11. « Tell me you're gonna stay » Steven Tyler

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Emma

Je n'ai jamais cru au hasard, je me suis toujours répété que toute chose arrivait pour une raison. Cette façon de penser m'a souvent aidé à affronter les épreuves de la vie. Mais j'admets qu'aujourd'hui, allongée dans mon lit à repenser aux derniers événements, je ne trouve aucune raison à l'abandon de mes parents et au fait que William ne me suive plus. Qu'est-ce que c'est censé m'apporter ?

Les yeux rivés sur le plafond, je cherchais un but à tout ce qui m'arrivait. L'effet des médicaments ne s'estompait pas et je sombrais dans un profond sommeil sans m'en apercevoir.


« Emma, ce gars n'est pas pour toi. Il ne veut que te refiler sa merde ! » S'égosillait Julie.

Elle m'avait attrapé le poignet pour que j'arrête de m'éloigner. Cela faisait trente minutes qu'elle s'évertuait à m'expliquer pourquoi je ne devais pas fréquenter Tony. Elle ne savait pas qu'elle arrivait déjà trop tard.

Tony et moi étions ensemble depuis un mois. J'avais fini par accepter son deal : je sortais avec lui, et j'avais de la coke à volonté pour seulement 10 euros par mois. Ça avait commencé lors de sa soirée, à la fin de la première semaine de la rentrée, il y a trois mois. J'avais essayé de résister, de prévoir autrechose pour ne pas m'y rendre, mais les filles avaient entendu parler « d'une grosse fête comme on n'en verrait jamais » et avaient insisté pour que nous y allions. Je savais que je renouvellerai l'expérience avec Tony. J'y avais pensé sans arrêt depuis la première fois. J'avais envie de retrouver cette sensation de bien-être. C'est ce soir-là qu'il m'avait proposé son deal : « tu sors avec moi, et je te fournis à volonté pour seulement 10 euros par mois. »J'avais tenté de refuser, j'avais essayé de l'éviter au lycée. Mais je n'avais rien pu faire face à l'appel de la poudre. Au début, je payais le prix coûtant, comme une cliente ordinaire. Mais après deux mois, j'avais commencé à être à sec et à reconsidérer la proposition de Tony. Il fallait bien avouer aussi qu'il ne faisait pas parti des plus moches du lycée... Alors j'avais accepté. Je m'étais « abonnée », comme on s'abonne à une salle de sport. 

Mes amies ne connaissaient pas cet accord, je leur avais simplement dit que je sortais avec un garçon. Mais Julie m'avait vu dans les couloirs, embrasser Tony. Il avait une très mauvaise réputation au lycée. Tout le monde connaissait son occupation, beaucoup de lycéens faisaient même partis de ses meilleurs clients, mais personne ne voulait l'admettre. Alors Tony prenait toutes les réflexions, mais il ne s'en préoccupait pas.

« Ecoute Julie, je te remercie mais je suis assez grande pour m'occuper de moi, je n'ai pas besoin d'une baby-sitter", avais-je rétorqué un peu trop sur la défensive. Cette simple phrase marquait le début d'une longue descente aux enfers. Je ne m'étais jamais disputée avec les filles, et certainement pas à propos d'un gars. Ce fut la première fois, et je ne ressentais aucunement l'envie de m'excuser lorsqu'elle me lâcha le poignet, surprise par ma réponse. Sans un mot de plus, je m'éloignais d'elle rapidement. Je lui en voulais beaucoup de s'immiscer dans ma vie de cette façon.

[...]

« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? » questionna Tony en se penchant pour m'embrasser. Je m'étais rendue chez lui pour me changer les idées. Je lui rendais son baiser furtivement.
Déjà il préparait une petite ligne sur son bureau, qu'il m'invita d'un geste à prendre avant de tout lui raconter. Je m'exécutais sans me poser de question. C'était devenu un rituel pour nous, et la poudre ne m'effrayait plus, bien au contraire. Chaque jour, je la désirais un peu plus.

« Je me suis embrouillée avec Julie, expliquais-je, sans aucune once de tristesse dans la voix, comme détachée par rapport aux événements. Elle croit que tu sors avec moi uniquement pour me refiler ta drogue. »

Je vis son regard se détourner de moi, comme si je l'avais pris en flagrant délit. Je m'éloignai, pour le voir dans son ensemble. Le corps en disait souvent bien plus que les mots. Il avait la tête baissée, les épaules basses. Un moment, j'aurais cru voir un chien prit sur le fait en train de voler de la nourriture.

« Tony... insistai-je pour avoir une réponse.

- Ecoute, Emma, commença-t-il. Mais je ne lui laissai pas le temps de finir.

- Non, ça va, je crois que j'ai compris. »

Je regroupai mes affaires et m'en allai le plus vite possible de cette chambre avant qu'il ne voit mes larmes couler.

Je me sentais tellement stupide d'avoir tourné le dos à une amie qui avait pourtant raison.

En rentrant chez moi, j'étais dans tous mes états, toute ma chambre y passa, jusqu'à ce que je tombe sur un petit sachet de poudre blanche. Je me calmai instantanément. Je m'approchai doucement de l'objet du délit, comme s'il allait me sauter à la gorge. Il fallait que je sois stratégique : je ne reverrais plus Tony, alors il fallait que je sois très économe.

Je pris délicatement le sachet dans ma main et allai vers mon bureau. Je m'asseyais et ouvrit le sachet très précautionneusement.

Mon cœur se mit à battre de plus en plus rapidement lorsque je me rendis compte qu'il me restait à peine de quoi tenir deux jours.

Une crise d'angoisse monta en moi. Mon souffle se fit de plus en plus rapide. Je posai une main sur ma poitrine, tentant de me calmer, en vain. J'inspirais profondément par le nez et expirais par la bouche. Je répétais l'opération cinq fois avant de réussir à me calmer. Tony m'avait appris cette façon de faire lors de ma première crise d'angoisse lorsque les effets de la poudre s'estompaient. Il m'avait averti que ça pouvait arriver souvent, à la moindre perturbation.
Je profitai de cet instant de répit pour étaler une petite ligne sur le bureau, que j'inspirai d'une traite. Depuis trois mois, c'était devenu un réflexe, comme certain sortirait une cigarette, moi je sniffai de la coke. Ça m'apaisa instantanément. Je fermai les yeux, savourant cet état de plénitude. Puis, je repensai à Julie. Il fallait que je la rappelle, que je lui explique qu'elle avait raison. 

Je composai son numéro cinq fois de suite, sans obtenir de réponse, pas même un message. J'arrivais directement sur son répondeur. Je venais de perdre une amie...

Je me réveillai en sursaut dans mon lit, des gouttes de sueurs perlant sur mon front. Il me fallut quelques minutes pour reprendre mes esprits et réaliser que je me trouvais au centre.

Je respirais rapidement, ce souvenir ayant réveillé en moi la sensation de manque qui sommeillait depuis quelques jours.

Je sautais hors de mon lit pour aller à la salle de bain, espérant y trouver un reste de poudre des médicaments que j'avais écrasé. Mais le médecin avait tout nettoyé en venant me faire la prise de sang.

Regardes-toi, ma pauvre fille, tu es une épave...

Faute de calmants, je me passais un coup d'eau gelée sur le visage avant de plonger à nouveaux mes yeux dans ceux de mon reflet. Je faisais peur à voir ! Les yeux rouges, le teint livide... Prête pour Halloween !

Cette réflexion m'arracha un mince sourire. Au moins, j'étais encore capable de ça ...

Mistakes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant