Défiance

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Damien sursauta.

C'était la troisième assiette qui lui échappait depuis ce matin, et une colère montait à la fois contre lui et les clients qui l'observaient sans comprendre.

Ça ne faisait qu'un jour ou deux qu'il avait reprit le travail, il rassurait son patron en lui assurant que c'était juste le temps qu'il reprenne ses vieilles habitudes.

Mais même lui le savait : C'était juste parce que Thomas avait cette marque dans le cou.

Il n'avait pas la foi de rentrer chez lui, et squattait chez le bouclé qui visiblement n'allait plus du tout en cours. Ce dernier n'avait pas de comptes à lui rendre, bien sûr, mais quand il avait poussé la porte d'entrée hier soir il avait senti une vague de colère l'envahir.

Le châtain s'isola un instant, après avoir nettoyé toute la porcelaine au sol, sous le regard ennuyé et inquiet de son patron qui lui avait presque ordonné de prendre sa pause.

Sortant un paquet de cigarettes de la poche de son manteau, il se remémora silencieusement le déroulement des événements.

...

Thomas n'était pas rentré très tard, comparé à d'habitude. Mais il s'était sentit tellement lourd en montant les marches qu'il était sûr que tout l'immeuble l'avait entendu.

Damien s'était précipité vers lui en voyant son teint pâle, qui était toujours le même quand il rentrait après ses combats, et l'avait mené jusqu'à la chambre/salon/cuisine où le brun s'était affalé dans le canapé.

Le plus grand avait prit l'habitude de le déshabiller et de le laver sommairement avant de le coucher, profitant que ce dernier soit presque dans un état second à cause de la fatigue.
Enfin, Thomas pouvait toujours parler, mais très brièvement, et il semblait assez à l'aise pour laisser son ami s'occuper de lui comme il s'occuperait d'une poupée.

Mais à ce moment-là, quand il avait enlevé le pull trop grand du bouclé, il fut étonné de voir une trace de morsure juste à côté de son cou, les traces des dents étaient tellement bien imprimées dans sa peau que l'on aurait pu en faire un moulage.

Ses doigts s'étaient crispés sur la laine abîmée, enlevant l'habit d'un geste brusque contrairement à tous ses gestes qui étaient précautionneux il y a un instant.
Même Thomas, les yeux presque clos, avait sursauté et s'était agrippé au canapé pour ne pas tomber.

"C'est quoi ça ?"

Par réflexe le brun porta sa main à l'endroit incriminé, avant de grimacer parce que la douleur était toujours présente...
... Mais surtout parce qu'il ne pensait pas qu'une chose aussi bénigne formerait une moue pareille sur le visage de son meilleur ami.

"Rien.
- Qui t'a fait ça ?"

Thomas fronça les sourcils, relevant ses yeux fatigués vers ceux d'en face.

"Personne. C'est quoi le problème ?"

Cette fois-ci le haussement de sourcils vint de Damien, qui agrippa le T-shirt sous le pull du bouclé, qui écarquilla les yeux, surprit.

Jamais il ne penserait que le plus jeune soit aussi tatillon sur ce point.
Mais là, l'irritabilité dans ses yeux était bien réelle, et lui faisait presque peur.

Ses yeux bleus étaient plissés de colère, et tous ses traits tirés dans un état de crise qu'il ne lui connaissait pas. Il avait déjà vu Damien en colère, et ce n'était pas beau à voir.
Mais ce n'était pas ce genre de rage qu'il avait l'habitude de montrer.

"Alors c'est ça ? Si tu rentres si tard, c'est parce que tu pars te faire baiser ? J'me demandais bien d'où tu sortais ton loyer, ben maintenant je sais : de ton cul."

Le châtain savait parfaitement que Thomas se battait pour la ville, il l'avait vu de ses propres yeux. Mais sa rage déformait ses phrases, ne laissant échapper de ses lèvres que quelques bribes tellement blessantes qu'il pu voir le visage de son ami se décomposer.

"Pardon, mais t'as dit quoi, là ?"

Le brun, maintenant bien réveillé, s'était levé du canapé pour s'éloigner de lui, et l'observait avec froideur.
Même sa voix était devenue calme et horriblement glaciale.

"C'est quoi ton problème, la putain ?" Damien s'était levé, ses mains tremblaient mais lui-même ne savait pas pourquoi.

Il ne savait même pas pourquoi il était en colère.
C'était comme si tous ces mots sortaient de sa bouche mais n'étaient même pas prononcés par lui, jamais il n'aurai pu dire ça à Thomas.

Ses mains vinrent se plaquer contre sa bouche alors qu'il se rendait compte qu'il venait d'appeler son meilleur ami comme il appellerait une femme au coin d'une rue, tard le soir, avec un peu d'alcool dans le sang.
Mais là, même l'alcool n'aurait pas pu pardonner ce genre de paroles.

Sans comprendre, il ressentit une vive douleur sur sa joue, et jetant un œil au plus petit il perçut que ce dernier lui avait jeté un coup de poing au visage.
Jamais il n'aurait pensé que Thomas avait autant de force.

"Pardon, mais tu t'es vu ?! C'est qui qui pique une crise parce que j'ai une pauvre morsure ?! Tu me connais assez pour savoir que j'ai rien d'une putain !"

Ils reprirent leurs souffles, Damien se massait la joue endolorie, il pouvait sentir la marque des phalanges imprimée contre sa peau, et Thomas réfléchissant à ce qu'il avait dit en se massant le poing.

C'est qu'il avait la joue dure, ce con.

"Dégage de chez moi. J'veux plus te voir, dégage."

Magical... Boy ? - TerrainkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant