La petite mer.

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Annick a conduit toute la nuit, bien décidée à m'éloigner de Paris. Pendant le trajet, j'ai essayé de comprendre pourquoi je suis devenue le centre d'intérêt d'autant de personnes. 

Alexandra qui connait tout le monde n'est pas franche, je me rend compte maintenant qu'elle m'a un peu poussé dans les bras de Judith, c'est vrai que c'était facile. Ce que je ne comprends pas encore, c'est pourquoi ? Tout ce qui m'arrive depuis que je suis à Paris tourne autour d'Alexandra. Ma rencontre avec Armand le frère de Judith en est un exemple parfait. Je ne serais pas étonnée qu'elle me cache la véritable raison de ce qui m'arrive.

Judith ma belle rouquine, je peux dire qu'avec elle la vie est facile. Le seul hic, c'est qu'elle est excessive. Un appartement ! Elle avait décidé qu'elle et moi serions en couple. Bien que l'idée ne déplaisait pas, je pense que c'est mieux maintenant. Je ne suis pas prête a m'investir, essentiellement a cause de mon père. Un jour, il comprendra que la politique n'a cure de la situation sexuelle de sa famille. A ce moment la, ma vie m'appartiendra.

Il y a aussi Armand. Je ne sais quoi penser de lui. Attirant ? Envoûtant ? Protecteur ? Ou tout simplement le frère de Judith. 

-Tu connais Armand depuis longtemps ? Me questionne Annick alors que nous passons le péage de Rennes.

-Non, c'est juste le frère de Judith, pourquoi cette question ?

-Par ce que je l'ai trouvé bien anxieux quand à ton sort. Qu'il soit inquiet pour sa sœur, ça c'est OK, mais qu'il en fasse autant pour toi, je trouve ça... comment dire... Mignon!

-Il est excessif comme sa sœur. 

-Nous en avons encore pour une heure, tu peux dormir un peu si tu veux. 

Je suis contente qu'elle n'insiste pas sur le sujet, Armand est toujours présent dans ma tête, je ne voudrais pas laisser échapper des pensées trop personnels.

-J'ai dormi tout le trajet alors je vais observer le paysage, je ne connais pas cette région.

-J'habite sur une île dans le golf du Morbihan, tu verras c'est chouette et tranquille. L'endroit rêver pour se faire oublier.

Annick me raconte une partie de sa vie, la vente de ses toiles, le choix de cette île qui n'est accessible qu'à basse mer, les paysages sauvages, la pêche à pied, les longues sorties en mer à bord de son petit voilier. Je l'écoute avec plaisir, cette fille se contente de vivre en profitant des instants que lui donne la vie. J'aime bien sa mentalité, elle respire le bien être.

-Pourquoi tu as décidé de m'emmener chez toi ? On se connait pas, je ne suis rien pour toi. Je ne comprends pas.

-J'attendais ta question en fait.

Apres plusieurs secondes qui me paraissent des heures, elle me jette un coup d'œil avant de reprendre sa concentration sur la route.

-Plusieurs raisons pour tout te dire. La première, c'est par ce que Armand m'a fait connaître mes tableaux au public, c'est grâce a lui si j'ai de quoi vivre et jouir de la vie. La deuxième, c'est qu'il a essayé de t'évincer des bras de sa sœur en me demandant de draguer Judith.

-Quoi ? Quand ? Pourquoi il t'a demandé ça ?

Elle ne répond pas à ma question et continu.

-La troisième, par ce que je t'ai croisé dans ce bar et au vernissage.

-Je me souviens de toi. Au fait, merci pour le cadeau, c'était pas la peine.

-Il te plaît ?

-Ce bateau échoué ? je l'adore.

-Il te ressemble tellement. J'ai pas hésité.

Nous regardons la route, je sais que si je croise ses yeux, je vais dire n'importe quoi alors je me tais. Annick est une fille plus que sympa, si j'étais d'humeur badine, j'en ferais bien mon déjeuner. Judith avait fait une crise à son frère quand elle avait su que les peintres invités étaient pour la plus part gay, je crois me souvenir que c'est le cas pour Annick. Je ne veux pas en savoir plus pour le moment. le jour se lève, la journée va être fraîche et je suis fatiguée.

Je somnole quand la voiture ralentie, un tressautement du véhicule me sort de mon rêve.

-Qu'es-ce qui se passe ?

-Marée haute, nous devons attendre. 

-Ah ! Nous faisons quoi en attendant ?

-Cafés croissants ! ça te dit ?

Mon sourire et mon estomac répondent à ma place. Je m'étire à en faire craquer mon dos, ce qui l'a fait rire.

...

L'île des pins porte bien son nom, elle doit faire 500 mètres de long sur 100 de large, la maison est au centre, comme le milieu d'une cible, c'est une habitation traditionnelle de la région, avec sa toiture en ardoise ses volets bleus et les hortensias sous les fenêtres. La citadine que je suis trouve l'endroit magnifique alors que pour Annick c'est juste le lieu ou elle travail, un coin tranquille à l'abris des intrus.

-Je vais envoyer un texto à Armand pour lui dire qu'on est arrivée. me dit elle en faisant entrer. Fais comme chez toi.

L'entrée donne sur un salon ou trône un canapé qui fait face a une cheminée, l'intérieur est simple une table en bois massif et un buffet. pas de photo sur les mur ni de tableaux. Deux portes cote a cote sont entre ouverte, en m'approchant je me rends compte que ce sont des chambres, a droite de l'entrée, la cuisine avec sa panoplie traditionnel, je remarque un escalier dans le fond qui doit accéder au grenier, certainement son atelier. Je regarde l'endroit en essayant d'en savoir plus sur Annick. 

-J'ai pas trouvé les toilettes.

-Chaque chambre disposent d'une douche et de toilette, la tienne, c'est celle de gauche. Si tu désirs te changer, j'ai ce qu'il faut, nous faisons la même taille.

-Merde, c'est vrai, j'ai rien à me mettre.

-Alexandra nous enverra ça, pas de panique. Va dans mon armoire pour te choisir un truc, je vais allumer du feu, on gèle ici.

Sans fouiller, j'attrape un pull et je l'enfile. L'odeur de pins me taquine les narines, j'en prends une grande bouffée en me dirigeant vers ce qui sera ma chambre.

-Combien de temps je vais devoir rester ?

-D'après Armand, une semaine voir deux max. Tu t'ennuis déjà ?

-J'ai pas dit ça. Je me demandais ce que j'allais faire en attendant qu'il gère le problème. dis-je en faisant le signe des guillemets. 

-Poser pour moi ou me conseiller sur mes choix de couleur. Tu fais bien l'école des arts non ?

-Poser pour toi ? Non, tu vas gâcher ton travaille, je ne suis pas comme la fille que tu représentes sur tes tableaux. 

-Tu as raison, tu es mieux. Mais si tu ne veux pas, c'est ton droit. Demain nous irons faire un tour en bateau, je vais te faire découvrir le golf.

Heu... c'est de la drague ?  Annick me trouve plus jolie que son modèle ! Peut être que je devrais me laisser faire après tout. Je l'observe attiser la petite flamme qui vacille sur les bûchettes. Tout à l'air si simple ici. Une semaine pour faire le point sur ma vie, tout compte fait c'est pas si mal. 

J'ai fais le tour de l'île pendant qu'Annick récupére de sa nuit de conduite. Je me suis assise sur un rocher pour remplir mon corps de ce parfum iodé. A Paris, je vie à cent l'heure, sans prendre le temps d'analyser ce que je fais. Je pensais me noyer dans la masse, et oublier mon passé, mais c'est tout le contraire qui est arrivé. Je me retourne pour regarder cette maison cachée dans les pins. Armand a fait le bon choix, comment a t il fait pour savoir ce qu'il me fallait à ce moment précis de mon existence ? Cet homme est vraiment étonnant. A ce propos, Annick ne m'a pas répondu quand je lui ai demandé pourquoi il a cherché à me faire remplacer. Croit il que je suis un danger pour sa sœur ? Que je ne faisais que jouer avec elle ? Cela me mine penser qu'il croit cela de moi.



Comme un navire qui s'échoueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant