12. Deux pas en avant

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Je me précipite à l'extérieur de la maison pour retrouver le "vieux moi". Je ne peux pas être responsable de la douleur de Kévin. Je ne veux pas qu'il m'en veuille d'avoir encore été une garce. En temps normal, je n'en ai strictement rien à foutre de ce qu'on peut bien penser de moi, mais, là je crois, que j'ai fait bien trop de peine à Kévin. Je regrette tellement de n'avoir rien pu faire à ce moment-là. Si seulement j'avais été moins stupide...

Quelque chose d'humide glisse sur mes joues. Je pense alors à de la pluie et pourtant, il n'y a pas une goutte, pas un flocon. Le ciel est dégagé et les étoiles brillent dans le ciel. Les fameuses gouttes finissent leurs routes sur le rebord de mes lèvres. Merde, c'est salé ! Putain je suis en train de chialer comme une gamine ? Encore ? Entre le retour chez moi et maintenant, on peut dire que j'ai rattrapé des années de pleurnicheries. D'ailleurs, je ne sais même plus quand c'était, la dernière fois que j'ai pleuré...

- Quand ton père est parti... dit la vieille.

- Hein ?

- La dernière fois avant cette nuit, c'est quand il est parti.

Merde, le moi du futur sait lire dans les pensées maintenant ? Je suis devenue Phoebe Halliwell en deux-mille-quarante-douze ou quoi  ?  Mais si ce n'est pas le cas, alors comment se fait-il qu'elle puisse lire dans mes pensées.

- Car tu es moi, enfin je suis toi, enfin on est nous.

Bah voilà qu'elle s'emmêle maintenant ! Manquerait plus qu'elle ait Alzheimer.

- Bon allé, on peut rentrer maintenant ? lui dis-je en tendant ma main dans sa direction, et l'autre vers ma joue pour essuyer mes larmes.

Elle se saisit de ma main dirigée vers elle, et de nouveau, un épais brouillard nous entoure. Mais quand j'ouvre les yeux, je suis déçue de constater que nous ne sommes pas encore dans ma chambre d'hôtel. On est... dans une église ?! Ce n'est pas encore ici que je vais pouvoir m'allonger !

- Qu'est-ce qu'on fout ici ? lui demandé-je légèrement agacée de me retrouver là.

Je regarde la grande chapelle, les sièges vides, et un cercueil ouvert près de l'autel. 

- Ne me dites pas que c'est moi qu'on est venu enterrer ?! dis-je choquée.

- Si, c'est nous.

Je m'approche, bien décidée à regarder à quoi je ressemble en mode "mamie".

- Je ne ferais pas ça si j'étais toi.

- Mais tu es moi vielle cruche.

Je regarde à l'intérieur du cercueil et suis complètement sous le choc. Merde je suis affreuse, toute vieille, toute fripée, toute maigre, bref horriblement hideuse.

- Le maquillage et la tenue c'était trop demandé ? m'indigné-je. 

- Personne n'a payé nos obsèques. Ils ont donc juste fait le minimum.

- Comment ça personne ? Et pourquoi aucun de mes amis n'est là ?

- Amis ? Parce que tu penses avoir des amis ?

- Bah la standardiste ? 

- Celle que tu traites de grosse chaque matin ?

- Oh, l'humour tu connais ???

Putain mais, même ma soeur n'a pas bougé un doigt !

Une porte se claque dans mon dos. Si c'est un nouvel esprit qui arrive pour m'emmener je ne sais où, je pète un plomb. Je n'irais plus nulle part !

Quand je me retourne après avoir sursauté pour voir qui approche, je remarque Kévin. De nombreuses années en plus, les cheveux grisonnants, un charme assez impressionnant. Putain il est comme le vin le bonhomme : il se bonifie avec le temps.

- Fais chier ! hurle-t-il seul dans la chapelle une gerbe de fleurs dans les bras avec un ruban.

Ah bah non finalement, plutôt comme le camembert : plus il vieillit et plus il a du caractère.

Je m'approche de lui pour le regarder de plus près. Ses yeux clairs, humides, baignés de larmes me montrent à quel point cet assistant tenait à moi. A quel point, une fois dans ma vie, je comptais pour une personne. Je lis l'inscription sur la gerbe « à jamais dans mon coeur ». C'est horrible !  Kévin avait de réels sentiments pour moi, encore, après toutes ces années, après tout ce que j'ai bien pu lui faire.  Je n'aurais jamais pensé un jour regretter le gnome, regretté de ne pas pouvoir le toucher, le consoler. Ma main s'approche de son visage pour tenter de cueillir les larmes qui coulent le long de ses joues, mais elle le transperce et je n'arrive pas à essuyer ces petites perles salées.

- Kévin, murmuré-je.

Si seulement, c'était possible... Si seulement je pouvais revenir en arrière. Mais non, je suis là, allongée dans un cercueil immonde à côté de la seule personne qui m'a jamais aimé. J'ai tout gâché, encore...

Une ombre noire apparaît dans la chapelle. Un peu comme les Détraqueurs dans Harry Potter.   Cette forme me terrifie et me glace le sang. J'ai l'impression que toute chaleur a quitté mon corps, et je me sens vide, triste et terrifiée.

- L'heure est venue Shirley...

Mon "moi vieux" s'approche de moi en même temps que l'ombre. J'ai l'impression que les deux fusionnent pour ne faire qu'un. Ils s'approchent de moi les bras tendus. Non, non, non, foutez-moi la paix !

Je hurle de peur et les larmes coulent sur mon visage. Je ferme les yeux, paniquée. J'ai une horrible sensation qui me traverse alors que je me demande ce qu'ils vont bien pouvoir me faire. Je sais que j'ai été une horrible personne, mais je ne veux pas mourir maintenant.

Silent NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant