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Ces derniers jours, j'étais amoureuse de toi.
Sans que j'y fasse attention, tu prenais possession de mon esprit, ou de mon coeur, ou les deux, ou peu importe.
J'étais amoureuse de toi. Et en fait, je le suis encore. Et dans vingt-quatre mois et trois jours, ce sera toujours le cas. Et ce n'est pas malheureusement le cas, au final. C'est opposé à ce que mes lèvres auraient chanté il y a trois jours, mais pas dérangeant.

Je crois pas qu'on puisse avoir de coup de coeur ou de coup de foudre. Je crois pas qu'on puisse tomber amoureux d'un regard ou d'un rire. Je crois pas qu'on puisse jamais avoir le coeur brisé. Je crois pas non plus que l'amour existe, d'ailleurs.

Je crois que je suis juste un être dont le sexe, l'âge et la couleur de cheveux ont une importance totalement nulle, je crois que je suis née par hasard en respirant de la bonne façon et que depuis, j'ai continué en écoutant les mots et en les plaçant à leur place donnée, un peu comme un puzzle.

Mais maintenant que j'ai réfléchi au fait que ça pouvait marcher sans puzzle, tout est plus bleu.

Je crois pas qu'on découvre un jour une passion qui nous est propre. Je crois pas qu'on change avec le temps ou les événements. Je crois pas qu'on grandisse à l'intérieur. Je crois pas au temps, au fait. Je crois qu'on est d'un coup, très très vite, mais sans temporalité, et que tout ce qui est prétendu différent est en fait véritable depuis toujours, juste, t'avais pas assez regardé.

En vérité, je crois que c'est bien au delà de ce que nous montre l'évolution de notre espèce. Je crois pas que tous ces chiffres nous aident de quelque manière qui soit à comprendre. Je crois que tout est super simple et que c'est juste difficile que ça soit simple comme ça.

Je crois aussi que quand on s'en rend compte, on ne le sait pas, parce que c'est trop simple, donc c'est trop vrai, mais on en profite parce qu'on appelle ça du répis.

Mais moi j'ai décidé que c'était ça, que de vivre.

Me rappeler que j'étais amoureuse et m'avouer sans que cela ne m'engage à rien que je le suis pour toujours, par exemple. Parce qu'en fait, le passé ne me diffère ni du présent, ni du futur.

Je crois que je confonds souvent le fait d'aimer et le fait de vivre. Peut-être qu'on ne vit pas toujours. Que vivre ce n'est pas vivre mais aimer, pour faire simple. Que mourir c'est juste arrêter d'aimer. Oui, parce que vivre, ça évoque un sourire, un bien-être absolu, les visages qui nous font voleter et qui nous aident à nous préoccuper du rien. C'est ce qu'on appelle être heureux. C'est souvent parce qu'on aime. Mais vivre ainsi, c'est bien mieux. Alors, je fais comme ça. Je ne vis que quand j'aime. Donc j'aime juste ?

Je crois pas en l'amour parce que pour moi c'est pas ça. L'amour c'est pas croiser ta moitié un après-midi pluvieux et ramasser les papiers qui sont tombés en la bousculant. C'est pas un jour te dire que ça pourrait le faire parce que ton meilleur pote t'a embrassé par pure folie et que ca t'a plu. C'est pas trouver une déclaration qui t'est adressée jolie comme tout, ni avoir les joues en feu quand elle te parle, ni sauter au plafond quand il t'appelle. Si tu es amoureux de cette personne, tu l'es depuis toujours et pour toujours, même si pour toujours tu ne seras pas dans ses éclats de coeur.

L'amour c'est tout, en fait. Puisqu'on aime pour vivre et qu'on vit pour aimer. Je vois pas la différence, du coup. L'amour c'est tout ce qui consiste, dans mon cas, à embrumer mes yeux sans faire exprès, quand je câline ma soeur, ou mes peluches, ou mes amis câlins avec qui je parle comme je ris car avec eux je suis moi au plus simple et plus transparent, sans effort. Quand je lis ces livres sur wattpad qui débordent beaucoup trop d'envie de lire encore parce que tout à l'intérieur et enviant, beau, vivant, aimeux. Quand je regarde à travers la vitre arrière gauche ou par ma fenêtre, que j'ai le temps pour ça. Quand pendant des heures j'écoute la musique qui me correspond exactement et qui lève son majeur à tout ceux qui grimacent autour et quand simultanément, j'écris sans m'arrêter parce que mon inspiration m'offre son cadeau de Noël. C'est quand je suis heureuse comme ça, que j'aime, que je vis. Le reste, je m'en fous maintenant.

J'aime plutôt penser que cette vie c'est tout l'évident qui nous berce en simplicité qu'on apprécie trop sans le vouloir, sans le savoir, pourtant on en est conscient et on en profite, mais il nous manque quand on ne vit plus, quand on pleure parce que tout est faussement compliqué. Disons que rien ne l'est. Que rien n'importe. Que rien n'est dû à rien ni n'entraîne rien. Que la gravité des choses est plutôt leur normalité et que s'il faut courir un peu plus vite, on le fera, ou pas.

Et je ne suis peut-être pas si malheureuse que ça. Parfois énervée, parfois fatiguée, parfois balancée de douleurs, parfois triste, mais à chaque fois je peux fermer les yeux et croire que hier n'est pas si loin et que hier j'ai aimé, j'ai vécu. Que demain, ce sera sûrement toujours le cas. Qu'après tout je ne perds rien de fondamental à me foutre de tout ce qui n'est pas bleu.

Je vis ou pas et j'aime ou pas et je m'en fiche surtout de savoir que quelque chose.

Je suis bien, là, putain.

Cette rivière grise de vert sapin n'a ni source ni graviers.

Bouche cousue - deuxième èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant