Quand l'amour va tout va

Chapitre 6

  Le garçon à côté de moi porte des lunettes et un tee-shirt gris "I love pixel" usé, dont il utilise la manche pour s'essuyer les yeux. Ses cheveux sont gras et partent dans tous les sens.

  J'essaye dans un premier temps de tourner la tête de l'autre côté, mais j'aime pas voir - ou dans ce cas là entendre - quelqu'un pleurer.

  Alors dans un élan de gentillesse je glisse un petit :

  - Ça va ?

  Et là, il lève brusquement sa tête vers moi - ça me fait sursauter - et renifle bruyamment avant de déclarer sur d'une voix meurtrie et tremblotante.

  - Elle ne m'aime paaaaaaaas....!

  Je te comprends mec. Sois fort.

  Je cherche un truc rassurant à dire, qui pourrait lui redonner du courage, mais pas de faux espoirs.

  - Oh merde alors.

  En effet, c'est pas terrible.

  - On faisait la queue ici... Continue-t-il entre ses sanglots. Elle disait rien alors j'croyais qu'elle allait... Je sais pas... Et juste avant de monter elle me dit qu'elle... Qu'elle rompt avec moi et... et elle paaaart....!

  Et il se remet à déverser toutes les larmes de son corps.

  Pourquoi sa copine - ou plutôt son ex - à pu partir et pas moi ? Injustice.

  Je serre les dents. Je peux pas faire grand chose. Je sors un mouchoir de ma poche et lui tend.

  - M... merci...

  Il souffle dedans comme une trompette.

  Je regarde vite fait autour de moi. Le wagon avance doucement, dans la pénombre, au milieu de coeurs en plastique et de cupidons suspendus au plafond. Il fait très chaud, et la musique d'ambiance, qui se veut romantique,  rend à cet instant l'atmosphère plus pesante qu'elle ne l'est déjà. Je croise les bras et m'enfonce dans le siège rose bonbon.

  - Moi le mec avec qui j'essaye de sortir est parti dans un wagon avec une américaine. Ils sont devant nous.

  Me demandez pas pourquoi je lui raconte ça.

  - C... courage...

  - Merci.

  Je ressens à ce moment une grande jalousie pour Lydia. Presque autant que pour Marguerite.

  - Ça fait mal quand même... dit mon camarade de wagon.

  - De quoi ?

  - L'Amour...

  - Je te l'fais pas dire.

  - Je comprends pas... pourquoi elle... M'a gerté si subitement...

   - Je sais pas.

  Je réfléchis. Ce gars n'a pas l'air méchant. Il faut juste qu'il se lave les cheveux.

  Suite à cette discussion, nous restons jusqu'au bout du tunnel à faire connaissance et à commenter la débilité de l'attraction.

  Il s'appelle David, et c'est un geek. Il l'a dit lui-même. Il aime les jeux vidéos, Star Wars, et programmer des trucs sur sa calculatrice.

  Sinon il a parlé de son ex, et d'à quel point elle est merveilleuse, gracieuse, compréhensive...

  J'aimerais bien qu'Hugo parle de moi comme ça.

  D'ailleurs, je me demande de quoi il parle avec Lydia.

  Pour ma part, je lui ai fait part brièvement de ce que je ressens vis-à-vis de mon basketteur et de notre relation compliquée. Enfin, du fait que c'est compliqué seulement pour moi.

  David s'est calmé, et nous sommes enfin sortis de cette infrastructure à l'eau de rose.

  - Du coup tu vas retrouver tes amis ? S'informe-t-il en mettant les mains dans les poches de son jean.

  Je regarde dans les alentours. Ils ne sont pas là.

  Non mais je rêve.

  Pour qui elle se prend ? Elle me vole ma place dans le wagon et maintenant mon rendez-vous au parc d'attractions ??

  Le pire c'est qu'Hugo s'est laissé faire, puisqu'il ne m'a pas attendu non plus.

  Je me sens triste. Trahie et triste.
 
  - Non. Ils sont partis.

  - Ah mince je suis désolé...

  - Tu n'y es pour rien.

  On reste un moment sans parler à chercher quoi faire. C'est lui qui brise le silence

  - Tu veux faire du tir à la carabine ?

  Mon coeur se serre en pensant que je voulais faire ça avec Hugo.

  Je lève les yeux vers David. Il est bien moins grand que mon meilleur ami, il me dépasse de peu.

  Ça peut être une bonne idée, histoire de pas finir sur une déception.

  - Allons-y.

  Il a l'air content. Son expression est en contradiction avec ses yeux rougis par les larmes.

  - Par contre je te préviens, je sais pas très bien viser.

  Je souris légèrement.

  - Moi non plus.