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Penser avoir atteint la sortie ne suffit pas. Espérer l'avoir au moins touché, non plus. Se persuader l'avoir seulement aperçue, peut-être. Mais peut-être, surtout, sans doute qu'elle n'existe pas du tout.

Rien ne change, rien ne bouge, ça se déplace uniquement. Quoi donc ? La cause sans nom des larmes qui coulaient, invisibles, assassinées par la cacophonie des quatres âmes insensibles qui hurlaient et hurlent encore parfois autour de toi

Oui, tu - je - on ne voulait pas revoir ça ici. Il n'y a plus qu'à instaurer un compromis : dix chapitres pour passer d'un monde à l'autre. Crois-moi, tu es déjà à 98 pour cent dans ce nouvel univers que tu as tant souhaité. Juste dix chapitres. Dix chapitres insignifiants, que tu peux effacer à tout moment, que tu peux faire disparaître en quelques secondes. Dix chapitres pour t'adapter et trouver la voix de ce nouveau silence.

Deal ?

C'est pitoyable. On ne compte pas comme ça, chérie. Après le zéro, il y a le un. Après le rien, il y a quelque chose, pas moins quelque chose. Après 0, c'est 1, pas -10. Pourquoi fuir encore ? C'était décidé, c'était fini, c'était entamé. C'était censé faire éprouver autre chose, plus une combattante qu'une femme à terre. Tu t'es promis ce que tu ne peux pas tenir. Pitoyable, comme toujours, chérie. C'est hideux, pour un chapitre qui devait annoncer la couleur.

Sale ignorant, il n'annonce rien du tout, si ce n'est que le chapitre 1, prévu mémorable, n'est pas celui-ci. Bouche cousue est fermé, la deuxième ère attendra que tout soit cadenassé en enfer. Il y a une chambre intermédiaire qui fait patienter la réussite pour qu'elle soit brillante.

Dix chapitres, je me jure que ce sera le maximum, puis je me résoudrai à fixer ce renouveau. Il attend, haletant, l'heure de gloire. Autant la lui donner après la véritable fin de l'apocalypse. Parce que ça pue encore le désespoir par ici. Ça empeste toujours la peur, la faiblesse, le renfermé, le brûlé, l'hypocrisie, le sang, la pluie, l'invisibilité, le mutisme, la fragilité, la cantine, l'infernal, la tro...

Ça suffit. Ça pue surtout l'espoir. Tu crois toujours que tu peux réinventer des racines loin de ce qui t'a construit ?

Tu te trompes. Tu te trompes depuis le début. Ce n'est pas ma maison. Ce n'est pas ma famille. Ce n'est rien de tout ça. C'est une illusion. Je suis ce que je veux être et je décide de ne pas être mon démon, ni mon passé. Le temps a couru jusqu'ici et m'emmène découvrir pourquoi j'ai pris la bonne décision. Ce qu'on ressent, ce n'est pas du manque. C'est une illusion, aussi. Pour la même raison que tu attaches de l'importance à tes bourreaux, je ne cesse de penser y retourner. Mais je ne cesse jamais de savourer en être délivrée.
Ça pue l'espoir parce que j'en ai toujours eu en stock, heureusement. Ça pue l'espoir parce qu'à certains moments c'est tout ce qu'il restait dans mes poches. Ça pue l'espoir parce que c'est la seule chose à laquelle on peut toujours s'accrocher, qu'il soit vain ou pas. C'est une croyance comme un autre, après tout. Croire au bonheur quand on a déjà vécu la noirceur et compris ce que pouvait être la lumière. Croire en tout ça malgré tout, et grâce à l'espoir. Ça pue moi-même parce que j'ai compris tout ça, appris tout moi, forgé tout là.

Peu importe tout, peu importe toi, peu importe le temps, peu importe le mal. Au final, rien n'est pire et rien n'est insurmontable puisque j'ai surmonté ça. Je ne prendrai à présent que les bonnes décisions, quoi qu'il m'en coûte, puisque j'ai vu le mal se transformer en bien.

La thérapie continue puisque la douleur ne trépasse pas. Mais le combat ralentit et les bruits deviennent inaudibles. La victoire est proche, elle se mérite, et s'obtient. Elle se nomme deuxième ère et j'ai rendez-vous avec elle dans dix chapitres.

Bouche cousue - deuxième èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant