Chapitre IV, Partie 3: Prise au piège.

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J'ouvre l'eau chaude de la baignoire, enlève mes vêtements sales un à un, puis me plonge dans l'eau. L'effet est instantané et je me sens très vite apaisée. Je laisse mes ailes reposer à l'extérieur de la baignoire et tente de faire le vide dans ma tête. Malheureusement, les voix de mes camarades percent les murs fins et je me sens saturée, presque en colère de voir que même en le souhaitant de tout mon être, je ne peux pas être tranquille. Sans réfléchir plus longtemps, je plonge ma tête dans l'eau et les voix se taisent immédiatement. J'apprécie le silence, quand une autre voix vient malheureusement les remplacer: la mienne, qui n'arrête pas de s'inviter ces jours-ci. Cette voix est en colère et elle veut des explications.

Moi qui avais l'habitude de tout contrôler, moi qui savais exactement où aller, moi qui savais toujours à quoi m'attendre... Où est passée cette version de moi ? Pourquoi est-ce que je me sens si perdue ?

Je crie une fois dans l'eau, j'évacue toute cette incompréhension accumulée ces derniers jours. Mais comment aurais-je pu le prévoir ? Comment est-ce que j'aurais pu savoir que des ailes me pousseraient dans le dos ? Comment est-ce que j'étais censée l'anticiper ? Comment peut-on s'attendre à quelque chose d'impossible ?

J'ai toujours eu une famille, mais là je me sens orpheline. J'ai toujours eu des amis, mais pourtant je me sens seule. Je toujours gardé le contrôle et aujourd'hui je ne suis que l'instrument de quelque chose de fort, quelque chose de plus grand. Ma vie entière est un paradoxe où se mêlent faux-semblants, mensonges et manipulations.

Je hurle une nouvelles fois dans l'eau, plus fort que la première fois.

Et que dois-je faire maintenant que je sais que mon père me mentait ? Maintenant que mon monde s'est écroulé ? Pourquoi je ne peux pas gérer ça ?

Je pousse une dernière fois sur mes cordes vocales. Cette fois, ça ressemble au cri d'un animal blessé, et au fond c'est ce que je suis. Je suis blessée au plus profond de mon être par quelqu'un que je respectais plus que n'importe qui. Un jour mon père m'a dit que les gens me décevraient. Il a rajouté que c'était ce qu'ils faisaient le mieux.

Je suis seule. Je suis enfin seule et l'immensité du ciel s'étale devant mes yeux. Des arbres apparaissent et leurs feuilles se balancent sous une légère brise. Je ferme les yeux, apprécie l'odeur de l'herbe fraîchement coupée, le soleil sur mon visage et le silence apaisant de la nature. Une chouette est posée sur une branche, elle me regarde paisiblement de ses grands yeux bleus et d'un seul coup, le ciel se voile. Des gouttes d'eau s'abattent brutalement sur mon visage et une odeur putride vient remplacer la douce odeur de printemps. Mon pied s'enfonce dans quelque chose de mou et l'herbe sur laquelle j'étais installée se change en une mer de cadavres.

Je lâche un cri aiguë et tente de me lever. Ma main s'enfonce dans les corps, suivie de près par mes autres membres, et je me retrouve vite enlisée dans cet horrible carnage. La chouette reste immobile tandis que je meurs petit à petit étouffée dans les corps en décomposition.

- Héloïse ! Héloïse ! Bon sang arrête de hurler et lève toi !

Je m'éveille en sursaut. Liv en face de moi me tient par les épaules, les yeux exorbités par la peur.

- Lizzie, il faut qu'on s'en aille. Ils arrivent !

Je reviens peu à peu à le réalité et me lève comme un fantôme, suivant Liv dans le salon. Nos valises sont déjà faites et Marie serre son fils dans es bras, visiblement émue.

Encore en pyjama, je me fais traîner par Loïs près des valises. Celui-ci me regarde d'un air paniqué, et je ne comprends pas pourquoi. Tout est calme et rien n'indique la possible arrivée de la police. Puis je vois Liv et me rappelle que si quelqu'un approche, elle le sait.

- Liv, dis moi ce que tu pressens. Qui va arriver ?

Malheureusement, elle ne trouve même pas le temps de me répondre, les moteurs se font entendre et nous nous précipitons vers la porte. Il est déjà trop tard et des hommes armés de boucliers et autres armes à feu nous encerclent. Je suis projetée contre le sol et l'enfer se déchaîne autour de moi, les flammes de Raphaël tentent de repousser nos assaillants tandis que Loïs, Louca et Liv font de leur mieux pour rendre leurs coups. Je sens deux hommes me soulever et me tirer hors de ce petit chalet qui était il y a quelques minutes encore, la définition de la sécurité à mes yeux. Je lutte comme je peux en mordant et griffant n'importe quel membre à ma portée mais me stoppe quand j'aperçois une silhouette familière se rapprocher de plus en plus.

Ma vue est brouillée et mes bras douloureux, mais pourtant je pourrais le reconnaître entre mille. Il est adossé nonchalamment à une voiture de police et s'anime quand il m'aperçoit. On me dépose à ses pieds et il s'abaisse à ma hauteur, son visage est sombre et j'ai du mal à distinguer ses traits dans la pénombre mais sa voix est bien la même, celle de mon père.

- Il est temps de rentrer à la maison.


White Out [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant