour prendre le risque de maltraiter des gosses ! Comment pouvez vous ne pas comprendre ? Astra c'est la justice, c'est notre monde, et vous voulez le détruire pour espérer peut être faire du chantage à la reine avec la vie d'un enfant ? Je refuse de vous aider à cela, je refuse même de le tolérer ! Si vous acceptez mes ordres d'empereur, eh bien je vous donne celui de renoncer à cette idée. Je ne gouverne pas un pays qui accepte d'enlever des gamins. Pas question...

Sa peur mêlée à sa colère avait explosé de manière impressionnante et il s'était relevé, fou de rage, devant tout le monde pour hurler ce dont il avait peur, en partie.

Non mais à quoi pensaient-ils tous ? Ils allaient lui faire enlever son propre fils ? L'embarquer dans une aventure dangereuse, où personne ne se soucierait vraiment de lui si ce n'est Rodolphe ?

Le jeune homme regarda son bras et ses mains qui commençaient déjà à se couvrir de fourrure, ce que tout le monde remarqua, mais chacun eut la décence de se taire, n'ayant pas envie de faire tomber l'orage sur sa tête, et il parvint d'extrême justesse à inverser le processus et à se contenir.

Devant tous les yeux fixés sur lui, choqués de son attitude visiblement, il inspira bruyamment, expira, et cela pendant deux minutes dans un silence complet. Ce ne fut que lorsqu'il réussit à afficher une attitude un peu calmée que Sibylle prit la parole :

— Ok, rassieds-toi déjà. Ralph, tu nous commandes au distributeur à tous une tasse de thé ? Je crois qu'on a besoin de se calmer...

Rodolphe lui obéit, retombant sur le canapé, mais cela ne l'empêcha pas de fusiller tout le monde des yeux y compris sa sœur. Mais Sibylle n'avait pas dit son dernier mot et elle reprit la parole d'une voix calme mais ferme.

— Maintenant tu vas m'écouter Rodolphe. Tu nous dit qu'enlever Theobald ce serait salir l'image d'Astra... Je veux bien mais c'est un moindre mal comparé au fait que nous ne retrouverons jamais notre planète sans cela, qu'est-ce que tu en penses ? De plus, si tu avais écouté notre conversation au départ, tu saurais que nous avons envisagé de tenter d'assassiner Aileen et son fils. Si nous faisions cela, la planète sombrerait dans l'anarchie. Avec le précédent fâcheux qu'a créé Orys, tu peux être sûr que le peuple aurait de nouveau envie de choisir son prince dirigeant. Ils ne prendraient alors pas Sandrine mais le plus populaire après Aileen, Edward. L'aînée ne supporterait pas deux fois l'affront...

Rodolphe, qui n'était pas certain de pouvoir continuer à supporter ce qu'il entendait inclina la tête et jeta simplement d'une voix aux accents rudes :

— En somme se contenter d'enlever le gamin, c'est de la bonté, c'est ça que tu es en train d'essayer de me dire ?

Sibylle le défia du regard avant d'incliner la tête en répondant au nom de toute la tablée tandis que le jeune homme avalait une gorgée du thé brûlant que venait de déposer devant lui Ralph :

— Exactement. Au lieu de chercher à déstabiliser au maximum l'AM.Erica, on se contente de faire un juste chantage... Et libre à toi de surveiller toi-même l'enfant et de veiller à sa sécurité Rodolphe. Dans les conditions de l'échange, aucun astrayen n'aura intérêt à lui faire de mal, donc nous ne ruinerons aucunement l'image de justice d'Astra. N'est-ce pas juste ?

L'empereur songea fugitivement qu'il était heureux que sa sœur ne soit pas actuellement sous sa forme de loup. Aurait-elle pu comprendre les battements accélérés de son cœur et son mal-être ?

Tout le monde le regardait mais il n'arrivait pas à répondre. Theobald... Le prénom de son grand-père paternel. Une coïncidence ou une volonté d'Aileen ? Rodolphe n'était pas certain que connaître la réponse de cette question l'aurait aidé à continuer d'avancer.

— Je...

Il se tourna alors vers une fille aux cheveux lâchés sur ses épaules, et demanda :

— Emma, qu'est-ce que tu en penses ?

Elle était la plus raisonnable du groupe peut-être, et très intelligente. Elle le dévisagea un instant puis répondit en ayant l'air d'avoir soigneusement pesé sa réponse :

— J'en pense que c'est la meilleure idée que nous ayons jamais eu et notre seule chance peut-être. Je ne comprends pas ton hésitation Rodolphe...

Non, bien sûr. Qui aurait pu comprendre ? Sibylle elle-même le regardait bizarrement, inconsciente du combat qui se livrait en Rodolphe. Il y avait cette partie de lui-même révoltée à l'idée d'être responsable de l'enlèvement de son propre fils, et cette autre qui lui murmurait qu'après tout, c'était peut-être sa chance de le rencontrer et de l'élever comme son enfant...

Il détourna son regard trop troublé et demanda simplement dans un murmure, complètement calmé et après avoir finit sa tasse de thé :

— Très bien. Mettons que nous arrivions à enlever Theobald, ce qui tiendrait déjà du miracle. Si ensuite nous parvenons à obtenir de l'AM.Erica l'accès à la flotte aéro-spatiale, rendrons-nous le gamin ?

Il aurait presque aimé entendre un "non" définitif pour pouvoir garder son fils... Mais il savait qu'il ne le pouvait pas. Il était pour le moment bien plus en sécurité aux côtés d'Aileen qu'aux siens. Quel enfant aimerait d'une vie de fuites et de combats ?

D'autant plus que révéler son identité c'était prendre le risque qu'il soit tué, peut-être par les eriquiens eux-même, et cela Rodolphe ne voulait même pas l'envisager.

Or il ne s'aveuglait pas. S'il gardait Theobald à ses côtés, jamais il ne réussirait à cacher qu'il était son père et heureux de l'être...

Personne n'avait répondu à sa question et Rodolphe fit des yeux le tour des personnes présentes, dévisageant Ralph, qui détourna son regard, Emma, et les deux autres garçons présents, qui restèrent stoïques mais sans ouvrir la bouche.

Alors le jeune homme se tourna carrément vers sa sœur et répéta :

— Nous le rendrons ?... Ou voudrez vous trahir votre parole et vous venger de la reine ? Je ne participerai jamais à un crime contre Theobald et... Et j'accepte votre idée d'enlèvement à une seule condition : votre parole à tous ici présents qu'il sera sous mon unique responsabilité et rendu à sa mère, à ses parents, lorsque je le jugerai bon. Êtes-vous d'accord ?...

Il y eut un moment de silence puis Sibylle hocha la tête et murmura simplement :

— D'accord Rodolphe.

Les autres suivirent et il sentit son cœur se serrer. Il venait d'accepter deux idées : celle de voir enfin en vrai son fils et celle de l'enlever, peut-être brutalement...

Ce n'était évidemment pas sûr qu'ils arrivent à mettre cet enlèvement en place. Mais l'idée était là...

Dire les mots "ses parents" n'avait pas été facile pour lui mais il s'obligea à les répéter dans son esprit. Aux yeux de tout le monde, Theobald était l'enfant d'Aileen et du commandant de sa garde... Andrei. Rodolphe sentait une certaine tristesse mêlée de nostalgie l'envahir et le souvenir des baisers d'Aileen, de ses éclats de rire, lui revinrent en mémoire tandis qu'il s'efforçait de se reprendre.

Sa sœur le tira de ses pensées tandis que les autres se levaient de leurs sièges.

— Tu sais, je trouve que tu as beaucoup changé ces derniers temps. J'ai parfois du mal à te comprendre...

Elle le dévisagea longuement, puis ajouta avec un sourire :

— ... Mais tu es resté meilleur que moi. J'oubliais déjà mes idéaux pour ne penser qu'à la joie que j'aurais eu à me venger d'Aileen. Je suis contente de la décision concernant le gamin... Même si je le déteste d'avance.

Cela attrista Rodolphe au delà de toute mesure, sans qu'il ne trouve rien à répondre. Il aurait simplement aimé dire : "oh, s'il te plaît Sib', c'est mon fils..."

Mais évidemment ce n'était pas possible.

Les enfants d'Astra T3 & 4 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant