Les enfants d'Astra T3 & 4 [SOUS CONTRAT D'EDITION]

Rodolphe (Chapitre 10)

Deux soldats gardaient l'accès à la première serre. Le panneau magnétique qui la séparait de la salle, d'ordinaire transparent voire bleuté par moment, avait été rendu opaque par une action sur l'une des télécommandes.

La première garde toisa Rodolphe qui observa calmement :

— Je crois que la reine m'attend, non ?

Il avait parlé avec froideur, comme un gouvernant qui va en rencontrer un autre incognito et non comme l'homme amoureux à un rendez vous.

La femme resta neutre, et Rodolphe devina que ce devait être l'une des gardes haut placé d'Aileen, capable aussi bien de cacher ses émotions que de tirer sur un ennemi et de conserver des secrets, la dernière caractéristique étant la plus difficile à trouver. L'autre femme, noire et rasée entièrement, sans cheveux, opposée à la blonde, appuya sans un mot sur une touche de son écran et la paroi magnétique disparut devant le jeune homme pour lui permettre d'y entrer.

Il crut entendre son oncle l'appeler derrière lui au milieu des cris de la foule, mais n'y prit pas garde et entra. La paroi se remit en place dès qu'il fut à l'intérieur. Rodolphe songea encore fugitivement que certains journalistes notamment l'avaient forcément vu entrer mais qu'ils ne soupçonneraient rien probablement... ou plutôt échafauderaient mille théories toutes plus fausses les unes que les autres.

D'autant que Rodolphe n'était pas seul avec Aileen... La première personne sur qui son regard se posa entre les bouquets de fleurs exotiques qui grimpaient le long des murs ou de quelques piliers, ou serpentaient sur le sol, fut le commandant Andrei. Ils restèrent l'un en face de l'autre, froids, sombres.

L'homme lâcha avec des éclairs dans les yeux :

— L'empereur ! Et dire que je t'ai pris en amitié et que j'ai voulu t'entrainer à devenir un garde parfait... Tu n'étais qu'un traître !

Les mots jaillirent de la bouche de Rodolphe avant même qu'il ait réfléchi en réponse.

— Et vous, ça vous plaît de mentir à la face du monde entier en vous prétendant le père de mon fils ? Vous n'êtes pas plus honnête que moi, nous servons simplement chacun nos causes... Alors fichez moi la paix avec vos belles leçons.

Andrei s'apprêta à répliquer mais la jeune femme à laquelle ils pensaient tous deux d'une manière différente surgit alors de derrière un bosquet sur un fin sentier entre les plantes.

— Arrêtez tous les deux !

La serre était heureusement insonorisée mais Rodolphe était de toute façon incapable de penser à des détails pratiques de ce genre. Il était aveuglé par une multitude de sentiments qu'il ne maîtrisait pas et peinait à contenir son besoin de se transformer en mutant. Il était si jaloux d'Andrei !

Père officiel de Theobald, présent aux côtés de l'enfant et d'Aileen... Et puis, en voyant la jeune femme s'arrêter juste devant lui, il était repris de ses habituelles hésitations sourdes. Ils restèrent longuement face à face sans pouvoir dire un mot puis Rodolphe brisa enfin le silence en gardant ses yeux fixés dans les siens.

— Andrei ne pourrait pas nous laisser ?

Le commandant laissa échapper une exclamation incrédule et Aileen tourna la tête vers lui avant de revenir à Rodolphe. Elle avait renoncé à la coloration de ses yeux et ses pupilles étaient maintenant couleur noisette, avec une étincelle triste et sombre.

— Non, Rodolphe. J'ai besoin d'un témoin... et d'un garde aux yeux de l'extérieur.

Le jeune homme sentit ses muscles se tendre et ses yeux virèrent entièrement au doré l'espace d'un instant avant qu'il ne se reprenne. Il ne bougea pas, mais sa poitrine se mît à se soulever plus rapidement, signe que son cœur s'emballait de nouveau.