Je pensais avoir connu la souffrance quand Léandre était parti. Mais il n'en était rien. Rien n'était comparable à ce que je vivais ici. Cris, interrogatoires, insalubrité, faim perpétuelle et tortures.
Je jetai un coup d'œil à mes bras et à mes jambes couvertes d'entailles et de coupures sous le regard suspicieux de Vadim. A chaque fois qu'il me voit revenir complètement meurtris son air semblait à la fois désolé et en colère.
- Tu n'as vraiment aucune idée du pourquoi tu es enfermée entre ses murs... constata Vadim.
- Bien sûr que non ! Ça fait des semaines que j'essaye de leur expliquer ! je crachai.
Je fourrai ma tête dans mes paumes de mains à la fois déboussolée et irritée. Il a fallu plusieurs dizaine de jours avant que ce type ne se rende compte que ce que je disais était vrai.
- Quel est ton nom, Erika ? demanda alors Vadim les sourcils froncés.
Il se fout de moi j'espère ! Il ne manque vraiment pas d'air !
- Va te faire voir ! je ris ironiquement.
Cela fait au moins une semaine qu'ils ne sont pas venus chercher Vadim pour le questionner. Non, ils ont préféré s'attaquer à moi parce que je cris plus fort. Parce que c'est plus ludique à observer. C'est pitoyable. Je suis pitoyable à mesure que les jours et les semaines s'enchainent.
- Tu veux savoir pourquoi tu es ici ? me questionna sans vraiment attendre de réponse mon compagnon de cellule. Tu es une des cinq clés...
J'arquai un sourcil, dubitative. Encore cette histoire de clés... Cela ne m'évoquait rien.
- Notre monde est contrôlé. Tu penses sincèrement que Mère Nature ou le petit bonheur la chance à quelque chose à voir avec la bonne constitution de notre monde. Bien sûr que non, tout comme un pays ne peut pas survivre sans dirigeant. C'est exactement la même chose. Depuis aussi longtemps que je le sais il y a toujours eu cinq clés. Les pouvoirs d'une clé étant répartis entre les membres d'une fratrie.
Ce. Mec. Est. Malade.
Il n'y a aucune autre explication rationnelle. Des clés qui délivrent des pouvoirs. Ce gars a passer beaucoup trop de temps en captivité, c'est forcément ça.
J'ouvris grand les yeux complètement, abasourdie. Il pense sincèrement que je vais gober toutes les conneries qu'il vient de me cracher à la figure.
- Moins tu en sauras pour l'instant, plus tu seras en sécurité, poursuivit Vadim en regardant le sol.
Wow ! Il a une sacré imagination, bien que ahurissante.
Tout au long de mon existence, je n'ai jamais cru aux forces surnaturelles. C'était bien beau dans un film fantaisie mais dans la vraie vie c'est tout autre chose. C'est totalement invraisemblable. Même dans un scénario d'un grand réalisateur cela paraîtrais farfelus et décousus de sens.
- Les coups que tu as reçus ont dû impacter sur ton cortex cérébral pour que tu crois des absurdités pareilles.
- Tu ne me crois pas...fit d'un air neutre mon compagnon de cellule.
- Bien sûr que non ! Qui pourrait croire ça ! Des clés, des pouvoirs, c'est n'importe quoi !
- Tu as raison, c'est n'importe quoi.
Je fus d'abord étonnée qu'il abandonne aussi vite mais aussi ravi par le fait qu'il comprenne que je n'étais pas une idiote.
- Oui, poursuivit Vadim. Une personne comme toi ne peut pas avoir une des cinq clés qui contrôle notre monde.
Ah faux espoirs...
Je soupirai retombant contre le mur. La fatigue mélangée au désespoir est un drôle de mélange. Accablant...
Il resta silencieux face à ma réaction. De mon côté, je n'avais rien à dire. Vadim était un homme buté, moqueur et exécrable. Loin de moi l'idée de vouloir le juger mais il a l'air si renfermé.
J'abandonnai tout espoir de connaître la vérité, aujourd'hui. De toute façon il ne dirait rien de censé...
***
La question que je me posais le plus souvent aujourd'hui n'était plus de savoir quand j'allais m'en sortir mais si cela sera réellement possible. Après tout peut-être que j'allais passer le restant de mes jours allongée sur le bitume froid essayant sans cesse d'oublier le vent froid qui s'infiltrait à travers les murs.
Alors que je me penchai sur la question d'une potentiel demande pour mettre des rideaux – hilarant – je fus réveillée par la porte qui s'ouvrit avec fracas. Je savais déjà pour qui il venait.
Un frisson parcourut mon dos tandis que je sentis l'odeur répugnante, mélange de suie et de sueur, me parvenir. Signe que le babouin qui m'injectait tout le temps le sédatif n'était plus très loin.
Je me relevai péniblement et défiai du regard cet homme brun aux airs sadiques. Le pire c'est qu'il aime ce qu'il fait et ce pour quoi il est payé et pas des moindres.
Alors que je m'apprêtai à encaisser la piqûre, le geste du babouin fut arrêté par une voix qui s'éleva dans l'ombre à l'autre bout de la cellule.
- Eh ! Pourquoi tu viendrais pas plutôt à t'attaquer à moi ? Je me sens d'humeur bavarde ce matin.
La voix de Vadim s'était faite clair et sûre d'elle comme s'il tentait le tout pour le tout. Comme si plus rien n'avait d'importance.
Le babouin détourna son visage vers mon compagnon de cellule qui lui, adopta un sourire déroutant. Mais à quoi jouait-il ? Pourquoi essayait-il de prendre ma défense ?
Je dévisageai, incertaine le babouin et Vadim à tour de rôle. Tout ça n'a aucun sens ! Pourquoi voudrait-il endurer toutes ces souffrances à ma place ? On ne se connaît même pas !
L'homme brun s'avança et s'accroupit devant Vadim l'air triomphant.
- Je ne pensais pas que tu étais si stupide ! ricana notre agresseur.
Rien ne franchit mes lèvres. J'étais à la fois partagée entre la peur et le soulagement. J'étais d'ailleurs honteuse de ressentir ce soulagement. Cet homme avec qui je partage le sol de cette prison va se faire torturer à ma place. Et j'en étais presque heureuse...
Vadim approcha son visage de l'autre homme un sourire satisfait greffé au visage.
- Qui a parlé de stupidité ? rétorqua-t-il.
Sans que je n'aie eu le temps de comprendre ce qu'il se passait Vadim n'avait plus de chaînes à son pied et s'était relevé rapidement collant un coup de genoux dans l'abdomen de l'autre homme. Il fut déstabilisé pendant quelques secondes ce qui permit à Vadim de lui mettre une droite faisant tomber à terre son adversaire.
Je regardai mon compagnon de cellule, ébahie. Mais comment ?
Vadim quant à lui se contenta d'observer l'autre homme à terre presque K.O.
- Tu ne sais pas à qui tu t'attaques ! pesta Vadim contre le gorille les yeux mis fermés par la douleur.
Alors que je pensais qu'il en avait fini, Vadim cogna durement la tête de l'homme contre le mur le laissant cette fois-ci totalement inconscient. Inconscient ou peut-être mort qui sait.
Je ne savais ni quoi faire ni quoi dire me contentant d'observer le corps inerte et Vadim successivement. Qu'est-ce qu'on allait devenir maintenant ? Cela voulait-il dire que nous allions pouvoir sortir ?

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Wild Fire
AdventureNe jamais perdre espoir. C'est ce que m'a toujours appris ma mère depuis que j'étais enfant. Aujourd'hui de tout ce que j'ai pu connaître l'espoir me paraît abstrait et superficiel. Qui pourrait parler d'espoir quand sa vie ne rime plus qu'avec les...