Sibylle (Chapitre 6)

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Sibylle n'arrivait pas à dormir. Il faisait nuit dans la tente qu'elle occupait au milieu de ses compagnons astrayens mais elle ne cessait de ressasser en boucle cette stupéfiante théorie du soldat.

Les dragons... Carlys était persuadé qu'ils ne pouvaient pas avoir survécu et après tout c'était lui qui était biologiste de formation et qui connaissait tout des produits employés pour détruire tout ce qu'il y avait de vivant ou d'intelligent à Astra...

Mais alors pourquoi ne pouvait elle pas le croire ?

La jeune femme ouvrit les yeux dans l'ombre, toujours allongée sur son matelas de fortune entre les autres. Elle se redressa sur un coude, ses cheveux courts lui chatouillant la base du cou.

Les dragons d'Astra étaient des créatures mythiques de la planète. Ils avaient été créés de toute pièce en 2500 environ par des scientifiques pour en faire des animaux de compagnie. Ils étaient rapidement devenus des animaux de spectacle et les astrayens avaient même créés de gigantesques arènes de combats où ils adoraient en voir s'affronter...

Mais il y avait des dragons créés pour tous les goûts : des monstres gigantesques capables de porter des humains sur leurs dos, des animaux de quelques centimètres pour s'attacher aux enfants, de petits dragons remplaçant les poneys pour les enfants et devenant rapidement une mode.

Mais les scientifiques avaient créés les dragons intelligents. Comme les hommes, mais en les maintenant en esclavage sous prétexte qu'ils avaient été créés en laboratoire. Tout avait changé en 2700 environ avec l'arrivée au pouvoir de la reine Ysaïne Astra qui avait ordonné la libération des dragons et leur reconnaissance comme une espèce intelligente et pourvue des mêmes droits que les êtres humains. C'était aussi elle qui avait libéré les robots, leur accordant le même statut.

Une particularité d'Astra, aucun autre pays n'ayant alors renoncé à leurs robots-esclaves.

Pouvaient-ils avoir survécus ? Sibylle se redressa carrément en position assise et écarta de ses pieds nus la couverture d'un mouvement mécanique. Mieux valait avoir froid qu'un peu plus mal...

Assise au bord de son matelas, contemplant un instant ses compagnons endormis et notamment Carlys deux rangs plus loin, elle finit par fermer les yeux et se mordre violemment les lèvres. Ça ne pouvait pas être possible qu'ils aient survécus alors pourquoi se torturait-elle l'esprit ainsi ?

Parce que sa mère aimait lui raconter quand elle était enfant des histoires ayant toujours pour héros ses créatures favorites, les dragons intelligents ?

Savoir qu'ils avaient été anéantis dans une guerre avant tout humaine avait toujours profondément révolté Sibylle sans qu'elle s'en rende compte, l'écartant toujours de son esprit comme un sujet trop douloureux.

Mais et si l'homme avait raison ? Des nuages de fumée pareils, des disparitions... Il y avait forcément une explication logique. Et si ce n'était pas les dragons comme elle l'espérait, il y avait bien quelque chose.

Sibylle ne réfléchit alors soudain plus et se leva tout à fait. Doucement, elle quitta son matelas, se glissa entre ses camarades en prenant garde de n'en réveiller aucun, et passa rapidement derrière un pan de toile dans une autre partie de la tente.

Dans le noir elle était obligée d'avancer plus lentement, de peur de heurter un objet et de faire un bruit mais elle parvint pourtant assez vite à remettre la main sur son sac à dos qui contenait notamment ses affaires de rechange pour le lendemain.

Elle attrapa un pantalon gris et un débardeur blanc qu'elle enfila dans l'obscurité en quelques gestes précis, ignorant toujours la douleur qui ne la quittait jamais. En quelques minutes elle fut habillée de pied en cap et eut enfilé en plus ses vieux gants de cuir et ses bottines de la même matière.

Elle se dirigea ensuite plus facilement vers une étagère collé à la toile de la tente, ses yeux s'étant habitués à l'obscurité, et attrapa une gourde d'eau ainsi qu'une plaquette d'une douzaine de cachets nutritifs. Ça ne serait pas la joie comme nourriture mais elle pourrait bien tenir une vingtaine de jours avec cela en économisant.

Elle espérait être revenue avant. La jeune femme glissa dans son sac les cachets et l'eau avant de le placer sur son épaule droite d'un geste vif et de revenir dans l'endroit où étaient allongés les dormeurs. Sibylle se glissa ensuite de nouveau entre eux jusqu'à atteindre l'ouverture principale de la tente, fermée par un simple cordon qu'elle dénoua pour se glisser sous la toile. Avant de partir elle jeta un dernier regard à Carlys toujours profondément endormi et laissa échapper un petit sourire triste.

Il allait lui en vouloir à coup sûr de ce départ sans explication... Mais Sibylle n'avait aucune idée de ce qu'elle partait chercher exactement et ne tenait à risquer la vie de personne d'autre dans cette aventure.

En dehors de la tente, la lune brillait, éclairant le ciel et les traits de la jeune femme d'une même lueur blafarde. Sans un regard pour la tente derrière elle mais une main serrée sur son sac passé en bandoulière, Sibylle commença à s'éloigner en quelques foulées régulières en direction de l'est, là où elle avait vu plus tôt dans la journée les nuages de fumées et où les équipes eriquiennes avaient si mystérieusement disparues...

La nuit avait quelque chose de rafraîchissant et les étoiles qui brillaient au dessus de sa tête semblait presque montrer un sourire. Quelque part, Sibylle se sentait presque bien en s'éloignant ainsi de la civilisation et des siens pour se diriger vers une planète qu'elle ne connaissait plus, redevenue sauvage.

Si les dragons étaient toujours là pourtant... Ou n'importe quelle autre espèce intelligente, des robots en l'occurrence, ne pourraient ils pas les aider à détruire l'AM.Erica une bonne fois pour toute ?

Sibylle avait un regard sombre en pensant cela et la bouche pliée en une moue dure tandis qu'elle posait automatiquement sa main à son cou sur le ravageur.

Quelques heures plus tard cependant, elle n'était plus visible depuis le camp et il aurait été bien difficile de dire dans quelle direction elle était partie...

***

— SIBYLLE !...

Carlys venait de sortir en trombe de la tente. Il avait beau n'être que huit heures du matin, il s'était levé dès qu'on lui avait dit que la princesse était introuvable.

Après avoir hurlé à s'en casser la voix avec les autres dans tout le camp il dû cependant se rendre compte que la jeune femme avait bel et bien disparu.

Il cherchait encore sans plus y croire lorsqu'il tomba sur le garde eriquien qui leur avait parlé la veille. Il se rua sur lui sans réfléchir, aveugler par sa peur et sa colère. Carlys l'agrippa au col de sa chemise y hurla sous le regard de plusieurs autres astrayens qui accouraient vers lui :

— Bon sang ! Où est-elle ? Vous l'avez tué parce que c'était la princesse c'est ça ? Où est elle ! Vous allez répondre oui ou non ?

Le garde se dégagea avec brusquerie et Carlys resta face à lui comme stupide jusqu'à ce que l'homme se retourne pour désigner un énorme et soudain nuage de fumée au loin et ne réponde :

— Nous n'avons rien fait... Aucun d'entre nous n'en prendraient le risque. En revanche, vous êtes sûr de ne pas savoir où elle pourrait bien être partie ?...

Tous regardaient maintenant l'horizon d'un regard stupide, sauf Carlys qui avait reculé de deux pas comme sonné par ce qu'il venait d'entendre et de comprendre. Il laissa enfin échapper un énorme juron avant de cracher :

— Mais non ! Elle n'a pas fait ça... Elle est partie seule pile là où on lui avait dit qu'il y avait des ennuis pas possible !...

Les enfants d'Astra T3 & 4 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant