Le lendemain, maman ne m'a pas fait signe par la fenêtre. De toute façon, depuis qu'elle avait cessé de faire la différence entre le jour et la nuit, ça se faisait rare sa petite cérémonie à laquelle elle tenait tant. Je me suis retourné quand même et je n'ai pas aimé le vide à la fenêtre, ça m'a pincé le cœur, malgré moi, j'ai haussé les épaules, vite fait.
Et tout a repris sa place.
Pour elle, des jours monotones et gris qu'elle avalait comme ses cachets, les uns derrière les autres. Quant à moi, je n'arrivais même plus à me jurer que je ne me laisserais pas faire, que j'allais m'en aller, que j'allais vivre et que je serais libre, même ça, mon espoir, elle me l'avait enlevé.
Pute de mère en fille.
C'est pourtant d'elle qu'est venu le changement. La bascule. Finalement, je crois que moi que j'aurais jamais osé. L'abandonner. Elle, elle n'a pas hésité.
Un soir, en rentrant du collège, j'ai vu une voiture du Samu en bas de mon immeuble. J'ai tout de suite compris. Je me suis approchée, une voisine a fait signe à un type en blouse blanche qui m'a empêchée d'approcher. Il m'a tenue à l'écart, j'ai écouté. 'Tentative de suicide, maison de repos, sa vie pas en danger'. Je me suis approchée, elle dormait, je lui ai caressé doucement la main et je les ai laissés l'embarquer. Le type en blouse blanche a repris ses salades, il fallait que des gens prennent soin de moi, il allait charger des papiers, des demandes et de tout le reste, il ne fallait pas que je m'en fasse, elle allait s'en sortir.. Elle m'avait laissé tomber, on allait m'embarquer.. Il a doucement posé une main sur mon épaule.
Les premières nuits, je devrais dormir dans un centre, en attendant de trouver une autre solution. 'Approprié à la situation.' Je détestais les mots qu'il employait. J'ai demandé poliment si je pouvais prendre quelques affaires chez moi, il m'a félicitée pour mon courage, j'ai souri. Ne pas montrer ce que je pensais de ce konard et de ces bonnes intentions. La voisine s'y est mise aussi, elle m'a serrée dans ses bras, je calculais à toute vitesse, combien de temps, il me faudrait, je suis rentrée, on m'a laissée seule, j'avais un petit quart d'heure pour faire ma valise, c'est ce qu'avait l'imbécile en blouse blanche..
J'ai mis quelques affaires dans un sac de voyage, un cahier, L'Amant, j'ai fouillé partout dans sa chambre, je cherchais sa carte bleue, je suis tombée sur une photo que j'ai fourrée dans mon sac sans l'a regarder. C'était une photo de mon père, que je connaissais pas, mais pas de carte bleue, je suis sortie de la chambre en me demandant pourquoi j'avais jamais fait ça avant, je suis sure qu'il y avait dans ses tiroirs de quoi répondre à des dizaines de questions auxquelles elle ne voulait pas répondre, j'ai foncé sur la commode dans le salon, rien, j'ai fini par tomber sur la carte bleue au fond d'une poche de son manteau.
____________________________________________________Je me suis retrouvée sur le palier, la voisine était rentrée chez elle, c'était presque trop facile, je n'ai pas eu le temps d'y penser, je suis sortie par-derrière. Personne en vue. Ils m'attendaient de l'autre côté. J'avais quelques minutes pour me planquer. J'ai couru vers la banque pour tirer le maximum autorisé : huit cents euros. J'ai déchiré la carte. Ils ne me retrouveraient pas. Je la détestais. J'allais disparaître. Elle allait en crever. J'la déteste. J'ai couru sans pleurer, jusqu'à la Nation, je suis entrée en Printemps, et j'ai fait semblant d'avoir des courses à faire. Dehors, il pleuvait. J'ai attendu la nuit et la fermeture des magasins. Il était vingt heures, la pluie avait cessé. Incapable de pendre une décision, guettant les voitures de flics, j'aurais dû quitter le quartier, je n'arrivais pas, pour aller où ? Mes pas, malgré moi, me ramenaient à la cité Paganini, je voulais rentrer chez moi, retrouver mon lit, les livres, ma vie d'avant. Je serrais les dents, fallait tenir, je ne voulais pas pleurer, fallait tenir, trouver une solution, y croire, fallait juste se laisser le temps de trouver.. Devant chez moi, il y avait bien un flic qui faisait le guet, j'ai fait demi-tour. Et puis, soudain, j'ai senti une main qui s'est posée sur mon épaule. J'ai sursauté et j'ai failli crier, mais la main s'est posée sur ma bouche. Je me suis débattue, deux bras m'ont ceinturée pendant que je me débattais.
- Déconne pas, c'est moi.
J'ai levé les yeux.
Moi - Ayman ?
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Syra : Rien de plus qu'un baiser
Документальная прозаJ'crois bien que j'ai toujours eu de l'admiration pour ton frère. À cause ce malaise et de ce respect qu'il inspire à chaque fois qu'il apparaît quelque part, des têtes qui se baissent, des voix qui s'assourdissent. Les épaules en avant avec une fau...