Chapitre 21 : «Chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus de la mort.»

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Chapitre 21 : «Chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus de la mort.»

Les jours sont passés à une vitesse folle. Ça fait déjà cinq jours qu'Esma est à l'hôpital. Elle s'est réveillée le lendemain de son opération mais j'ai pas eu le courage d'aller la voir. Ou plutôt, j'ai préféré ne pas y aller ce jour-là. J'étais complètement pété, encore une fois. J'ai eu Emre au téléphone qui voulait s'assurer que tout ce que je lui avais dit la dernière fois était faux mais non...c'est bel et bien vrai. Qu'il s'y fasse. Du coup, il m'a insulté salement. Il m'en veut de continuer à me niquer les poumons pendant qu'Esma aurait bien besoin de nouveaux poumons. Sur le coup, il a raison. Mais il sait pas comme j'en ai besoin. Il comprend pas. Y a personne qui comprend.

Aujourd'hui c'est mon anniversaire. 25 ans... J'arrive pas à croire qu'en 25 ans j'ai déjà vécu autant de galères. Si je devais me donner un âge, je me donnerai 40 balais. J'ai arrêté l'école à 16 piges, je taff dans un grec depuis 100 ans, j'ai dealé, j'ai été chasser de chez moi, j'ai perdu un enfant, j'ai aidé mon cousin à kidnapper sa meuf... Et j'en passe. Mais des moments de joie ? J'en vois très peu. J'arrive même pas à en trouver quand j'étais jeune. Pourtant c'est pas là qu'on est censés être innocent ? Naïf et tout le bordel ? Mais moi, j'étais déjà conscient. Je me souviens des allés retours chez mon père et ma mère, de notre déménagement à la cité, de la naissance de Nazim et Dilara. Je me souviens même de mon père passant des deux jambes au quatre roues. Quand est-ce que j'ai été heureux dans ma putain de ma vie ? Quand je faisais des conneries en compagnie d'Emre et d'Esma ? Et maintenant, où est-ce qu'on en est nous trois ? Le sois-disant «trio de choc». Où est-ce qu'on en est hein ? A l'autre bout de la France avec sa copine kidnapper, à paniquer parce qu'on vient de commettre un grand péché ? Couchée sur un lit d'hôpital, à respirer grâce à des machines à cause d'un accident de jeunesse ? Ou bien, à s'enfumer les poumons et le cerveau jour et nuit en se morfondant sur sa misérable vie... Je n'ai pas choisi ma vie. Bah, j'suppose que personne ne la choisi. Ah... et encore bon anniversaire Fehmi ! 25 ans, c'est pas rien.

Je suis assis au côté conducteur de ma Clio, j'y ai passé la nuit. J'étais trop défoncé pour rentrer comme ça, même s'il n'y a que Nazim et Dilara. Je redresse mon siège et ouvre les vitres. Ça pue le renfermé. Je cherche mon téléphone et vois quelques messages d'anniversaire de toute la miff et quelques connaissances excepté Emre et Esma. Eux seuls savent à quel point je hais les anniversaires. Les gens croient trop que c'est un évènement de ouf, mais nan. C'est une année de plus vers la mort. Les gens devraient pas fêtés leur futur mort. Après, chacun fait ce qu'il veut.

J'ai commencé à détester mon anniversaire quand j'ai compris que plus rien ne serait comme avant. Parole d'enfant gâté ou pas, avant, j'avais des vrais cadeaux. J'avais des putain d'anniversaires de ouf. Le pire c'est que je m'en foutais. Du moment que j'étais avec mes parents et Nazim ça me passait au dessus. Et puis, la chute, la descente en enfer. J'ai du me contenter de bougie sur un muffin fait maison. Pour éviter les déceptions, je me suis mit à ne plus rien espérer. Et wAllah que tu t'en sors mieux comme ça, en vivant sans attente.

Ça doit vous faire bizarre non ? Que je m'ouvre comme ça. Mais au bout d'un moment, faut bien que ça sorte. J'ai pas envie de finir en HP. De toute façon, personne ne m'entend quoique je dise ou fasse. J'ai simplement personne à qui déclarer ce que je ressens. Mais qu'est-ce que je raconte ? Je ressens rien. J'ai pas le droit de ressentir un quelconque sentiment de bonheur parce que quand ça se retourne contre toi, je t'assure que tu le sens passer. L'Amour c'est pas fait pour moi. Je pense que j'y ai pas le droit. Parce que si j'y goute ne serait-ce qu'un peu... je vais crever de douleur. Y a que la Haine qui a le droit de m'habiter.

FEHMI - L'Amour ça tue, la Haine ça maintient en vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant