Chapitre IV, Partie 2: Voler ou Aimer ?

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- Allez vas-y, encore !

- Mais qu'est ce que tu veux que je fasse ?!

- J'en sais rien ! Mais trouve !

Je me laisse tomber lourdement sur le sol et joue avec la terre et les aiguilles de sapin. Loïs me regarde durement, attendant sûrement que je me remette à travailler, ce que je ne compte pas faire. Cela va faire deux heures que je m'échine à essayer de comprendre comment voler, et je n'arrive toujours à rien.

- Allez Héloïse, s'il te plait.

Il me fait ses yeux de chien battu et je grogne quelque chose d'incompréhensible pour lui comme pour moi. Je me lève et me concentre sur ces maudites ailes, comme je m'y attendais, rien ne se passe. Je regarde Loïs, et me rassois complètement découragée. Il me rejoint et fixe les arbres, le baiser d'hier soir me revient vite par flash et je me fais violence pour ne pas rougir.

- A propos d'hier soir...

Je risque un regard vers lui et attends la fin de sa phrase, priant pour ne pas me faire rejeter.

- C'était... bizarre.

- Oui c'était bizarre.

- Et je ne sais pas quoi dire.

- Moi non plus.

- Donc comme ça, tu aimes les ornithorynques ?

- Oui, c'est mignon.

- Ah.

Nous regardons nos mains pendant quelques instants jusqu'à ce qu'il se lève et désigne mes ailes.

- Tu ne veux vraiment pas réessayer ?

- Cela fait des heures que j'essaie ! Je ne sais pas comment m'y prendre et je n'ai aucune idée de ce que je peux faire ! Je ne suis pas comme vous et les autres, je ne suis pas... Une dure à cuire.

- Cela n'a rien à voir avec ça. Je ne suis pas aussi fort que tu le penses.

Je le regarde avec une pointe d'amusement, si lui n'es pas quelqu'un de fort, qui suis-je moi ? Un chaton ?

- Je n'ai jamais voulu tous ces pouvoirs et être torturé par un médecin fou n'était pas vraiment mon but non plus. Avant, je voulais devenir fleuriste.

Je me mords la langue jusqu'à obtenir le goût métallique du sang pour m'empêcher de rire. Une image de Loïs en train de siffloter dans un tablier parmi les fleurs me vient à l'esprit et je mords plus fort ma langue.

- Tiens, pas de rire ? Bravo, tu me surprends.

Je suis fais un sourire forcé, pendant que je fais tout mon possible pour réfréner les différentes images de lui, toutes plus ridicules les unes que les autres. Il poursuit pendant que je retrouve mon calme peu à peu. J'ai réellement envie d'apprendre à le connaître. Loïs est toujours une énigme pour moi. Je ne sais pas comment il a perdu son oeil, ni ce qu'il faisait avant. J'ai bien vu qu'il savait comment tenir une arme et qu'il était recherché par la police, ce qui n'augure rien de bon, pourtant je n'ai pas l'impression d'être à côté de quelqu'un de forcément mauvais.

- Mon père était militaire, c'est lui qui m'a transmis sa passion pour les armes à feu. C'est d'ailleurs la seule chose qu'il m'ait transmise, puisqu'il n'était jamais à la maison.

Son visage s'assombrit d'un coup et son regard se perd. Je ne vois pas le rapport avec le métier de fleuriste, mais il n'a pas l'air de vouloir poursuivre. J'insiste:

- Et ?

- Et rien du tout. Laisse tomber.

Il se lève sans me laisser le temps de répliquer et je reste quelques minutes toute seule en essayant de comprendre ce qu'il vient de se passer et pourquoi Loïs est aussi bipolaire. Je me lève et essaie de le rattraper sauf que le sol est couvert de branchages et autres obstacles qui me font trébucher à plusieurs reprises.

Je doute de plus en plus de ma capacité à revenir en un seul morceau.

Enfin rentrée à la maison, je ferme la porte de la salle de bains et souffle un bon coup. Je me place devant le miroir et observe mes joues éraflées et mes cheveux emmêlés. En m'étudiant plus attentivement, je reçois comme une gifle en voyant à quel point j'ai changé en seulement quelques jours. Mes ailes devenues récemment sombres pourraient bien encadrer tout mon corps et mon visage fatigué semble vieilli et terne. Je repense à mon père et ses yeux dont j'ai hérité. J'ai entendu tellement de choses à son propos qu'il m'est impossible de penser à lui sans éprouver ce maudit pincement qui me compresse le ventre. Les larmes menacent de couler mais je les retiens. Pas tout de suite, bientôt.

White Out [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant