Chapitre 7

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Lundi 9 avril

  - Nooooon...! S'exclame Iris. Il a pas fait ça ?

  - Et si...

  C'est la récréation, et je suis dans la cour du lycée, assise sur un banc à côté de mon amie.

 Je viens de lui raconter ma mésaventure du week-end. Je n'ai pas pu le faire avant, car elle était partie - comme souvent les week-ends - dans sa maison de famille, au fin fond de la campagne normande.

  Et là bas il n'y a ni réseau ni wifi.

  Et elle y emmène ses cacahuètes.

  - Et elle s'appelle comment ta brune aux gros seins ?

  - Lydia.

  J'ai presque caché son nom.

  - Oh c'est drôle ça !

  - Quoi ?

  - Y a une nouvelle qui s'appelle comme ça !

  - C'est une blague ? T'aurais pu le dire av...

  BOUH !

  Je sursaute et me retourne vivement.

  Hugo se tient derrière moi, tout fier de sa blague. Il attends que je rigole.

  Ah... ah... ah...

  Non je ne vais pas rigoler. À la place, je le regarde méchamment avant de lui tourner le dos.

  Il fait le tour du banc et vient s'accroupir devant moi, pour me faire face.

  Je suis toujours fâchée contre lui. Et triste. Mais je ne peux pas m'empêcher de fondre intérieurement quand ses yeux bleus cherchent mon regard. Ça m'énerve.

  - Je suis désolé pour samedi Gabri...

  - Ça tu peux l'être. Je lui répond sèchement.

  - J'ai voulu t'expliquer au téléphone mais t'as pas répondu.

  Alors ça oui, je voulais plus le voir en peinture. J'ai donc bien ignoré ses appels.

  - Mmh.

  - Tu veux bien qu'on discute ? S'il te plaît ? Propose-t-il en inclinant la tête sur le côté.

  Il est trop mignon. Il a peut-être vraiment une explication sérieuse après tout.

 - Si tu...

  - Helloooo guys !!

  Je pense que je vais péter un câble.

  Je soupire. Lydia est dans mon lycée. Vraiment j'ai pas de chance. Surtout qu'il y a trois lycées différents en ville, et il a fallu qu'elle tombe dans le mien.

  Elle porte une marinière, un béret et un foulard rouge autour du cou. C'est ridicule.

  - Ah Lydie, tu tombes bien, j'allais expliquer à Gabri où on était après l'attraction samedi.

  Lydie ? Parce que maintenant elle a un surnom ?

  - Ohw oui ! Un petite chien a blessé son patte, alors on a aidé le maître à emmener lui à le first-aid station du parc.

  Iris rigole.

  Hugo la fusille du regard et elle s'arrête net en mettant ses deux mains en croix devant sa bouche.

  - Vous m'avez abandonnée pour un chien ? J'articule, touchée dans mon ego, qui n'est pourtant pas surdimensionné.

  - Dis pas ça, on ne t'as pas abandonnée ! Tente de se rattraper Hugo en se relevant. J'ai essayé de t'appeler, et t'as pas décroché, c'est tout.

  - Parce que c'est ma faute en plus ? Je m'indigne en haussant la voix.

  - J'ai pas dit ça...

  - Et bien t'as qu'à rester avec ta chère Lydie et sauver des chiens blessés au aid-first-je-sais-pas-quoi !

  - First-aid office. S'incruste - encore - la concernée.

  - Toi ça va !! Je m'emporte. Laissez-moi tranquille !!!

  Sur ce, je me lève, ramasse mon sac et part la tête haute, très en colère, je sais pas trop où.

  Mais le plus loin possible d'eux en tout cas.

  Hugo tourne la tête vers Iris, comme si elle allait apporter une aide miracle.

  Mais mon amie se contente de hausser les épaules avant de venir me rejoindre à l'autre bout de la cour, derrière un gros arbre centenaire.

  Je me suis assise, adossé à celui-ci. Elle se place à côté de moi, en tailleur, et me laisse poser ma tête sur son épaule.

  - Iris...

  - Oui ?

  - Tu crois que je devrais abandonner ?

  J'ai rendu mon amie abasourdie.

  - Sûrement pas !

  - Mais ça fait à peine quatre jours que j'ai pris l'initiative de... conquérir son coeur, et rien ne marche comme prévu.

  Ma meilleure amie réfléchit, puis elle tape dans ses mains.

  - Il faut donc essayer avec plus de hargne !

  Je souffle un petit rire.

  - Mais alleeeer ! Continue-t-elle. On vient à peine de commencer !

  - Avec Lydia c'est mort.

  - Mais nooon ! C'est juste son amie, et il a pas dû la voir depuis longtemps. Si ça se trouve c'est quelqu'un de bien.

  - Mouais.

  Je ne suis pas convaincue. Mais elle a raison dans le fond : je dois continuer.

  - Tu sais, on contrôle pas l'amour. Si tu arrêtes maintenant de te battre, qui sait combien de temps il faudra attendre avant que tu ressentes plus rien pour lui ? Tu pourrais être longtemps malheureuse, j'aimerais pas te voir comme ça. Et ça vaut aussi dans l'autre sens, si ça se trouve il est à deux doigts de succomber à ton charme. De même que si ça se trouve il va falloir encore du temps avant de voir s'éveiller chez lui des sentiments semblables aux tiens. Mais si tu persévères, un jour ça viendra.

  Je n'ai pas osé l'interrompre. Je suis bouche bée devant son discours. Je sais pas trop pourquoi, mais il me motive vraiment.

  - Alors, conclut-elle, on continue ?

  - Ou.. ouais, carrément.

  Iris sourit à pleines dents. Et les commissures de mes lèvres s'élèvent aussi.

  Et - chose étrange venant de moi - je la prend dans mes bras.

  - Merci beaucoup Iris.

  - Mais de rien !

  Et elle me serre fort. Un peu trop fort même, je suis obligée de me reculer pour respirer de nouveau.

  - Et comment on fait pour Lydia ? Je demande.

  - Apprends à la connaître, si ça se trouve ça va devenir notre alliée !

  Elle place sa main sur son front comme pour faire un salut militaire avant de continuer :

  - Et nous combattrons toutes pour un même objectif !

  Je me mets à rire.
 
  - Parfait ! J'acquiesce.

  - Alors en avant toute !

  Et mon amie se lève, de manière parfaitement synchronisée avec la sonnerie.

  - Au fait Iris.

  - Oui ?

  - Comment t'as fait pour sortir un speech aussi classe ?

  Elle tapote son carnet à listes en me faisant un clin d'oeil.

  - J'ai une liste qui s'appelle : "discours motivants si une personne que j'apprécie décide d'abandonner quelque chose qui en vaut la peine d'après moi".

  Vraiment, je me demande ce que je ferais sans elle.

Quand l'amour va tout vaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant