Chapitre 57

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57 - Retour à la case départ


Un vent froid s'insinuait doucement dans les couloirs, comme une légère brise qui venait rappeler à tous que l'été touchait à sa fin. La rentrée aurait lieu le lendemain et il était étrange de parcourir ainsi ces couloirs glacés par l'absence de vie. Cette brise semblait avoir existé de tout temps mais l'agitation qui régnait habituellement dans ces couloirs la rendait insignifiante, elle était d'ordinaire vaincue par la chaleur des amitiés et des histoires d'amour qui rythmaient la vie de l'école.

Eliane ressentait cette nostalgie qui ne la quittait pas et la faisait frissonner lorsqu'elle parcourait les couloirs de l'immense bâtisse. Les souvenirs de plusieurs époques lui revenaient en mémoire : les années insouciantes de jeux et de rires avec Harry et Ron, celles plus réservées mais si intenses avec Anita, Druella et Tom et celles sérieuses et studieuses depuis qu'elle y travaillait... Elle passa une main sur son visage, ses traits étaient encore marqués par la fatigue et un bleu disparaissait doucement, colorant sa tempe d'une ombre brun-jaune disgracieuse. Elle prit une longue inspiration et frappa à la porte.

« -Albus ? Je peux vous parler une minute ?
-Bien sûr, j'ai tout mon temps. Profitez-en, à partir de demain, je ne pourrai pas forcément en dire autant. » Le professeur l'invita à s'asseoir tandis qu'il se levait pour s'installer près d'elle. Il sentait que la distance qu'instaurait inconsciemment son bureau serait de trop pour cette conversation.
« -Je me souviens, vous savez, j'ai regagné toute ma mémoire. Pendant la bataille, la fiole que vous m'aviez donnée s'est brisée et tout m'est revenu durant mon coma. C'est étrange, je pensais n'être qu'Eliane Von-Dort, une femme brillante, bientôt professeure, bientôt mère, avec un compagnon de vie tout aussi talentueux. Et d'un seul coup, je me découvre un passé sombre et douloureux, une identité aussi différente que semblable.

Hermione a vécu plus que moi, Hermione avait presque vingt ans et elle a préféré sacrifier sa vie plutôt que de rester, un sortilège et elle disparaissait pour ne laisser place qu'à Eliane. Il y a des fois où je me sens comme un imposteur dans le corps d'une autre, de ne pas avoir le droit d'exister après tout ce que cette fille a donné... Et j'essaye de me dire que nous sommes la même personne, nous avons coexisté pendant plusieurs mois après tout, mais j'étais d'une telle instabilité émotionnelle à cette époque. Je crois que je n'arriverai à vivre ma vie pleinement que si je laisse Hermione n'appartenir qu'au passé et que je profite au maximum de tout ce que la vie m'apporte. Mais ai-je vraiment le droit de l'évincer ainsi, de l'écarter de ma conscience pour exister vraiment ? »

Le professeur avait laissé la jeune femme s'exprimer librement. Elle bafouillait, arrêtait parfois de parler pour ensuite reprendre si vite qu'il lui était difficile de saisir ses mots. Le discours semblait pourtant construit, comme si elle répétait pour la millième fois des phrases travaillées pendant longtemps.

« -Eliane, calmez-vous. J'ai eu le temps d'y réfléchir vous savez, cela fait des années que je vous côtoie. Je connais Hermione, j'ai gardé ses souvenirs pendant trois ans, je vous connais en tant qu'Eliane et je vous ai connu lorsque vous « coexistiez ». Vous savez qu'Hermione n'envisageait pas de retour, elle savait que sa présence en 1940 chamboulerait bien trop l'avenir pour qu'elle puisse rentrer un jour à son époque. Vous êtes également ainsi, cette personne prête à sacrifier sa propre existence pour les gens que vous aimez. Je vous ai vu le jour de la bataille, vous avez tout donné à Tom, quelques minutes de plus et vous donniez trop, comme Hermione l'a fait. Vous lui ressemblez mais vous êtes aussi Eliane, cette jeune femme forte, froide, qui a été contrainte de se construire très rapidement pour faire face et survivre à Tom une fois Hermione partie. Pourtant vous avez su l'aimer comme jamais elle n'avait aimé quelqu'un, alors même que vous ne vous souveniez pas d'avoir connu un sentiment si fort, parce que vous vous être retrouvée en lui et qu'il méritait d'être aimé.

Un voyage dont on ne revient pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant