Quand l'amour va tout va

Chapitre 9

  Ça fait 20 minutes que nous sommes à table, Iris et moi, côte à côte en face de Lydia.

  Et ça fait 20 minutes qu'elle nous parle d'elle et Hugo aux États-Unis.

  D'elle et Hugo au parc aux États-Unis, d'elle et Hugo faisant du shopping aux États-Unis, d'elle et Hugo à la plage aux États-Unis, d'elle et Hugo au cinéma aux États-Unis... et caetera et caetera...

  Je prends beaucoup sur moi. J'ai envie de lui lancer ma purée potentiellement radioactive sur son beau pull Guess. Et devinez où elle l'a acheté ?

  Aux États-Unis. Avec Hugo.

  J'en peux plus de son accent anglais et de ses fautes de français. Je sais qu'elle fait pas exprès, mais payez lui un prof particulier s'il vous plaît !!

  Je relativise en me disant que si tout ce qu'elle a à raconter c'est des souvenirs d'elle et Hugo - très redondants et énervants -, en sachant qu'il ne va aux États-Unis que pendant les vacances d'été - normalement voir sa COUSINE hum -, sa vie doit être bien monotone le reste de l'année.

  Et de toute façon, j'ai plus d'anecdotes sur mon meilleur ami qu'elle n'en aura jamais.

  Bon, si je veux faire d'elle une alliée, je dois réussir à lui faire part de mes sentiments.

  J'aime pas parler de moi, mais alors là pas pas du tout. Et là je dois parler de moi à Lydia.

  Je soupire intérieurement. Aller. Pour Hugo.

  Je vais tenter d'exposer le problème de manière subtile, détournée, et inattendue.

  Et de la faire taire "gentillement".

  - ... et après nous avons choisir some chapeaux drôles pour le costume pour la party costumée de...

  - Je suis la meilleure amie de Hugo tu sais ?

  Elle hausse les sourcils et hoche la tête exagérément en tenant sa cuillère comme la reine d'Angleterre.

  - Ah oui ?

  - Ouais. Et je.. enfin je pense que je l'a...

  - Moi je suis son petite amie !

  Attends, attends... Quoi ?

  Nan, c'est impossible.

  Plus aucun son n'arrive à sortir de ma bouche. Je me tourne vers Iris, elle aussi en est bouche bée.

  L'Américaine croise les jambes et nous regarde avec une expression comme si elle venait de sortir la plus grande des banalités de tous les temps.

  J'avale ma salive et parvient à déglutir un léger :

  - Pardon ?

  - Je suis son petite amie ! Répète-elle en souriant.

  Voyant que notre incrédulité ne fait qu'augmenter, elle tente de se reprendre :

  - Ohw désolée, je pensais que le France disait petite amie pour girlfriend.

  - Si, si, c'est le bon terme... affirme mon amie en replaçant ses lunettes du bout du doigt.

  Je sens mon coeur se serrer comme jamais. J'ai l'impression qu'il est enfermé dans une boîte à chaussures d'où il essaye vainement de s'enfuir. Qu'il va se résorber, s'effondrer sur lui-même.

  Je regarde distraitement mes mains qui ouvrent un yaourt que je ne mangerai pas, mon appétit s'étant envolé.

  - Depuis quand ? Je me renseigne le plus froidement possible.

  - Deux ans, ou peut-être trois I don't know.

  Iris manque de s'étouffer avec un bout de pain.

  - Et Marguerite Collins ? Je continue.

  Ne me demandez pas pourquoi je pense à elle a ce moment là.

  Lydia lève un sourcil.

  - Qui est-ce ?

  - L'ex d'Hugo. Il sortait avec elle le mois dernier.

  - Ohw oui, c'est parce que nous avons break up à cause de notre relation où nous se voyons que pas beaucoup. Mais il a break up avec elle quand nous sommes remis en couple. En plus avec de chance je suis venue ici après.

  Et maintenant elle sourit. Elle est contente.

  La première chose à laquelle je pense est que c'est inadmissible pour Marguerite. Je ne la porte pas dans mon coeur mais ça se fait pas pour elle.

  Ensuite je me sens triste, révoltée, haineuse envers Hugo. Il ne m'a jamais parlé de Lydia, il n'a jamais mentionné qu'il était en couple, et surtout il m'a menti sur la raison de sa rupture avec Collins.

  Je reste immobile un moment, sinon je vais craquer.

  Iris pose sa main sur mon épaule et me demande :

  - Ça va ?

  Je serre mon poing, me lève d'un coup et sors en marche rapide de la cantine, déposant violemment mon plateau au passage.

  Je cours jusqu'aux toilettes et m'enferme dans une cabine.

  J'attends un moment en respirant fort, et sens des larmes rouler sur mes joues.

  Des larmes de fureur, de chagrin, ou peut-être d'un mixe des deux.

  Peu importe de toute façon.

  Je déteste ce déjeuner, je déteste Lydia, et je déteste cet enfoiré d'Hugo.

  Mais je continue malheureusement de l'aimer.