Chapitre 6

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Quelques mois plus tard

Les mois semblaient des jours, les jours des heures et les heures des secondes. Lisa ne voyait plus le temps passer depuis qu'elle filait le parfait amour avec Léo. Elle était amoureuse comme elle ne l'avait jamais été avant et lui espérait que ça dure toute une vie. Ils se complétaient l'un l'autre. Chacun avait besoin de l'autre pour se sentir bien. Ils se connaissaient par cœur.

Chaque jour, Lisa retombait amoureuse de lui, de ses mimiques, de sa voix, de son humour, de son allure, de chaque petite parcelle de son être. Elle trouvait ses défauts parfaits et ses qualités encore plus. Elle n'arrivait même pas à mettre des mots sur ce qu'elle ressentait.

Mais elle avait peur, parce que ces derniers temps Léo se comportait de manière étrange. Il ne souriait plus comme avant, il voulait encore plus la voir, lui répétait beaucoup plus souvent qu'il l'aimait - ça ne la dérangeait pas mais ça l'inquiétait puisque ce n'était pas dans les habitudes -, parfois il s'enfermait dans une bulle dans laquelle Lisa n'arrivait pas à entrer.

Marina la fit sortir de ses pensées en passant sa main devant les yeux de Lisa perdus dans le vide depuis le début du cours d'histoire.

- Tu réfléchis encore ? Arrête d'y penser et profite de sa présence, chuchote-t-elle à Lisa le plus discrètement possible pour ne pas se faire reprendre par la prof.

- Imagine il est moins amoureux de moi...

- Demande lui ! Fit-elle plus haut.

Marina se rendit compte de son erreur et releva les yeux vers sa professeure qui la fixait.

- Marina, ce n'est pas en discutant avec votre camarade que vous améliorerez vos résultats, donc concentrez-vous. Que je ne vous y reprenne pas ou je vous envoie chez le CPE.

Marina acquiesça poliment, même si elle s'en fichait complètement. Elle écrivit quelque chose au crayon de bois sur son cahier en plein milieu de son cours sur la mondialisation, cours qui ne l'intéressait absolument.

Demande lui où tu ne sauras jamais.

Lisa lit le mot et répondit sur son propre cahier.

J'en sais rien.

J'te signale que c'est grâce à moi que t'es devenue love to love, alors écoute mes conseils.

Lisa roula des yeux, un petit sourire en coin. Marina la faisait toujours rire.

D'accord, je lui enverrai un message après.

Marina lui sourit, satisfaite puis copia la suite du cours dont elle n'avait pas écouté un seul mot.

Lisa sortit son téléphone à la sortie du cours et son cœur partit à toute allure en voyant le message de Léo.

De Léo à 14h42:

En sortant des cours ce soir retourne à l'abri, c'est important. Je t'aime.

Elle avait peur, mais peut-être qu'il lui expliquerait enfin ce qui le tourmente. Il lui disait rarement qu'il l'aimait par message, donc s'il le faisait c'est qu'il le pensait. Ça la rassura un peu, mais pas assez.

À la sonnerie, le professeur de chimie lâcha ses élèves avec deux minutes de retard. Lisa courut à travers les couloirs, bousculant quelques personnes au passage pour partir en vitesse et aller retrouver Léo au parc le plus vite possible. Elle avait attendu ce moment tout l'après-midi. Intérieurement elle insultait son professeur qui avait oublié de regarder l'heure.

Manque de chance pour elle, il pleuvait averse alors que ce n'était pas prévu par la météo. Elle mit ses mains au-dessus de sa tête, comme si ça allait réellement la protéger de la pluie et sprinta dans toute la ville, trempant au passage ses converses à causes des flaques d'eau.

Elle finit par arriver, hors d'haleine. Mais à son plus grand désarroi, Léo n'était pas là, et ça l'inquiétait. Elle avait un mauvais pressentiment. Elle se réfugia en vitesse sous l'abri et trouva un parapluie noir posé dans l'angle de ce dernier. On dirait celui de Léo.

Elle le ramassa avec hésitation et l'ouvrit. Une feuille pliée en plusieurs morceaux tomba au sol. Intriguée, elle se pencha et le ramassa. Elle hésita à l'ouvrir. Peut-être que c'était une lettre personnelle, et elle s'en voudrait de découvrir les pensées intimes de quelqu'un qu'elle ne connaissait sûrement pas. Mais prise par la curiosité, elle déplia la feuille et eut la surprise de voir son nom écrit en gros en haut de la lettre.

Lisa,

Si tu es en train de lire ces lignes, c'est que ta curiosité parfois mal placée t'a convaincue (ne t'inquiète pas, je trouve ça très mignon chez toi et tu le sais).

Je suis désolé, mais je ne te rejoindrai pas sous l'abri ce soir, et je me sens lâche de reporter mes sentiments à l'écrit et non à l'oral. J'aurais aimé pouvoir le faire, crois-moi. Si tu savais à quel point j'aurais aimé le faire. Mais tu comprendras pourquoi je n'ai pas pu le faire au fil de ta lecture.

Déjà, sache que j'ai eu une chance extraordinaire de croiser ton chemin. Quand je t'ai donné mon parapluie et que j'ai croisé tes yeux sombres, j'ai su que toi et moi ça ne s'arrêterait pas là. Tu es la fille la plus étrange que je n'ai jamais rencontrée, mais tu es aussi celle que j'aime le plus. J'aime chacun de tes gestes, chacune de ses maladresses, chacun de tes sourires. J'aime absolument tout chez toi. Tu n'as su rendre ma vie que plus belle. Tu as intensifié chacune de mes émotions, me rendant plus vivant que jamais. Nos petits moments à deux, je ne les oublierai jamais. Nos moments chez moi où ton petit corps était blotti contre le mien, notre cœur battant au même rythme, nos corps ne faisant qu'un, tes éclats de rire quand je te chatouillais pour que tu me rendes les affaires que tu t'amusais à me prendre des mains. Nous avons bâti notre propre monde, nous enfermant dedans pour mieux se retrouver. Si tu savais à quel point je t'aime, je ne saurais mettre des mots sur ce sentiment si fort. Nous avons vécu quelque chose de fort, de beau, d'intense, mais aussi de trop court.

Lisa, aujourd'hui c'est avec le cœur déchiré que je t'annonce qu'il faut que l'on prenne chacun un nouveau départ. Je déménage bien trop loin de toi à cause de la mutation de mon père. J'aurai tellement aimé que ça se passe autrement, que notre histoire connaisse une autre fin, mais visiblement le destin en a décidé autrement. Cela fait quelques semaines que je l'ai appris, et à chaque fois que j'ai voulu t'en parler, ça ne voulait pas sortir, mon cœur se brisait à chaque fois que j'y pensais. Je ne voulais pas y croire. Alors je me suis contenté de profiter de chaque seconde passée avec toi pour mieux me remémorer ces moments plus tard. On aurait pu essayer de vaincre la distance mais je n'aurai fait que te rendre malheureuse. J'ai été le plus heureux du monde avec toi, rappelle-toi en. Ne doute jamais de cela, je t'en prie. S'il te plait, sois heureuse, profite de ta vie et de tes amis. Tu mérites tellement de bonnes choses.

Tu as été mon vrai premier amour mais aussi le plus beau, ne l'oublie pas.

S'il te plait, n'oublie jamais cela: qui doit se quitter se quittera et qui doit se retrouver se retrouvera.

Je t'aime.

Léo.

Lisa relit les dernières lignes inlassablement, ne se rendant même pas compte que des larmes coulaient sur la lettre de Léo. Elle n'avait jamais envisagé la fin de leur histoire si rapidement, si brusquement. Elle était brisée, elle se sentait tomber en miette. Elle l'aimait beaucoup trop, et c'était ça le problème. Qui doit se retrouver se retrouvera, c'est ce qu'elle essayer de se mettre en tête. Elle essayait d'y croire, en vain.

C'est après plusieurs mois à nager dans le bonheur absolu que son premier amour s'acheva au même endroit où il avait commencé.

Le parapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant