Wild Fire

Chapitre V

Je pris une grande inspiration et balayai d'un revers de la main mon passé avec Léandre. J'aurais tout le temps d'y penser un autre jour. Par exemple lundi soir vers 19h54 quand je serais en train de finir de me préparer devant mon miroir.

Sans plus attendre, j'ouvris la lettre de Darren. Nous aimons correspondre de la sorte. C'est comme si à travers le temps, les lettres que nous nous envoyions étaient les seules choses qui ne changeaient pas.

« Erika,

Le temps commence enfin à se réchauffer. Tu vois, toi qui dis constamment qu'il fait froid à Chicago. Enfin bref, j'espère que maman et papa vont bien. D'ailleurs, si tu pouvais leur passer le bonjour de ma part : cela fait quelques jours que je n'arrive plus à les joindre et de toute façon je n'en ai plus le temps. Mon chef de service passe son temps à me mettre la pression comme si je n'étais qu'un pauvre débutant...Cela devient lassant au bout d'un moment et je t'assure que je me suis retenu plus d'une fois de lui révéler le fond de ma penser. Mais j'ai repensé à ce que disait toujours papa : '' le temps fait les choses''. Alors je préfère croire que le karma le rattrapera un jour...

Le temps ne cesse de passer et je viens de me rendre compte que je n'ai même pas pu assister à tes 25 ans. Ma petite sœur entre dans le deuxième quart de sa vie. Difficile à croire pour moi qui te vois toujours comme la petite fille qui me courait après dans la maison parce que j'avais coupé les cheveux de sa poupée. Ou la tête entière d'ailleurs, j'avoue.

Sincèrement Erika, est-ce que tu vas bien ? Je sais que tu dis que ta vie, ta routine et vivre seule dans ta si grande maison te convient mais est-ce que c'est vraiment cette vie que tu veux. Tu sais ce que 25 ans veut aussi dire... Les gens vont commencer à te regarder différemment. C'est débile j'en conviens, moi-même je trouve que tous ces clichés sur la femme mariée et leurs deux enfants ne sont plus de notre génération. Pourtant certaines personnes fonctionnent toujours ainsi... C'est triste à dire mais même moi je suis considéré comme un vieux célibataire qui n'a toujours pas réussi à se caser. C'est misérable de penser comme ça mais tu ne pourrais jamais faire taire les bruits dans ton dos... Tout ce que tu peux choisir de faire c'est de ne pas les écouter.

Je te vois déjà lever les yeux au ciel te disant que tout ça tu le sais très bien. Alors range tes armes petite cellule microbienne je ne suis pas là pour te contredire ni te faire la morale. Je sais d'ailleurs très bien que tu sais ces choses mieux que moi et que tu le fais mieux que qui conque.

Tu sais des fois je rêve de cette femme qui me correspondrait. Cette femme qui me rendrait heureux dans n'importe quelle situation. Mais je ne l'ai pas trouvé. Manque de temps sûrement... Tu m'entends on dirait un de ces types qui cherchent par tous les moyens son âme sœur. Pourtant tu me connais je ne suis pas du genre fleur bleue.

De toute façon, nous revenons toujours au même problème. Le temps. Il est à la fois notre meilleur ami et notre pire ennemi. Il ne se contrôle pas et on ne peut pas non plus l'arrêter. Il est intouchable.

Passons... Je ne sais pas à quelle heure tu liras cette lettre. Et encore moins dans quelle circonstance. Mais j'espère que d'avoir vu ces quelques mots écrits de ma main t'auront pendant quelques temps envoyé ailleurs. Cet ailleurs où le temps n'est pas. Cet ailleurs où ta chambre est juste en face de la mienne. Cet ailleurs qui n'appartient qu'à nous et aux moments que nous avons vécu dans notre enfance et tous ceux que nous vivrons. Excuse moi, j'ai toujours adoré les cours de Monsieur Wade en philosophie contrairement à toi.

J'aimerais pouvoir venir te voir mais je sais bien que tu es très occupée avec ton travail et je le suis moi-même avec le mien. Alors je crois que nous allons devoir nous contenter de ces lettres pendant encore un moment.