19. "Souffrir de ses propres fautes, voilà qui est particulièrement amer" O.W *

28 3 6
                                    

Emma

Mon cœur manquait un battement à chaque fois qu'un policier tentait d'ouvrir la porte du docteur. Mais le bureau était fermé à clefs. Ma fureur laissa place à la déception. Jamais je n'arriverais à le coincer pour ce qu'il m'a fait...

William revint pour annoncer que le docteur s'était tiré par la fenêtre. De rage, je frappais dans le mur, provoquant une douleur terrible dans la main. Mais j'étais si remontée contre l'homme qui m'avait maltraité pendant des semaines que je ne ressentais pratiquement rien.

Les deux agents partirent à sa recherche, et je rentrais avec William à son appartement. Je n'avais rien à faire dans ce centre, et plus personne ne pourrait m'y retenir à présent.

« Tu as faim ? » demanda William une fois à bord de sa voiture.

Je le regardai avec des yeux criant famine et il comprit vite ma réponse avant que je n'aie besoin de la formuler à haute voix. Il rit en voyant ma tête et démarra au quart de tour.

« Je t'emmène manger dans un super restaurant alors, tu vas voir, tu m'en diras des nouvelles ! » expliquait-il sur un ton que je n'arrivais pas à comprendre. Plaisant-il ou était-il seulement heureux de la tournure que prenaient les événements ?

Lorsqu'il s'arrêta face au McDo, je compris que c'était une blague et je me mis à rire. Cela ne m'était pas arrivé depuis un moment, et je fus surprise du bien que ça me procura.

En entrant dans le fast-food, je fus frappée par la nostalgie en me retrouvant face à un couple d'adolescents se dévorant des yeux. Et ce souvenir n'était pas si vieux, il ne remontait qu'à quelques mois, quelques jours avant mon arrivée au centre...

« Ça va ? » s'inquiéta William en me prenant la main.

Je reprenais mes esprit et lui sourit. Ça allait, oui. Ou bien ça ira mieux après un bon burger ! Il m'entraina jusqu'aux bornes automatiques.

« Aller, fais toi plaisir, c'est moi qui paye ! » annonça-t-il très fier de lui.

En nous installant à la table, j'eus à nouveau un moment d'absence. Mon esprit avait décidé de me faire revivre mes derniers jours de lycée. Surement le lieu... Nous nous étions retrouvés dans un fast-food similaire avec Tony pour fêter la fin des épreuves du bac... Et soudain, me voilà perdue dans mes souvenirs.



Je me levai à sept heures trente ce matin-là, pour être certaine d'arriver à l'heure au lycée pour la première épreuve de ces deux journées de bac : la philosophie, quatre heures, suivit de trois heures de littérature l'après-midi. Sept heures d'épreuve pour une journée au coefficient 12 en tout... La plus grosse journée. Je pense que les gérants voulaient nous tuer.

En arrivant au lycée, je cherchais mon nom sur le tableau d'affichage : salle numéro 4, c'était une toute petite salle, une moitié de salle pour être exacte. L'avantage, c'est que nous ne serions pas nombreux, et le bruit des stylos sur le papier serait moins gênant.

Je suis sortie de la salle au bout de trois heures. Je sais que l'épreuve dure quatre heure et que « ce n'est pas pour nous embêter » comme disait le proviseur adjoint, Mr Sourire-Coincé. Mais je n'en pouvais plus. J'avais l'impression d'avoir inventé toute ma copie. J'avais refait la philosophie à ma façon. Je m'asseyais sur un banc, pensant à mes amies. Je les vis sortirent peu de temps après moi, mais elles ne vinrent pas à ma rencontre. J'eus un pincement au cœur, j'avais toujours imaginé ce moment, nous nous raconterions ce que chacune avait choisi comme sujet, puis nous irions boire un verre pour se changer les idées... Mais rien ne se passait plus comme je l'avais imaginé auparavant...

[...]

Le lendemain, j'arrivais au lycée plus angoissée que jamais. Quatre heures d'histoire-géographie, ou comment se retrouver en enfer sans feu, ni flammes. Juste ce démon de professeur censé nous surveiller.

[...]

« Madame ? Puis-je aller aux toilettes s'il vous plait ? »
Elle regarda l'heure pour vérifier que le délai d'attente était fini et acquiesça. Je me levai, elle sur mes pas, et me dirigeai vers les toilettes. Je m'enfermai dans une cabine, respira un bon coup et sorti le petit sachet de poudre que Tony m'avait donné quelques heures plus tôt. Je séchais complètement sur l'histoire ! C'était la décolonisation et tout ce que j'avais c'était un nom : Pierre Mendes-France. Et je ne savais même plus qui était cet homme ! En plus j'avais eu la mauvaise idée de regarder les cartes de géographies et là ! Ce fut le drame ! Je n'en connaissais aucune ! J'avais même eu du mal à reconnaître les croquis. Alors prise de panique, je me suis dit que j'allais prendre un petit remontant et me voilà enfermée dans un cabinet de toilette, mon petit sachet à la main, fixant les WC.
Cela devait faire un moment que je me demandais quoi faire parce que j'entendis toquer à la porte.

« Mademoiselle ! Dépêchez-vous ! Que faites-vous là-dedans ?

- Oui oui, j'arrive ! »

Je pris un vieux mouchoir en papier qui trainait dans ma poche, et qui avait dû passer à la machine avec le jean, vu la tête qu'il tirait. J'essuyais le rebord des WC, m'accroupis, étalai une petite ligne sur le devant des cabinets, juste ce qu'il fallait pour finir mon devoir. Je pris mon courage à deux mains et sniffa la ligne. L'effet fut immédiat, comme si la drogue avait localisé la partie de mon cerveau qui gardait mes connaissances au chaud et l'avait activé, de sorte à ce qu'elle relâche tout ce que je savais.

Je sortis de la cabine tout sourire, m'excusant du temps que je lui avais fait perdre.

[...]

« Posez vos stylo s'il vous plait. »

Je finissais ma phrase et regroupai toutes les feuilles numérotées de 1 à 8. Je m'étais surpassée. J'avais écrit huit pages, une chose qui ne m'était jamais arrivée dans aucune matière.

J'avais retrouvé Tony pour déjeuner le midi après cette longue épreuve. J'avais toujours mes anciennes amies en tête, mais il avait réussi à me changer les idées, nous avions passé des heures à discuter de tout et rien, en se tenant la main au-dessus de la table, se dévorant des yeux, jusqu'à finir dans sa voiture, moi sur lui et nos affaires éparpillées partout dans l'habitable...



« Emma ? Emma ? T'es avec moi là ? »

Je secouais la tête pour retrouver mes esprits lorsque la voix de William s'incrusta dans ma vision. Je lui fis un mince sourire, signalant que j'étais revenue avec lui.

« Tu étais partie où là ? » questionna-t-il, non pas sur le ton de l'inquiétude mais plus pour me charrier parce que j'avais souvent des moments d'absence.

« Au lycée »répondis-je de façon très plate. Il comprit que je ne souhaitais pas particulièrementen parler et changea vite de sujet.    

******

*Citation trouvée sur le recueil de _KookieBottom

Mistakes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant