13. "Vivre, ça doit être une sacrément belle aventure" - Peter Pan

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Emma

La porte se referma. Cela faisait dix minutes que je n'arrivais plus à lire, écoutant malgré moi ce que William avait à dire. Mais j'étais trop fière pour lui faire face.

Je refermai mon livre et m'assis. Je vis un paquet rectangulaire dans l'angle du lit, accompagné d'une petite enveloppe.

Je pris le paquet soigneusement, comme s'il pouvait m'exploser dans les mains à tout moment. Puis j'ouvris d'abord l'enveloppe. Une petite carte cartonnée y était glissée à l'intérieur.

« Si tu n'arrives pas à parler, écrit dans ce journal, cela te libèrera l'esprit. Je te promets qu'il ne te jugera pas. »

Cette dernière phrase me fit sourire.

Le carnet était très simple, format poche de sorte à ce que je puisse l'emmener partout avec moi. Sur la couverture noire était inscrite en blanc une citation d'un de mes films préférés :

« Vivre, ça doit être une sacrément belle aventure. »

Une larme dévala ma joue sans que je n'aie le temps de l'arrêter. Je me sentais bête d'avoir ignoré William tout ce temps alors qu'il était devenu la seule personne à s'approcher le plus d'un ami pour moi, à me soutenir et m'aider sans me juger.

J'avais envie d'aller le remercier mais on vint me chercher pour ma séance hebdomadaire de silence pesant avec Mônsieur le psychologue. Cela faisait un mois qu'il essayait de me faire parler et qu'il refusait de comprendre qu'il ne pourrait pas me forcer. Il m'avait privé d'appels téléphoniques, je lui avais répondu que de toute façon je n'avais personne à appeler.

J'entrai dans son bureau froid, aux meubles aussi anciens que lui. Cette pièce, comme la personne qui l'habitait, ne mettait vraiment pas à l'aise. Je m'assis sur la chaise disposée face à lui et attendis qu'il parle.

« Je me suis renseigné un peu plus sur vous mademoiselle, commençait-il de sa voix sifflante, comme un serpent prêt à cracher son venin. J'ai appris qu'on vous avait laissé le choix entre un séjour ici ou passer un an derrière les barreaux. »

Et voilà le poison. Il se diluait dans mon esprit, s'insinuant petit à petit en moi, m'empêchant de réfléchir.
Mon cœur manqua un battement. Comment pouvait-il savoir cela ?
Je relevai la tête après quelques minutes, soudain intéressée par ce qu'il avait à me dire.

« Puisque vous avez choisi de venir ici, j'attends de vous que vous coopériez. »

Avais-je vraiment choisi ? Sur le coup, le centre m'avait paru être la solution la plus adaptée. Mais maintenant...
Moi qui avais toujours de la répartie, les mots restèrent bloqués. Un bouquet d'insultes prenait bien place dans ma tête, mais je réussis à me contenir.

Ma respiration s'accéléra sous le coup de la colère. Je me levai subitement, cherchant un moyen pour me calmer. Je me sentais prise au piège dans cette pièce qui me sembla soudain minuscule.

Le psy avait toujours son sourire sournois. Pourquoi avait-il choisi ce métier ? S'était-il lassé ? Prenait-il du plaisir à voir ses patients souffrir ?

Je ne pouvais pas parlé, même si je l'avais voulu, les mots restèrent en travers de la gorge, refusant de sortir. Je quittai la pièce à la hâte, mes pas m'emmenant jusqu'au bureau de William, dans lequel j'entrai sans frapper, essoufflée, au bord des larmes. Il était avec un patient, qui se retourna vers moi, se demandant ce qu'il se passait. William me regarda, démuni, ne sachant comment agir. Moi qui l'avais ignoré pendant un mois, il se demandait quoi faire face à son patient. Mes yeux lui lancèrent des signaux de détresse qu'il ne put ignorer. Il mit fin à sa séance et la personne sortit du bureau sans omettre de me jeter un regard haineux.

« Que se passe-t-... »

Il n'eut pas le temps de finir, je me jetai dans ses bras, en larmes. Je contenais tellement de souffrance en moi, depuis des mois, elle s'échappa un peu à travers ces gouttes d'eau salées qui vinrent s'écraser dans le cou de William.

Je sentis les bras de William se resserrer autour de mon buste. Son étreinte me procura tellement de bien, je me calmai lentement. Il vint caresser mes cheveux et déposa un tendre baiser sur le haut de mon crâne. Je n'avais pas eu le droit à ce genre de gestes tendres depuis le mois de juin... Et je me rendais compte à présent que cela m'avait cruellement manqué.

Je m'écartai de lui et plongeai mes yeux encore mouillés de larmes dans les siens qui se voulaient rassurants. Il me caressa la joue de son pouce puis me sourit, cherchant à être rassurant.

« Désolée j'aurais dû toquer »  , dis-je d'une voix enfantine.

Il étouffa un rire.

« Ce n'est rien, ne t'inquiète pas » , répondit-il d'une voix très douce et posée.

Il m'invita à m'asseoir et à lui raconter ce qu'il m'était arrivé. Je lui expliquai alors ma courte séance avec son congénère. Il sembla outré. Son visage s'était transformé, il était passé du calme souriant au crispé d'énervement. Il cogna du point sur la table.

« Je vais aller lui dire ses quatre vérités à ce taré ! »

Je me levai à mon tour et posai mes mains sur son torse, comme pour le retenir. Il baissa son regard sur mes mains puis releva la tête pour plonger ses yeux clairs dans les miens.

« Ne fais pas ça William, pas pour moi. Tu risquerais de tout perdre. Tu n'as plus que deux semaines à tenir ici, ça ira. »

Je sentis son torse se lever de moins en moins vite jusqu'à reprendre une allure de respiration normale. Il s'apaisa et tendit ses lèvres en un sourire reconnaissant.

Mistakes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant