Non sans remords, je continuais de porter mon attention sur le cours. L'ennui était un faible mot pour décrire cet état de léthargie dans laquelle la voix monotone du professeur me plongeait petit à petit. Et puis, le bruit irritant de la craie qui s'écrasait contre le tableau noir.
Non! Décidément c'était insoutenable!
Les cours s'enchaînaient sans que je m'en rende vraiment compte. La sonnerie marquant la fin des cours retentit et la pagaille vint semer ses graines dans toutes les têtes, un chaos ordonné s'installa, tous rangeaient leurs affaires dans la plus grande hâte.
Tous ?
Non, pas elle... tous sauf Kira! Elle gardait un calme olympien, rien ne la perturbait. Elle paraissait si gracieuse au milieu de toute cette agitation, une lumière parmi les ténèbres, une couleur vive parmi des pages grisâtres. Une sourire radieux l'éclaira de plus belle, ses yeux pétillant qui me fixaient avec entrain : "A demain alors!", s'exclama-t-elle joyeusement en m'adressant un discret signe de la main. Sur ces mots, elle s'en alla sans plus tarder.
Était-ce un sourire sincère ou forcé ? La deuxième option ne m'étonnerait pas. Après tout, j'ai... je l'ai... Non, je ne devais plus y penser, je n'avais que ce que je méritais, ce que ma lâcheté méritais! Désespéré, je me mis en route.
Les mains dans les poches, j'avançais d'un pas lent. Mes pieds traînaient contre le bitume sali du trottoir. Mes mouvements n'étaient que le fruit de divers réflexes machinaux, je semblais plus un robot sans âme qu'un Homme se rendant chez lui.
Finalement, diminuer les heures de travail c'est augmenter d'autant les heures à me languir dans une attente interminable.
Attendre quoi? Sûrement quelque chose...
Que le temps passe? Non, juste attendre.
Malgré mes tentatives, je gardais la réminiscence de cette altercation, aussi brève soit elle. Sa voix, son visage, tout me revenais comme si elle se tenait là, devant moi. Mais plus que tout, je me sentais comme touché; sa gentillesse m'avait frappé. Plus j'y pensais, plus je me torturais l'esprit. Je devais l'oublier, l'effacer de ma mémoire, j'avais eu ma chance, je n'avais pas su la saisir. Par ma seule faute je l'avais repoussée.
J'arrivais dans ma maison miteuse. Sa décoration vieillotte la rendait cependant agréable, d'autant plus qu'il y faisait chaud comme il faut, le genre d'endroit où l'on voulais rester. Je ne m'attardais pas plus et montais dans ma chambre, tout aussi sobre du point de vue décoratif. "Après le travail, du travail!", soupirais-je en sortant mes livres sur un bureau de fortune que me procuraient mes draps froissés. J'entrouvris mon agenda à la page de demain et y lus les quelques phrase, enfin si on pouvait appeler ces gribouillis des phrases...
"Pour Jeudi 8 Janvier :
Maths: 32p.146 / 57p.149
App trigo
Philo: Txt aristote"J'entamais donc les mathématiques, histoire de m'en débarrasser rapidement. En ouvrant la trousse, un petit papier soigneusement plié sur lui-même dégringola et roula un court instant sur le tissu avant d'arrêter sa course devant mes doigts. Je m'en saisis et le dépliai. A ma grande surprise, une dizaine de chiffres y étaient inscrit bout à bout au crayon : un numéro de téléphone.
Une seule personne aurait pu écrire cela : Kira!
Je m'emparai avec empressement du mien, jusqu'alors terré dans la poche droite de mon jean, et saisit le numéro inscrit. Je me demandais bien à quoi pouvais me servir cet objet, je n'ai aucun contact. Voilà une occasion de m'en servir.
Non! Mieux que ça, j'allais pouvoir parler à quelqu'un, lui parler normalement. Je vérifiais un instant l'heure : 18h46, il me restais encore un petit peu de temps. Mais devant le clavier virtuel, mes doigts tremblaient. Je ne savais pas quoi dire, quoi écrire. J'étais figé par je ne sais quel ressentiment. La peur peut-être? La peur d'enfin parler librement à quelqu'un? La peur de la libération? Ça n'avait aucun sens, tout ça était irrationnel! Je laissai alors mes doigts tapoter le clavier sans réfléchir.
[18h48] Kira?? C'est toi??
J'eu l'impression que ce SMS aussi basique qu'inutile mit un temps insensé à s'envoyer. L'attente qui suivit fut interminable... Je ne bougeais pas, je gardais les yeux rivés sur les pixels lumineux de l'écran. Ce dernier vibra soudainement, me procurant un léger sursaut.
Oui c'est bien moi. Mais qui êtes-vous? [18h54]
[18h54] C'est moi, Kay! Tu m'as laissé ton numéro en cours.
Oh bonjour Kay! Je me le suis permise, ça ne te dérange pas j'espère? [18h55]
[18h56] Pas le moins du monde, c'est même mieux comme ça. Merci beaucoup ^^
Ahh tant mieux, je stressais à cause de ça. Contente que tu le prennes bien :) [18h56]
[18h56] Je suis désolé pour tout à l'heure, en classe, je ne voulais pas...
Non c'est moi. Tu as surement raison, je ne te laissais pas parler. [18h58]
[18h58] Tu ne comprends pas, ce n'étais pas voulu. Tu es tout sauf ennuyante, je t'assure!
Oh, merci :) Comment ça "pas voulu"? [18h59]
[18h59] Je ne voulais pas te dire ça... Je voulais dire
Mon corps se figea lorsque je découvris avec horreur les ténèbres nocturnes prendre place sur la ville, la lune brillait de tout son sordide éclat.
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Déchus
ParanormalL'ennui ... voilà ce qui rythme la vie monotone de Kay, un lycéen de 19 ans qui vit seul dans une maisonnette miteuse. Il a toujours eu des difficultés à s'exprimer avec les autres, paraissant arrogant sans le vouloir envers les personnes qui vienne...