Chapitre 7 - Amitié

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Plutôt qu'une fatigue pesante et continuelle, celle-ci qui paraîtrait pourtant logique suite à des nuits blanches rougies par le sang, je ressentais à chaque fois un mal de tête quelque peu intense. Tandis qu'une vive douleur tiraillait mon crâne à grands coups de marteau, j'appuyais sous mon os frontal avec mon pouce et mon index tout en plissant les yeux et en grimaçant. Je poussai un gémissement soudain qui accentua rapidement et devint une sorte de cri de motivation, très utile pour m'aider à me lever du siège moelleux qu'était mon matelas.

Mes pieds traînaient sur les planches grinçantes, je me dirigeais vers la salle d'eau où je gobai un médicament. J'implorais le saint effet placebo de soulager cette migraine sans doute sortie de mon imagination.

Devant le miroir, je passai mes doigts dans mon cuir chevelu et arrangea un tant soit peu ma coiffure... Toujours autant négligée. Le visage qui se miroitait devant moi semblait vidé de toute envie, aucune motivation ne se reflétait. Je mimai brièvement un sourire idiot avant de retourner vers mon antre et m'affairer à préparer mon sac.

Je fus surpris par le vibreur de mon téléphone prenant la poussière dans ma poche, lui qui ne donnait aucun signe de son existence en temps normal.

Je te crois, ne t'en fais pas. Que veux-tu dire par "Je n'y suis pas arrivé"? [7h47]

Kira! J'étais soulagé qu'elle veuille bien continuer à me parler. Mais d'ailleurs, est-ce qu'elle était au courant que je connaissais son apparence angélique? Ou savait-elle simplement que le personne... le monstre en face d'elle, la nuit dernière, c'était moi? Elle ne voulait peut-être pas le mentionner afin d'appâter l'autre énergumène? J'hésitais un temps à lui répondre, mais d'un autre côté, je voulais à tout prix continuer de lui parler, c'était si apaisant. Toutes ces craintes me retournaient le cerveau! J'entrepris de reprendre mes esprits et raisonner de façon logique. Je pris une longue et profonde inspiration qui ressortit de ma cage thoracique de manière lente et reposée. Rester calme, naturel, aucune allusion.

Je lus une nouvelle fois son dernier message pour me le remémorer. La réponse à sa question me semblait si évidente pour moi. Je n'en avais jamais fait part à qui que ce soit, je ne savais pas comment l'expliquer clairement.

[7h49] C'est... Compliqué

J'ai du temps. Mais si tu ne veux pas en parler, je ne te force pas. [7h49]

[7h50] Et bien... Je n'arrive pas à dire ce que je veux, ça sort tout seul, comme si quelqu'un d'autre parlait à ma place. Encore désolé...

Je comprends mieux. Je ne t'en veux vraiment pas, je t'assure. Je suis sûre que tu es quelqu'un de bien :) [7h51]

Quelqu'un de bien? Ces mots m'avaient atteint directement en plein cœur, personne ne m'avait jamais parlé avec tant de bienveillance. Heureusement que l'on communiquait par messages!

[7h52] Oh! Merci beaucoup !

Je suis assez gênée de demander mais... Tu voudrais bien qu'on devienne amis? [7h53]

Des... Amis? Je ne savais ce que définissait exactement ce terme​, juste un concept qui m'était jusqu'alors inconnu. Je sentis mon rythme cardiaque s'accélérer, mon corps parcourut par un florilège d'émotions indiscernables : de l'excitation ? De la frayeur? De l'appréhension? De la joie intensément agréable? Tout et rien à la fois, un brouillon se détectant d'une clarté paisible.

[7h54] Avec plaisir! Toi aussi tu es quelqu'un de bien! :)

Merci ^^ À tout à l'heure en cours alors. [7h54]

[7h55] À tout à l'heure! Ah, au fait... Si je te parais distant ou même pire... Ce n'est pas voulu. Enfin... Tu comprends :'(

Je ne t'en voudrais pas, fais-moi confiance :) [7h56]

[7h57] D'accord, merci encore :)

Décidément, j'étais bien plus expressif au travers d'un téléphone qu'en face des autres.

J'avais donc une amie. Sa gentillesse était-elle sans faille? Quoiqu'il en soit, elle me l'avait demandé, c'est bien qu'elle aussi le voulait volontiers. Une nouvelle crainte s'empara de mon être : celle de tout gâcher et de la perdre. La décevoir était la dernière de mes pensées, je ne me pardonnerais pas! Pour décompresser, un grognement s'échappa de ma gorge. Je devais penser à l'instant présent et arrêter de me torturer avec des doutes inutiles!

J'étais déjà impatient de la voir, de contempler son visage gracieux souligné par un sourire attendrissant, de saisir chaque parole se faufilant hors de ses lèvres de poupées dans le chant harmonieux vivifié par sa douce voix. Mais pour quoi faire au final? Fuir tel le lâche que je suis? Pas cette fois! Je n'allais pas m'en aller comme la dernière fois! Cette fois-ci je devais au moins essayer. Mais qu'allais-je lui dire? De quoi allais-je espérer lui faire part? Je verrais bien.

Plus le temps avançait, plus je ressentais un point au niveau de mon estomac. Il se nouait sur lui-même au fil de la trotteuse, chaque seconde écoulée me rapprochait de l'instant inévitable. La nervosité faisait chanceler le bout de mes doigts, mes jambes grelottaient d'elles-mêmes. Je me ressaisis suite à plusieurs claquements de mes paumes sur mes joues.

J'insérai une paire d'écouteurs orangés dans mes oreilles et m'abandonnai, au moins l'espace de quelques minutes, à une transcendance musicale hors du monde.

DéchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant