Le train filait sous le tunnel de verre à une vitesse supersonique et Caldion avait du mal depuis le matin à imaginer qu'il était bien passé derrière les dômes.
Sa famille lui manquait, mais il s'efforçait de le cacher et de sourire à tout le monde.
Serge était assis devant lui dans leur wagon réservé (il n'était prévu que pour une personne mais ils l'avaient aménagé rapidement) et prit la parole en jetant un coup d'œil aux vitres qui ne renvoyaient que l'image brouillée d'une surface blanche : les tunnels de verre.
—Dis donc, qu'est-ce que tu as répondu à leur questionnaire ?
Caldion releva la tête vers son compagnon de voyage, sans tout de suite répondre. Quelques heures plus tôt en même temps que le déjeuner, on leur avait remis à tous deux un questionnaire sur écran à remplir.
— À quel endroit ? Là où ils demandaient le rôle qu'on souhaitait avoir tout en précisant qu'il y avait peu de chance que nous l'obtenions ?
Serge acquiesça.
— Exactement. J'ai dis pour ma part que je souhaitais être ingénieur du bâtiment, j'adore l'idée de participer à la construction de la ville.
— J'ai simplement écris "tournage FDR". C'est ce qui m'intéresse.
Caldion était presque mal à l'aise à l'idée de le révéler aussi facilement alors que chez lui il n'en parlait jamais mais Serge sembla ne pas y attacher autant d'importance que lui.
Caldion n'arrivait pas à cesser de dévisager son compagnon et il finit par poser la question qui le tarabustait depuis le début du voyage.
— Dis-moi, je ne m'en était pas rendu compte tout de suite, mais je ne t'ai pas déjà vu ? Tu me rappelles quelqu'un...
Serge se renfrogna, croisa les bras sur sa poitrine avant de lâcher en détournant les yeux :
— Peut-être. Mon père fait parti du conseil dirigeant de la ville.
Ce fut au tour de Caldion de froncer les sourcils.
— Il est sénateur c'est ça ? Mais alors pour quelle raison as-tu voulu changer de vie comme ça ? Tu avais déjà tout ce que tu voulais... et tu pouvais venir en visite aux dômes.
— Je sais, j'y suis venu l'année dernière. Mais les familles dirigeantes n'ont pas plus le droit que la tienne de s'installer. En fait je voulais couper les ponts avec ma mère que je ne supporte pas. Quant à mon père ça n'a jamais été génial non plus...
Caldion, devinant que le sujet était sensible pour son camarade, n'insista pas et reposa ses yeux sur la table entre eux.
Sa famille à lui était si fantastique... Il laissa échapper un léger soupir puis demanda en revenant à Serge :
— Alors, c'est vrai tout ce que l'on raconte sur les dômes ?
Les yeux de son interlocuteur perdirent tout éclat de colère et s'illuminèrent avant qu'il ne réponde.
— C'est bien plus génial encore ! La ville ressemble plus à une immense maison qu'à une cité à proprement parler... Il n'y a pas de rue, ni la place d'en avoir d'ailleurs, et tout est neuf, fait pour s'amuser ou diriger toute la planète. Sans compter l'importance de la série FDR à laquelle tu veux participer. Tu vas adorer je crois...
Caldion répondit d'un sourire avant de rappuyer sa tête contre le dossier de son siège, fatigué du voyage qui durait depuis plusieurs heures déjà sans même qu'on leur ait dit leur destination exacte.
— Messieurs ?...
Le jeune homme se redressa un peu trop vite et se cogna à son accoudoir au passage. La fille qui venait d'entrer était la chef des recruteurs, et elle portait toujours son uniforme. Ses cheveux étaient impeccablement tirés en une haute queue de cheval stricte.
Elle se tourna plus particulièrement vers Serge lorsqu'elle prit la parole, comme si Caldion n'avait qu'une moindre importance.
— Nous arriverons dans un peu moins d'une heure à la ville où vous avez été assignés. Il s'agit de la capitale, Tertirus.
Le jeune homme échangea un regard ravi avec son compagnon, évitant de souligner la mauvaise humeur de la fille à son égard.
— La capitale ! Serge, c'est juste ce que nous pouvions souhaiter de mieux...
La recrutante lança un regard glacé à l'adolescent qui venait de s'exclamer avant de lâcher du bout des lèvres :
— En effet. C'est la plus belle ville de Mars, améliorée par tous les travaux de ces trois dernières années. Sinon je souhaitais vous dire que nous avons pris connaissance de vos dossiers personnels et questionnaires. Vous découvrirez là-bas le rôle qui vous sera réservé. Une seule chose : aucune réclamation n'est tolérée, ou nous vous renvoyons immédiatement de là où vous venez.
Puis, sans attendre de réponse et sans rien perdre de son attitude hautaine, elle tourna les talons et quitta leur compartiment.
Ce fut seulement à ce moment là que Caldion et Serge purent exprimer librement leur émotion.
— Serge, tu te rends compte ? Tertirus c'est là qu'habitent toutes les stars de FDR, c'est là que se trouvent toutes les salles de tournage et... Oh, c'est tellement merveilleux !
Le jeune homme n'arrivait plus à penser à rien d'autre et n'écouta même pas son camarade qui s'exclamait lui aussi :
— La capitale ! Je n'y suis jamais allé avec mes parents, nous n'avons jamais pu obtenir de passeport pour là bas...
Et il retombait dans son siège, rêveur, tandis que quelques mèches de cheveux blonds s'éparpillaient sur son front.
Caldion pour sa part n'avait plus qu'une envie : enfin arriver. Cette nouvelle avait décuplé son impatience et il oubliait pour un temps son regret d'être séparé de sa famille pour simplement profiter de l'instant. Dans une heure, peut-être déjà un peu moins, ils entreraient dans leur nouveau chez-eux : Tertirus.
Il résuma alors leur pensée à tous deux :
— C'est simplement... merveilleux.
***
Une voix dans le compartiment fit sursauter Caldion en même temps qu'il sentit que le train ralentissait nettement.
"Vous êtes arrivés en gare A-86-B, veillez prendre vos affaires et descendre à l'ouverture des portes, je répète..."
Les deux jeunes gens n'écoutaient déjà plus et échangèrent un regard ravi. De toute manière, ils n'avaient rien à part les vêtements qu'ils portaient, fournis la veille par l'organisation.
On ne leur avait rien laissé emporter, et Caldion soupçonnait sans se l'avouer que l'on voulait les couper de leur "vie d'avant" pour qu'ils ne se concentrent que sur celle à venir. De toute manière, des tas de vêtements et affaires neufs, c'était toujours sympa...
De quoi pouvait-on se plaindre ?
Le jeune homme se releva lentement de son siège lorsque le train fut complètement arrêté, et se dirigea à pas lents vers le panneau central du mur en train de coulisser pour leur ménager une ouverture.
C'était le moment de croire que le rêve était bel et bien réel...
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Les enfants d'Astra T3 & 4 [SOUS CONTRAT D'EDITION]
Science FictionRegrets du présent Rodolphe, l'empereur d'Astra, est désormais traqué par toutes les polices de la galaxie entière. Résister, se cacher, fomenter la rébellion... le jeune homme s'occupe de tout cela pour tâcher d'oublier ce qui le mine de l'intérieu...