19- Quatrième lettre [2]

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 Ma deuxième vie a commencé à l'âge de seize ans. Un an plus tôt, ma mère rencontra un homme. Dur, autoritaire. Un militaire de carrière bardé de médailles. Je n'ai jamais su trop pourquoi il s'était intéressé à elle. Toujours est-il, que du jour au lendemain l'atmosphère à la maison est vite devenue irrespirable pour moi.

Vous imaginez un junky obligé de marcher au pas. Lever à sept heures, faire sa chambre, rentrer dès les cours terminés, coucher à 22 heures. Il le voyait bien pourtant que j'étais camé jusqu'au blanc des yeux... 

Et ma mère, toujours aussi faible, qui n'arrivait pas à prendre parti. J'ai fini par craquer et je suis parti vivre chez ma tante à Lille. J'avais seize ans.

Je m'étais juré que tant que ma mère resterait avec ce connard, je ne donnerais plus signe de vie. Et j'ai tenu parole, hormis quelques coups de fils les deux premiers mois.

Et à vingt-quatre ans, après..." l'accident ", j'ai effacé définitivement ma mère de ma mémoire. J'avais trop de problèmes à gérer sans m'en rajouter un supplémentaire. Après tout, elle avait choisi. Elle préférait son militaire. Libre à elle.

J'ai replongé dans la drogue, les pétards, l'alcool... Jusqu'à ma rencontre avec Isabelle. De douze ans mon aînée.  Elle a su m'apaiser, me redonner confiance. J'ai compris très tôt que je ne l'aimais pas d'un véritable amour, mais sa présence m'était devenue indispensable. 

On s'est fiancés. Et même mariés à la mairie de Fontainebleau. Je pensais sincèrement avoir trouvé une forme de bonheur qui refermerait à tout jamais mes multiples plaies. J'ai même invité Charly à mon mariage. Il venait de reprendre contact avec moi et habitait tout proche, à Melun. 

Mais quand Isabelle m'a pressé pour qu'on ait un enfant je n'ai pas supporté. ça devenait une obsession pour elle. Elle approchait la quarantaine. Moi je ne me voyait pas devenir père après ce que j'avais fait huit ans plus tôt. En plus je vous l'ai déjà dit, inspecteur, je ne l'aimais pas vraiment. Certes, je tenait énormément à elle, mais pas au point d'accéder à son désir de maternité.

La logique de ce nouveau fiasco a été un divorce à l'amiable.

Et puis, il y a deux ans, j'ai souhaité reprendre contact avec ma mère.

SIX PETITS BLANCSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant