Chapitre III, Partie 3: Cauchemars.

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Nous avançons dans le chemin montagneux. Au bout de quelques mètres, Louca sort mon carnet de sa poche. Je me dégonfle comme un ballon de baudruche et m'affale sur une butte de terre, face à la montagne.

- Je l'ai vu dans ton sac, et je l'ai lu... As tu des choses à m'expliquer ?

- Je... je n'ai rien à te dire Louca.

Et c'est vrai. Du moins, je le pense. Toute ma vie, j'ai caché ces dessins et la vérité concernant mes cauchemars, je ne me vois pas tout déballer d'un seul coup à quelqu'un que je connais à peine.

Il s'assied près de moi et attend patiemment que je trouve les mots pour lui expliquer ce qu'il se passe dans ma foutue tête.

- J'ai toujours eu l'impression de n'être qu'une partie de moi-même. J'ai toujours subi les décisions des autres, presque en étant spectatrice de ma propre vie et non actrice. Tu me suis ?

Louca approuve et je continue ma minable tentative de confidence.

- Alors... Quand vous m'avez enlevée en m'expliquant de j'avais enfin le pouvoir de comprendre certaines choses... je pense que j'étais heureuse au fond de moi. Maintenant, j'ai des ailes sur le dos, des cauchemars encore plus violents qu'avant et je dors dans la maison de la mère de quelqu'un que je ne connais même pas. Et pourtant j'ai l'impression de servir enfin à quelque chose. Tu dois me trouver bizarre non ?

Louca semble hésiter à me dire la vérité.

- Non... je pense même que ce n'est pas un hasard. Tu sais... il y a même quelques-uns de tes dessins qui m'ont interpellé. Notamment parce que je les vois moi aussi quelques fois. Certainement à une fréquence moins élevée que toi mais il y a une chouette qui revient à plusieurs reprises dans ton carnet et qui m'est très familière. Je suis prêt à parier qu'elle n'est pas étrangère aux autres non plus.

J'en reste coite. Louca vient de donner un mince sens à mes cauchemars. C'est peu, mais c'est déjà une piste. La perspective de savoir que les autres souffrent peut-être des mêmes maux que moi m'emplit d'une puissante reconnaissance. Sans même avoir réfléchi à mon geste, je me jette au cou de Louca et le serre très fort, me raccrochant à lui comme à une bouée de sauvetage. Après un certain temps, Louca répond à mon geste impulsif en me tapotant doucement le dos.

Je me sens soudainement plus légère, presque heureuse. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai l'impression d'avancer.

Tout le monde est désormais couché. Je suis seule dans le salon , avec pour compagnie le crépitement des flammes dans la cheminée et mes pensées brumeuses. Loïs s'assied à mes côtés et je soupire lourdement, je pensais pouvoir être seule pour quelques minutes, mais c'est visiblement impossible.

Nous avons tous admis faire des cauchemars. Cette fois c'est réel. Raphaël travaille encore sur le sens de nos mauvais rêves et je fais tout mon possible pour ne pas y penser mais je n'y arrive pas. Je ne peux pas m'empêcher de ressentir cette curiosité avide qui me pousse à réfléchir. J'ai envie de savoir la vérité, cette histoire est en train de...

- Salut.

Je soupire et déclare d'une voix lasse:

- Je voulais être tranquille.

Il ricane.

- Il faut que tu comprennes que tu ne seras plus jamais tranquille.

Je baille pour la deuxième fois en moins de trois minutes, il faut vraiment que j'aille me coucher. Loïs se lève et me tend sa main comme pour me demander quelque chose.

- Oui ?

Il souffle et abaisse sa main, découragé. J'étais censée comprendre quelque chose ?

- Viens on va faire des bébés ornithorynques dans un buisson.


White Out [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant