Déchus

Prologue

Une ombre rouge et noire m'entourait dans un vacarme assourdissant, tourbillonnant à une vitesse folle et s'étalant dans le ciel nocturne. Je ne pouvais pas me relever, mes jambes semblaient lourdes. Non ! J'étais à bout de force, épuisé par cette lutte inutile, mais je ne devais pas abandonner ou il s'emparerait de mon âme. Je sais bien que ma volonté seule ne suffirait pas, quoiqu'il arrive j'étais voué à la défaite. Des gouttes de sang rougeâtres s'écrasaient régulièrement contre le sol goudronné, puis tout un torrent qui ne tarda pas à marquer le bitume au fer rouge ... Mon sang ! Il jaillissait sans fin d'une profonde plaie qui traversait mon dos de part en part, légèrement inclinée. Mes mains tombèrent à terre et me procurèrent deux appuis de fortune pour reprendre mon souffle. Tous mes membres tremblaient, j'étais exténué !

Profitant de ce moment de faiblesse, l'ombre démoniaque se concentrait désormais en un seul point : mon dos. Elle s'insérait dans cette plaie qui me faisait tant souffrir. Une vague de douleur intense envahit tout mon corps. Impuissant, je ne pouvais que hurler à la mort. Après quelques brèves secondes qui m'ont paru plusieurs éternités, l'ombre disparut de ma vue. Mon corps gisait là, au bord du trottoir. Mes yeux se posèrent sur une dernière image avant que je ne perde connaissance : Une plume d'un blanc éclatant et scintillant ... Elle disparut en un petit éclat de poussière d'étoiles jaunes, portée par le vent.

Je m'étais réveillé dans mes draps, comme si de rien n'était, à un seul détail près : la fenêtre était grande ouverte et les rideaux se laissaient lentement bercer par de légères brises matinales. Dans mes pensées, le néant régnait, je n'avais aucun souvenir de cet incident de la nuit passée, rien ! Juste l'émanation d'un souvenir lointain d'un léger duvet blanc.

La journée qui suivit, j'eu des vertiges et parfois l'impression que mon corps ne m'obéissait plus à certains moments. Le soir venu, ces sensations désagréables revenaient plus régulièrement et plus intensément. Au moment où la pleine lune éclairait la ville de tout son éclat, l'ombre m'entourait de nouveau, mais disparut presque aussitôt, laissant apparaître une peau d'un rouge ténébreux et une paire d'yeux jaunes perçants : j'étais devenu une créature démoniaque. À peine eu-je le temps de comprendre ce qu'il m'était arrivé que mon esprit s'effondra : le monstre me contrôlait comme un vulgaire pantin de bois. Il assouvissait ses crimes et ses méfaits par le biais de mon corps. Malgré cela, je restais conscient, comme si j'étais devenu spectateur de mes propres péchés. Je voyais tout; les meurtres, les regards vides des victimes, tout !

Lorsque les premières lueurs du matin se montrèrent, il revint dans ma chambre et je repris le contrôle de mon corps, ce dernier étant redevenu tout à fait normal.

Je ne pouvais plus nier les évidences : J'étais devenu un démon animé par la soif de crime,  ne pouvant étancher sa soif que par le sang.