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Je vais m'asseoir sur une pile de choses et je vais attendre que le ciel soit noir. Là, il s'est habillé comme je préfère. 'Y a la banlieue parisienne étendue jusqu'à l'horizon qui essaie de me tromper avec ses étoiles-fenêtres, juste au dessus, il y a une couche brumeuse de jaune qui s'éclaircit jusqu'à devenir blanche, puis bleue, comme mon âme hurlante, et ces couleurs ont très peu de sens entortillées ainsi. Mais je les aime putain de fort, alors je vais juste me frayer un chemin jusqu'à la fenêtre pour les observer noircir.

Je vais enfiler un pull à moitié, en laissant mes cheveux à l'intérieur parce que c'est une atroce sensation et que j'ai envie d'avoir mal autrement qu'en me forçant à recréer ta douce voix qui joue du tambour dans ma boîte crânienne. Je vais penser à Jules, qui m'écrit sans savoir qu'il sait tout ce que je suis. Je vais jurer parce que j'ai mal aux jambes, au dos, à la tête, à toi. Je vais faire confiance à toutes mes chansons illégales pour qu'elle me fassent pleurer. Si j'y arrive pas, je lirai à voix haute voix tout ce que vomis quand je suis comme ça.

En fait, ça fait un mois que je vomis tout ça et je commence à avoir des courbatures au coeur.

Je crois que je vais prendre mon dernier médicament de la journée en appuyant mon front sur le froid de ma fenêtre. J'ai une douce mèche brune qui me nargue sur le droit de mon visage et j'essaie de créer des étoiles à Paris et à son ciel bleu et jaune.

Je vais me coucher et d'autres peines encore se feront entendre quand ma main effleurera ma chair devenue honteuse, quand mes doigts trembleront de sentir l'échec de mon corps.

Je vais garder mon pull jusqu'à en transpirer et puis je vais le jeter par terre. Je le ramasserai immédiatement parce que c'est mon deuxième favori. Il est très cool et il sait, tout comme nathan sait mais refuse maintenant de coopérer, il sait et essaie d'absorber tout, si bien qu'il en devient encore plus noir.

Je vais écouter cette voix qui me dit que c'est peut être le dernier coucher de soleil que je vois, que je devrais le prendre en moi. Que c'est peut être le dernier air que je respire et que je devrais le respirer à l'intérieur.

Combien de temps ça prendra au ciel ? Je vais peut être laisser les rideaux ouverts pour m'endormir avec le jaune et le bleu clair du soir. Le rap norvégien finit le travail.

Je vais frapper cette pile de choses parce que j'ai encore sacrément mal au dos et parce que je joue sacrément bien quand je suis seule chez moi à rouer mon piano de coups, mais que je suis incapable de créer ce même art devant eux.

Je vais regarder ce jeune homme vêtu de noir marcher sur le trottoir à vingt-deux heures cinquante-cinq.

J'ai pas envie de dormir et j'ai pas envie d'entendre mon coeur battre contre mon oreiller. Je sais pas trop ce que je vais faire demain, je vais sûrement déverser mon mal dans du vide, sur un plafond blanc, sans maîtrise sur mon visage, pendant quarante-cinq minutes, pour m'occuper l'esprit. Ah, comme s'il n'étais pas déjà assez occupé avec tout ses maux, ses mots, du soir et du repas de midi.

Je vais supplier les lumières qui glissent sur mes murs de rester, je vais supplier les voitures de s'arrêter devant ma fenêtre, je vais supplier la vie de faire de moi un légume un peu heureux. Je voudrai être un chou romanesco. Personne l'a jamais compris, en tant que chou. Personne a jamais su son vrai nom. Personne s'est jamais posé de questions face à la complexité de son vert et de ses formes. C'est sot, tout ça.

Je vais supplier mon groupe préféré de revenir, je vais balancer les six Disney que j'ai pas visionné sur mon bureau.

Je vais continuer de lire ce que Jules a à me confirmer.

Je vais cacher mes mains dans mes manches et m'allonger, sur le dos.

Je vais me dire,

ça va aller, ça va aller, je te le jure, jure le toi.

Le jaune est devenu rouge et le blanc est devenu vert.

Ça va aller.

Bouche cousue - deuxième èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant