5- La lettre

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-J'ai reçu la même lettre que toi. Manifestement, quelqu'un cherche à nous faire chanter.

Il se saisit de l'enveloppe marron. Ma lettre a été postée à Paris. Dans le 6-ième. Et la tienne?

-Je ne sais pas. Je n'y ai pas prêté attention. Attends voir... Paris 6-ième, également.

-Le maître chanteur les a donc postées au même endroit. Je me demande si...

-Quoi?

La voix de Jack trahissait, soudain, une anxiété nouvelle.

-Si l'un d'entre nous ne serait pas l'auteur de ces lettres!

-Tu veux dire que, dix ans après...

-Et pourquoi pas? J'ignore pourquoi avoir attendu tout ce temps. Mais personne n'avait intérêt à divulguer notre secret. Tu entends. PERSONNE !

Il s'écoula un long moment.

Nous avions juré sur l'honneur.

Jack soupira. Pierre pouvait le voir, sur son écran géant. Il était livide, les yeux gonflés, au bord des larmes.

-Je sais, finit-il par dire.

Pierre enchaîna.

-Et puis, tout avouer, revenait à passer le restant de nos vies derrière les barreaux. Aucun de nous, à ma connaissance, n'était prêt à payer ce prix.

-Je sais. Jack éclata en sanglots. Mais c'est moi le véritable coupable. Pas vous.

-Ne dis pas de bêtises!

-C'est moi, ce matin-là, qui...

-Chut! Pas au téléphone. Pierre pensa soudain à Gladys. On pourrait nous entendre.

-Pierre,... J'ai peur...

Il semblait au bord de la crise de nerfs. Pierre le voyait se décomposer. Il tremblait de tous ses membres.

-Calme-toi! Calme-toi. Il eut soudain un doute. Dis-moi, tu n'as pas replongé?

Jack releva la tête, les yeux remplis de larmes. Il fallait qu'il se raconte. Trouver une épaule solide et forte à la fois. Confesser dix ans de sa vie, vide de sens.

-Après toutes ces années, j'avais réussi à me reconstruire. Enfin, je le croyais. J'avais arrêté toutes ces "cochonneries", je te le jure. Mais depuis mon divorce, l'an dernier, je... disons que ça n'a pas été facile pour moi.

Il effectua une courte pause, reniflant de plus belle.

Quand je vois ce que je suis devenu, j'ai honte de moi. J'ai perdu ma femme, mon travail, mes amis... Je n'ai plus rien, plus personne... Je suis au bout du rouleau.

Ses pleurs redoublèrent. Ses yeux gonflés, son teint pâle, renvoyaient un air lugubre sur l'écran géant.

... Et maintenant, ces menaces.

-Calme-toi. Ecoute, il faut que l'on se voit. Tu es où en ce moment?

-A Gagnère... Gagnère-sur-Loire. Près d'Orléans.

-Tu vis seul, c'est ça?

-Oui.

-Viens me voir à Paris, je prends tous tes frais à ma charge. Tu n'auras à t'occuper de rien.

-Je... Je n'ai pas de voiture.

-Prends le train. A ton arrivée à Montparnasse, le chauffeur de ma société t'attendra.

Ses pleurs redoublaient à présent.

-Je ne sais pas si je tiendrai jusque là. Je pensais que tout était terminé... Et voilà que le cauchemar recommence.

J'en peux plus, Pierre...

-Tiens bon. On va trouver une solution.

-Non. Je vais me dénoncer. Je n'ai plus rien désormais à quoi me rattacher... Tout déballer à la police. Après tout, on finit toujours par payer un jour ou l'autre...

Ce fut au tour de Pierre de devenir livide. Si Jack balançait l'affaire aux flics, tout l'édifice qu'il avait patiemment construit, s'effondrait. Son entreprise, sa famille, sa fortune, ...

Il devenait urgent de l'avoir à ses côtés, le plus tôt possible. Au moins pour l'empêcher de commettre l'irréparable!

-Ecoute, puisque tu es seul et que tu ne travailles pas, prends le TGV, demain. Ne t'inquiète pas, on va régler tout ça.

Pierre avait pris sa voix la plus douce. Cela eut pour effet de calmer Jack.

Ce dernier reprit soudain espoir.

-Tu as sans doute raison. C'est toi qui réglais tous nos problèmes... avant. Même si on a pu avoir quelques différents, je t'ai toujours fait confiance.

-Parfait! Je te préfère dans cet état d'esprit. Va acheter ton billet pour Paris, et dis-moi à quelle heure arrivera ton train demain.

Jack sécha ses dernières larmes.

-Je vais faire comme tu me le demandes, Pierre. J'ai confiance en toi.


SIX PETITS BLANCSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant