Aileen (Chapitre 11)

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Aileen s'ennuyait ferme à cette réunion qui n'avait pas d'importance particulière si ce n'est tenter de décrypter tout ce que le diplomate de Nepsys avait bien voulu dire la veille dans son interview aux journalistes eriquiens.

Sandrine disait justement en se penchant sur la table :

— Lorsqu'il parle d'Astra, il emploie le présent, comme si la planète et le peuple qui la composait existait toujours. C'est assez révélateur de la politique de Nepsys je trouve...

James enchaîna en croisant les bras tout en affichant une mine grave :

— En effet. Je me demande vraiment ce qu'ils mijotent exactement pour les années à venir...

Les trois autres conseillers surenchérirent et Aileen perdit tout à fait le fil de la discussion en tournant légèrement la tête pour fixer son fils perché sur un haut fauteuil à sa gauche. Theobald adorait la suivre à toutes les réunions et, après tout, c'était une manière simple d'éduquer le petit prince.

Orys n'avait il pas fait cela pour Sandrine et James, avant de s'intéresser davantage à Aileen ? Cette dernière savait que ses aînés y pensaient régulièrement en voyant l'enfant la suivre partout mais elle était décidée à faire comme si de rien n'était.

Elle revint à la discussion lorsque son commandant, Andrei, prit la parole. Elle était généralement complètement d'accord avec lui et cette fois-ci ne dérogera pas à la règle.

— Cette discussion est inutile. Nous nous posons des questions autour de détails de la conversation de l'ambassadeur qui peut s'amuser à dire n'importe quoi... et de toute façon même s'ils pensent qu'Astra existe encore, que pouvons nous faire si ce n'est leur montrer avec le passage des années qu'ils ont tort ? Je propose de clôturer cette réunion à laquelle personne n'a rien à ajouter.

Aileen s'apprêtait à acquiescer lorsqu'elle sentit quelque chose d'imperceptible changer dans l'attitude du commandant devant elle. Il avait les yeux rivés sur un point à sa gauche... son fils.

Le cœur au bord des lèvres, la jeune femme jeta un rapide coup d'œil à son fils et n'attendit alors pas une seconde pour se lever précipitamment pour se mettre entre lui et les conseiller et lâcher d'une voix pressante :

— Je suis d'accord avec Andrei. La réunion est terminée pour aujourd'hui.

Sandrine se leva à son tour et voulut ajouter un mot mais Aileen la rabroua violemment :

— Terminée j'ai dis ! J'en ai assez de perdre mon temps en palabres inutiles de salon !

On aurait dit qu'elle venait de gifler sa sœur. Sandrine aimait avoir l'impression d'être importante dans le gouvernement et de reprendre en quelque sorte une partie du rôle qu'elle aurait dû avoir.

Elle lâcha d'un ton peiné et froid :

— Très bien... Si c'est comme cela que tu le prends...

Les trois autres conseillers avaient déjà quitté la pièce, peu soucieux d'être témoins d'une dispute gênante entre les princes, mais Aileen sentait une vraie panique l'envahir tandis qu'elle s'efforçait d'inspirer pour se calmer et afficher une attitude normale et décontractée.

— Sandrine, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je suis un peu à cran en ce moment et je n'ai pas réfléchi, ce n'était pas ce que je pensais. Excuse-moi vraiment...

Sa sœur ne prit même pas la peine de répondre et se détourna, le front barré d'une ride butée, tandis que James la suivait. Au moment de franchir la porte il se retourna et fronça les sourcils avant de murmurer :

— Curieux, j'ai entendu un bruit étrange...

Mais Sandrine l'appela du couloir et il quitta la pièce sur un dernier regard à Aileen et quelques mots murmurés qu'elle devina plus qu'elle n'entendit : "Tu exagères. Ton attitude avec notre sœur est insupportable et tu devrais t'en rendre compte".

La porte claqua, laissant la jeune femme désemparée. Mais elle n'avait pas le temps de leur courir après dans le couloir et de toute manière, qu'aurait-elle pu dire ? Qu'elle avait paniqué en voyant son fils brusquement agité de convulsions ?

Andrei la tira alors de ses pensées en murmurant :

— Majesté... Il faut l'amener dans vos appartements privés.

Jamais Aileen n'avait vu cela. Son fils, paniqué, se tordait dans tous les sens, respirant difficilement et tentant visiblement d'appeler au secours sans y parvenir ni comprendre ce qui lui arrivait. La reine, le cœur au bord des lèvres et saisie brusquement de nouveau d'une panique sans nom, se précipita vers lui et cria presque en jetant un coup d'œil au commandant :

— Mais il a plus de cinq ans ! Nous étions d'accord pour dire que cela n'arriverait pas... N'arriverait plus !

Ce qu'elle avait tant redouté pendant les premières années de la vie de son fils avant de se rassurer était en train de se produire visiblement. Il avait hérité du côté mutant de son père.

Alors, sans plus réfléchir, retrouvant son habitude d'agir plutôt que se lamenter, Aileen prit l'enfant dans ses bras tandis qu'il continuait d'être agité de soubresauts et de laisser échapper quelques bribes de mots inarticulés.

— Ma... An... Sec... ours...

— Vite, votre majesté, n'importe qui peut demander à entrer dans votre salle de réunion d'un instant à l'autre !...

Aileen hocha la tête et serra contre elle son fils avant de marcher rapidement vers la porte qui menait heureusement directement à son salon privé. Elle en débloqua l'accès puis se précipita à l'intérieur sans même s'y arrêter. La pièce la plus éloignée et la plus protégée était le bureau ou la chambre de Theobald.

Elle arriva de justesse dans cette dernière pièce, suivit de près par le commandant qui refermait toutes les portes en appuyant sur les commandes, et elle trébucha avant de tomber sur le sol.

Un cri lui échappa tandis qu'elle roulait sur le sol, folle de terreur et d'inquiétude :

— Theobald !...

Son élégante robe courte et ses chaussures à talon de reine la gênèrent pour se relever et elle mit quelques secondes à se remettre debout. Alors, elle resta immobile, sous le choc, gagnée par une peur violente en regardant avec des yeux ronds, sans avoir jamais vraiment réussi à le croire, le louveteau qui avait mis en lambeaux ses vêtements et qui courait dans la pièce comme un fou en hurlant.

Les yeux dorés de la bête -comme ceux de Rodolphe- étincelaient de peur et d'incompréhension tandis qu'il se heurtait aux meubles, se relevait, tentait sans y parvenir de comprendre ce qui lui arrivait.

Aileen jeta un regard au commandant qui murmura de sa voix dure habituelle de soldat :

— Majesté, essayez de le calmer. Il fait trop de bruit et il risque de se blesser s'il continue ainsi... Essayez de lui expliquer.

Ah. Facile à dire cela. Mon chéri, ton père est un mutant et visiblement toi aussi. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter...

Comment rassurer Theobald alors qu'elle-même en connaissant toute l'histoire était paniquée ? Un loup... Il était bien un mutant !

Et jusqu'au bout des griffes le fils de l'empereur Rodolphe Astra.

Les enfants d'Astra T3 & 4 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant