Sept.

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Quand je suis rentrée, j'ai retrouvé ma mère à quatre pattes en train de passer l'aspirateur sous la commode. Les lumières étaient allumées dans toutes les pièces, les fenêtres grandes ouvertes, draps et couvertures pendaient sur le balcon. Ils étaient plus (+) de minuit. Je suis restée sur le pas de la porte, stupéfaite. Elle a esquissé un sourire.

Maman - Tu viens m'aider ?

Ses yeux noirs, qui semblaient immenses sur son visage amaigri, avaient un éclat étrange. Ça m'a fait mal toute cette détresse dans ce corps que je n'avais jamais imaginé aussi fragile, j'ai vu qu'elle avait vieilli, trop vite. Alors, j'ai fait semblant d'y croire, à son sourire forcé.

Moi - Tu veux que j'fasse la cuisine ?

Elle a acquiescé, soulagée. Je me suis rapprochée d'elle, j'ai remis sa mèche de cheveux derrière son oreille pour dégager son visage et déposer un baiser sur son front.

Moi - Je t'aime, ma petite maman.

Elle a souri avant de se précipiter à nouveau sur son aspirateur. Et, moi, j'ai pris le balai et je me suis mise à faire comme elle. On a nettoyé la maison pendant deux heures au moins, chacune dans son coin.

En me réveillant le lendemain matin, j'ai à peine eu le temps de sortir l'odeur des tartines grillées qu'elle entrait dans ma chambre, un plateau dans les mains et ce petit air surpris d'elle-même. J'ai bu ma tasse de chocolat, en prenant tout mon temps, à petites gorgées, pour le faire durer le plus longtemps possible. J'étais soudain projetée dix ans en arrière quand Papa me portait dans ma couette jusque dans la cuisine et qu'ils chuchotaient tous les deux pour rendre mon réveil plus doux les matins d'hiver. On ne s'est rien dit, elle a bu son café et m'a préparé mes tartines et, quand ça a été l'heure, elle m'a dit 'Faut y aller, sinon tu vas être en retard. Comme si rien n'avait changé.

Au coin de la rue, je me suis retournée, il y avait à nouveau la silhouette à la fenêtre. Je lui ai fait le signe de la main, j'ai vu sa main s'agiter à son tour et puis j'ai continué, le cœur serré. Ça a duré cinq jours.. Le sixième, elle était à nouveau dans son lit, recroquevillé sur elle-même et bourrée de somnifères. C'était le jour de mes seize ans. Je me suis quand même fait un gâteau au chocolat que j'ai mangé méthodiquement sans en laisser une miette. J'avais bien essayé d'aller lui en proposer un bout, je l'avais même secouée, mais il n'y a rien eu à faire, elle était assommée.

Je m'apprêtais à passer une soirée ennuyante quand ça à sonner à l'Interphone. Ça m'a tellement surprise que je n'ai pas répondu tout de suite. Personne ne mettait les pieds chez moi, il devait y avoir erreur. Mais ça a sonné une deuxième fois, un coup plus (+) insistant.

Moi - Oui ?

- Bonjour, madame ! Est-ce que Syra est là ?

Moi - C'est moi.

C'est une voix de garçon que je n'ai pas reconnue. Ça ma déçue. Un instant, sans même avoir le temps de me l'avouer, j'avais espéré que ce serait Sinem.

- C'est Ayman

Il n'était jamais venu chez moi. Je ne lui avais rien dit depuis des semaines, et je n'avais pas envie de le voir..

Moi – Ouais, et ?

Ayman - Descends deuspi

Moi -

Ayman - Allô ?

Moi - Qu'est-ce qu'il y a ?

Il n'a pas répondu et pendant une seconde, en attendant sa réponse, j'ai vu l'assiette vide de mon gâteau d'anniversaire posée par terre devant la télé.

Syra : Rien de plus qu'un baiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant