Chapitre V, Partie 3: Après l'attaque.

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Concernant les créatures hybrides qui nous sont tombées dessus, Raphaël n'a pu tirer qu'une seule conclusion. Des harpies.

Oui oui, des harpies. Les trucs avec des corps d'oiseaux et des têtes de femmes. Oui c'est complètement du délire. Enfin, au point où nous sommes, après tout pourquoi pas ? Voir des créatures mythologiques tomber du ciel n'est même plus étonnant.

Nous sommes donc revenus à la case départ, seuls, désorientés et sales aussi. Oui, nous puons.

D'ailleurs, la quasi-totalité de l'immense bâtiment érigé par mon père à été détruit. Ce qui nous laisse sans ressources et bien évidemment, personne ne semble disposé à nous aider.

- Mais tu crois qu'on va devoir... faire les courses ? demande Liv.

Je me redresse d'un coup, époussetant mes ailes et mes vêtements blancs devenus presque noirs.

- Oui, ça pourrait être une solution.

Raphaël me regarde, un sourcil levé.

- Et tu comptes acheter quoi ? Et avec quel argent ? Tu comptes aussi amener tes ailes ?

Je hausse les épaules.

- On n'a qu'à dire que c'est pour Halloween. Et puis après tout vous avez des pouvoirs non ? Servez-vous en !

Raphaël éclate de rire.

- Tu veux aller voler de la bouffe ? T'es devenue brusquement une gangster toi ?

Ouais. Héloïse, la racaille des cités. Wesh.

- Oui, tu as raison, ce n'est pas très crédible.

- Merci !

Loïs se lève et s'exclame:

- Et puis d'abord, pourquoi on reste là ? On est libres après tout.

- Et tu voudrais aller où ? lui demande Raphaël.

Tout l'enthousiasme de Loïs s'évanouit et il se rassoit soudain découragé. Si Loïs ne s'en rend compte que maintenant, pour moi c'est clair depuis un moment déjà: les gens ne partent pas d'ici tout simplement car il est impossible de reprendre une vie normale. Nous ne savons pas bien contrôler nos pouvoirs et nous avons appris trop de choses pour tout oublier. Le retour en arrière est impossible.

- Tu penses que ça se mange les harpies, demande Liv à Raphaël sur le ton de la confidence.

Raphaël me jette un regard de détresse avant de répondre à Liv.

- Honnêtement, je ne sais pas trop Liv, les livres d'histoire n'ont généralement pas de rubrique pour avoir si les harpies sont comestibles.

- C'est dommage, elle a raison Barbie, ça peut être bon une harpie grillée.

Je fais signe à Loïs de se taire, je n'ai plus la force de répliquer.

- D'ailleurs, pourquoi Louca ne nous aide pas ? demande Liv, après tout c'est lui l'adulte ici.

- Il cherche encore sa femme, l'informe Loïs. On est tous d'accord pour dire qu'elle est morte mais lui a encore un peu d'espoir. J'imagine qu'il vaut mieux le laisser un peu seul pour digérer , il reviendra quand il sera prêt.

Je frappe le bras de Loïs.

- Ne dis pas ça ! Regarde tout ce monde, dis-je en désignant le parking maintenant plein à craquer, elle pourrait être ici.

Il lève les yeux au ciel.

- Si elle était vivante, elle aurait retrouvé Louca.

Soudain, je pense à la femme que j'ai laissé se faire tuer par la harpie, je fronce les sourcils.

- Elle... Elle ressemble à quoi ?

Je sais que j'ai blanchi. Je sais qu'ils vont le remarquer, mais pourtant je ne peux me focaliser que sur une seule chose.

- Tu vas bien ? me demande Raphaël.

- Réponds s'il te plait.

- Elle est blonde. Blonde et de taille moyenne, elle a une cicatrice sur le long de la joue, je ne sais pas si....

Je me lève d'un coup. Non. Qu'est ce que j'ai fait ?

- Héloïse ?

Je ne réponds pas à l'apostrophe de Liv et me faufile à travers les différents groupes qu'ont formés les survivants de l'attaque d'hier soir.

Je l'ai laissée mourir. J'ai laissé la femme de Louca mourir. Comment est ce que je vais pouvoir le regarder en face à présent ?

Je me dirige vers l'arrière du bâtiment à la recherche d'un peu de silence. Une fois arrivée, je me retrouve dans un nouveau paysage, presque un monde différent. Ici tout est calme et l'altitude offre une vue magnifique sur les montagnes. Je m'installe par terre et me torture l'esprit en imaginant ce que j'aurais pu faire si je n'avais été aussi bête. Je sais bien que ça ne sert à rien mais pourtant, je ne peux pas m'en empêcher. J'entends des petits bruits de pas derrière moi et me retourne. Un petit bonhomme avec une énorme tignasse rousse se tient devant moi. Il marmonne quelque chose que je n'entends pas et vient s'asseoir à côté de moi sans même me consulter.

- Pourquoi t'es moche ?

Ah... La légendaire franchise des enfants...

Légèrement surprise, je fronce les sourcils attendant une réponse.

- Non je veux dire... tu n'avais pas cette tête la dernière fois. Tu étais beaucoup plus jolie.

Je sais très bien qu'il fait allusion à cette nuit où je l'ai aidé à sortir sans se faire piétiner par des adultes tentant de fuir. Comment lui expliquer que je regrette de n'avoir pu sauver que lui ?

- Disons que... j'ai du faire un choix qui a coûté la vie à quelqu'un.

Il acquiesce lentement, comme réfléchissant profondément au sens de la vie.

- Et... et si tu pouvais revenir en arrière, tu changerais quelque chose ?

Sa question me laisse muette. Je n'en sais rien. Après tout, est-ce que si j'avais ce pouvoir je changerais quoi que ce soit dans ma vie ?

- Oui. J'ai quelques regrets.... Pas forcément concernant ce choix mais oui, si c'était possible je reviendrais en arrière. Je changerais des choses et peut-être que tout serait différent.

Il me regarde et hausse les épaules.

- Je ne peux pas te dire. Je suis qu'un gamin après tout.

Il a prononcé cette phrase avec sérieux et pourtant, je peux décerner une petite lueur d'amusement dans ses yeux qui me laisse croire qu'il pense tout autrement.

- Pourquoi t'étais là-dedans d'ailleurs toi?

Je désigne la ruine derrière nous et il me sourit.

- Ma maitresse d'école a eu peur.

Je hausse les sourcils en attendant la suite de l'histoire. Il laisse échapper un profond soupire et poursuit.

- Elle ne trouvait pas normal que je puisse apprendre par coeur un roman de 400 pages. Ils ont fait toutes sortes de tests et m'ont envoyé ici.

- Et tes parents n'ont rien dit ?

- Mes parents avaient peur aussi je pense.

Je reste ébahie par tant de maturité. Non décidément, décidément, je ne regrette pas de l'avoir sauvé.

White Out [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant