15. "Hier n'existe plus, demain ne viendra peut-être jamais" - M. Stilkind *

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Emma

J'étais couchée depuis quelques heures maintenant sur la tombe de Tony. Mes pieds m'y avaient emmené inconsciemment. Je ne comprenais pas moi-même comment j'avais pu arriver jusque-là alors que je n'avais pas pu assister à l'enterrement... J'avais dû lire les noms sans m'en apercevoir... Des fois, ce que vous fait faire l'esprit est assez surprenant.

Je me redressai enfin et observai la nouvelle maison de mon ancien dealer.

« Comment en sommes-nous arrivés là toi et moi ? » murmurais-je. 

J'étais certainement dans une meilleure situation que lui malgré tout, même si j'avais souvent souhaité le rejoindre. Valait-il mieux être enterré six pieds sous terre ou bien supporter chaque jour les mesquineries d'un taré de psychologue ?

Il me manquait, Tony, pas le psy. J'observais la tombe qui se dressait devant moi et je me surpris à laisser mon esprit voyager dans mes souvenirs...

Le sachet de poudre qu'il me restait après ma rupture avec Tony ne m'avait tenu que deux jours, comme je m'en étais douté. Je m'étais alors dit que c'était un signe si tout cela arrivait, c'était pour m'aider à arrêter ma consommation. Et j'y ai cru, j'ai tenté de ne pas reprendre. Je suis retournée une énième fois vers mes amies, que je considérais toujours comme tels pendant qu'elles s'évertuaient à m'ignorer et me traiter comme une junkie.

Seule, le manque se fit plus présent, plus puissant.

Tony passait ses journées à m'appeler, à m'envoyer des SMS de suppliques pour que je revienne vers lui. Il disait s'ennuyer de moi, j'ai eu envie de le croire. Les quelques moment que nous avions passés ensemble, sans être sous l'emprise de la drogue, avaient été merveilleux. Il était drôle, et avec lui je me sentais belle.

J'ai réussi à l'ignorer une semaine, me répétant que si j'y retournai, je ne serai pas assez forte pour ne pas replonger.

Mais j'ai commencé à ne plus dormir, à ne plus suivre en cours, mon corps entier me démangeait à cause de la nervosité. Ma mère s'inquiétait sincèrement, pensant que je couvais quelque chose de grave en voyant mes yeux injectés de sang et mon teint livide à en réveiller un mort.

Alors je suis retournée vers lui. Et pour me prouver qu'il n'était pas avec moi uniquement pour le business, il me laissa l'accès à sa poudre sans que je ne paye quoique ce soit.

Le jour où j'ai décidé de retourner vers lui, je vis son visage rayonné, quand le mien n'exprimait que le manque.

« Je suis content que tu sois là, avait-il chuchoté à mon oreille. Te laisser partir a été ma plus grosse erreur. »

Il se pencha vers moi pour me déposer un baiser sur la joue, mais je détournais la tête, me grattant le bras si fort que j'en aurais saigné, les yeux cernés de rouges des insomnies passées.

Il n'insista pas et sortit de sa veste un petit sachet sur lequel je me jetai, littéralement.

Je traçai hâtivement une ligne sur le banc du lycée. Me trouver au milieu de la cour, à la vue de n'importe quel passant m'inquiétait peu, voire pas du tout. Je n'avais d'yeux que pour cette petite poudre magique qui allait me changer la vie. J'en sniffai trois à la suite, comme pour combler le manque de cette dernière semaine. L'effet fut immédiat : mon corps ne semblait plus envahit de démangeaisons, mon esprit parut plus vif. Les heures de cours qui suivirent ne firent plus une torture.

« Emma, je croyais que tu avais arrêté ça » chuchota Julie au moment de la pose de midi, dans les toilettes, en regardant autour de nous que personne ne puisse nous surprendre.

« Et je croyais qu'on n'était plus amies » fis-je d'un ton cinglant, sans même la regarder, passant à côté d'elle pour sortir.

« Emma, que fais-tu là ? »

Il s'agissait de William. J'étais tellement perdue dans mes souvenirs que je ne l'avais pas entendu arriver. Je me tournai, surprise. Il me tendit une main, que je saisis vivement pour me relever.

En sentant ma main gelée, et voyant mes lèvres légèrement bleutées, il m'emmena chez lui pour que je puisse me réchauffer, sans même que j'ai mon mot à dire. Mais où serais-je aller de toute façon ?

Je découvrais alors un studio plutôt sombre et en bazar : des papiers traînaient un peu partout, du sol au plafond, l'évier de l'espace cuisine débordait de vaisselle sale. J'en déduisais rapidement qu'il vivait seul.

Je me frayai un chemin jusqu'au canapé, que je déblayai pour m'y installer.

Il faisait bon ici, je m'y sentais bien, même dans le capharnaüm environnant.

J'attrapai la tasse de chocolat chaud que William me tendait et y collai mes mains dans l'espoir de les réchauffer. Mon confident vint s'asseoir à mes côtés et posa ses yeux protecteurs sur moi.

« Alors, que faisais-tu au cimetière ? » questionna-t-il, trop curieux pour attendre plus longtemps.

Je tournai la tête et lui retournai la question afin de gagner un peu de temps sur le moment où je devrais tout lui déballer.

« Ma sœur est enterrée ici. Comme je ne suis pas venu pendant 6 mois, j'essaye de me rattraper. »

« J'ai fuis le centre. J'étouffais là-bas. Et... Je marquai une pause, ma gorge se nouant sous l'émotion de ce que je m'apprêtais à dire. Le psychologue a envoyé ses sbires fouiller ma chambres pour me punir de la façon dont je l'ai traité. Et ils sont tombés sur mon journal... » Finis-je en baissant la tête pour cacher les larmes qui menaçaient de couler.

Puis après quelques secondes de silence, je relevai la tête et vis les yeux de William horrifiés. Il attrapa ma main et je plongeai mes yeux suppliants dans le siens. Je ne voulais pas retourner là-bas, et il le savait.

« Emma... » Commença-t-il. Et dans sa voix, je sentis que ce qu'il allait dire ne me plairait pas. Alors je le coupai dans son élan.

« William, je ne veux pas y retourner. Ne me force pas, s'il te plait. Je suis prête à tout te raconter si ça veut dire rester ici ! »

Son regard changea. Son envie d'enfin connaître mon histoire fût plus forte que sa raison.

Alors je soufflai un bon coup et commençait à tout lui dire.    

*****

Voilà le deuxième chapitre de la journée, je vous gâte aujourd'hui =P

Et en plus, un peu plus long que les derniers que j'ai pu poster =) J'espère qu'il vous plaira et que vous ne trouvez pas que l'histoire s'essouffle =/

* citation du titre pris sur le recueil  "mes citations" de  

Mistakes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant