Chapitre II

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De retour du boulot, 19h06...

Iden voulait que je fasse des efforts pour cette soirée mais je ne voyais pas trop comment. Tout ce que je voyais dans le miroir c'était une femme de tout juste 25 ans, banale, aux cheveux châtains et à la peau sûrement légèrement trop clair pour cette époque de l'année. En plein de mois de mai...

Mes cheveux bouclés étaient plutôt longs et me semblaient un peu sec. Les seules choses plutôt différentes chez moi étaient mes yeux d'un violet peu commun et la tâche rouge violacée que j'avais au coin du nez.

Alors que j'étais encore dans le ventre de ma mère, la veille de ma naissance, mon cordon ombilicale s'est enroulé autour de mon cou du à mes mouvements. Il s'est tellement enroulé qu'il a commencé à m'étrangler ce qui a fait exploser certains vaisseaux au niveau de l'arrête droite de mon nez. Quand les médecins ont finalement réussi à me faire sortir, l'air ne passait presque plus et ils ont coupé le cordon autour de mon cou. Cette tâche n'est jamais partie même au fil des années et si au collège je faisais tout pour la cacher la prenant pour un défaut, aujourd'hui je la vois comme une simple caractéristique physique relatant une partie de mon histoire. J'en suis presque fière parce que cela montre une chose : je suis une survivante.

Je soufflai fixant le reflet de mon visage dans le miroir. Je n'ai pas envie d'y aller si c'est pour me pourrir l'esprit avec toutes ces histoires. L'histoire de mon passé que j'envie tellement. Je n'ai jamais été plus heureuse qu'avec Léandre. Il était le grain de folie de ma vie...

Bon quand faut y aller, faut y aller ! Tu vas juste revoir la personne que tu as le plus aimé de toute ta vie, c'est trois fois rien Erika ! Tu peux surmonter ça, c'est pas compliqué ! Il s'est passé 6 ans ! Tu as eu d'autre relation, toi aussi !

Même si celle-là restera la plus forte...

Je secouai une nouvelle fois la tête, me sentant vaseuse. Il faut juste que je sorte...Ensuite ça ira mieux !

Je nouai rapidement mes cheveux en un chignon bas laissant échapper quelques mèches de chaque côté de mon visage. Sans plus attendre, je filai dans ma chambre pour enfiler un jean, un top fluide à fleur d'une couleur principalement bleue sous un léger gilet en tissus bordeaux. Je n'aime pas l'extravagance, du moins pas chez moi, j'aurais l'impression d'être déguisée.

Je finis par descendre précipitamment les marches de ma maison me rendant compte que je n'étais pas vraiment en avance. Iden allait me tuer !

Je mis mes converses blanches et attrapai hâtivement mon sac en bandoulière en cuir acheté lors d'un voyage en Italie avec mon frère. Je savais pertinemment qu'Iden m'en voudrait d'avoir fait aussi peu d'effort. Surtout pour Léandre. Mais à cet instant même je m'en fichais éperdument.

Alors que je m'apprêtai enfin à sortir de chez moi, la sonnerie agaçante de mon fixe se mit à retentir. Je suis sûre que c'est Iden qui me harcèle parce que je suis en retard.

Je saisi donc le combiné et le portai à mon oreille.

- Oui ? je demandai regardant la montre à mon bras, impatiente.

1, 2, 3 ... 7, 8 secondes. Mais toujours rien.

- Allo ? j'interrogeai une deuxième fois.

Le silence se faisait pesant à l'autre bout du fil et je finis par raccrocher, pressée. Je déteste les canulars téléphoniques...

Sans attendre plus longtemps, je me précipitai vers la porte et la fermai espérant pouvoir attraper le dernier câble car de la soirée.

Généralement je prends le métro ou le tramway mais il est vrai que quand j'en ai l'occasion je préfère prendre le câble car qui rend son côté mythique et ancien à la ville.

Tenant bien fermement mon sac contre moi je me mis à courir espérant de tout cœur qu'il ne s'en aille pas à un mètre de moi. Ça m'arrive bien trop souvent malheureusement.

Par chance, j'arrivai pile au bon moment et je m'assis un peu essoufflée sur l'un des sièges à l'avant. Je posai ma tête sur la vitre tiède et observai autour de moi. Il y avait une adolescente, un peu trop maquillée et à la jupe sûrement trop courte. Ses écouteurs dans les oreilles, elle analysait son cellulaire sous toutes les coutures comme s'il avait eu un choc il y a peu. A la manière dont ses doigts tapaient frénétiquement sur la vitre de son écran elle devait sûrement être nerveuse. Un premier rencard ? Elle faisait peut-être le mur pour la première fois. Il y avait tant de possibilité.

Comme pour cet homme assis face à moi. Sa barbe de trois jours et ses cheveux un peu graisseux ne montrait pas un homme négligé mais plutôt un homme avec de soucieux problèmes. Un divorce ? La perte d'un emploi ? La mort d'un proche ? Il avait l'air d'être tout simplement ailleurs, ses yeux vides d'émotions observaient ses phalanges abimées. Je me demande ce qui dans notre vie peut nous en faire arriver là... J'espère sincèrement que cela ne m'arrivera jamais, même si on ne peut pas prévoir le futur et encore moins ce que l'on devient.

Perdue dans mes pensées je manquai de rater mon arrêt. Pourtant il est difficile de manquer cette avenue. C'est la plus lumineuse et tous les bars branchés y sont alignés les uns sur les autres. Mais ce n'est pas celui-là notre bar, comme nous aimons si bien l'appeler avec Iden. The GreenTraper est dans une petite ruelle adjacente où l'enseigne est peut-être moins moderne et moins branchée mais en tout cas elle est chaleureuse. De plus c'est dans ce bar que nous nous sommes réunis avec notre bande du lycée à chaque vacance et les soirs importants. Au début autour d'un soda et puis de plus en plus l'alcool et la bière c'était fait un chemin dans notre verre sans que nous ayons pus nous en rendre compte à notre plus grand plaisir. C'est beau de grandir tout en gardant certains points de repère comme le GreenTraper l'est pour nous.

L'air s'était légèrement rafraîchis et je me réjouis d'autant plus en entrant doucement dans le bar qu'un doux vent chaud m'entoura presque instantanément. Depuis que mon ami Simon nous avait réunis dans ce même bar pour nous annoncer qu'il allait se fiancer je n'y suis plus retournée étant un peu trop prise par mon boulot. C'était il y a un mois si je me souviens bien.

Dès que je franchis le seuil, j'entendis Iden me saluer et la bande tourner la tête vers moi. C'était toujours la même table...Depuis presque 10 ans ! Mais ils étaient tous là ! Gabriel, assis à côté de Simon sur une banquette et puis sur celle d'en face Iden, Kate et... Léandre.

Wild FireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant