Chapitre 2

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Mon père ne parle pas. Il laisse le silence s'installer encore mais je n'ose pas lui dire quoi que ce soit, me disant qu'il est préférable d'attendre qu'il commence à ouvrir le sujet. C'est à lui de m'en parler, pas à moi de le forcer.
- Je suis parti du pays imaginaire, commence-t-il après de longues minutes, avec ta mère qui t'a abandonné à la naissance et c'est d'ailleurs à cause de mon départ que j'ai grandi. Je suis désolé si je ne t'ai jamais parlé de mon passé, de ce que tu n'as jamais vécu, jamais connu même si je sais que tu comprends ma raison. C'est difficile d'en parler étant donné qu'il s'est passé beaucoup de choses et que j'ai plutôt mal vécu la fin de ce cycle par rapport à ta mère. Le pays imaginaire est un endroit absolument fabuleux. Tout est beau là-bas. Ce n'est pas comme Auradon où il y a l'île de l'oubli en face qui gâche la vue. Non, dans ce lieu, il n'y a pas de mauvais endroit. Tout est très différent. La seule chose dont tu dois savoir, c'est la beauté de cet endroit. Il n'y avait pas de limite. Pas de règle. Tu pouvais faire tout ce que tu voulais. C'était le paradis pour les enfants mais il y avait le Capitaine Crochet. Il gâche souvent tout. Il avait le don d'être là quand on s'amusait le mieux. C'est un pirate méchant. Tu dois le savoir vu qu'il est actuellement sur l'île de l'oubli. Heureusement que tu ne l'as pas connu. Tu as échappé au pire. C'est un homme cruel, il est capable de tuer un membre de son équipage juste parce qu'il aurait dit quelque chose de déplaisant. Sa simple présence suffit pour avoir peur de lui. Bien entendu, je n'ai jamais eu peur de ce capitaine, étant habitué mais tout le monde en avait peur et c'est compréhensible. Ne croise jamais son chemin. Je ne souhaite pas que tu connaisses ce que j'ai vécu. Je veux juste te protéger de tout ça.

Je le regarde sans dire le moindre mot. Je ne sais pas quoi dire en réalité. C'est la première fois qu'il me parle de son passé. Au fond de moi, j'aurais aimé plus de détails mais je me contenterai uniquement de ce qu'il vient de me dire. Ça me fait extrêmement plaisir de l'avoir entendu. C'est tellement mieux que de lire des livres sur son histoire. Cette fois-ci, ce sont des mots. Ce sont ses phrases. Ça me touche beaucoup. Je vois dans son regard à quel point ça lui a coûté d'en parler.
- Merci, souris-je en le prenant dans mes bras.


Je le serre fort contre moi. Mon père finit par me laisser. J'aurais voulu lui répondre autre chose, de poser des questions mais en le voyant ainsi, je n'ai pas pu. Je n'ai pas osé. Il a fait un effort sur-humain pour discuter de ce sujet, il m'est impossible de lui en demander plus même si je ne suis pas satisfaite. Il me manque des éléments, notamment le commencement. Comment le célèbre Capitaine Crochet a pu détester mon père au point de vouloir l'éliminer chaque jour ? Cette question me trotte dans la tête et je décide d'aller à la bibliothèque afin d'essayer de répondre à cette interrogation.
- Rien, râlé-je en fermant le dernier livre que je viens de lire.


Je viens de perdre plus de deux heures à lire les livres sur Peter Pan et le Capitaine Crochet parce que je savais absolument tout, ce qui n'est pas étonnant. J'ai dû tous les lire au moins une dizaine de fois chacun. Je pourrais moi aussi écrire un livre sur le sujet si je le voudrais. Je n'ai toujours pas de réponse à ma question. Pourtant le Capitaine Crochet voue une haine immense envers mon père ? Serait-ce à cause de son crochet ? Tout le monde sait que mon père lui a coupé la main mais il l'a fait pour se défendre parce que le Capitaine l'attaquait. C'était un accident. Il est évident que ce n'était pas voulu. Je peux donc comprendre que le pirate soit énervé contre mon père. Personne n'apprécierait de perdre sa main mais c'est lui qui a commencé. Il ne peut pas être méchant et cruel envers mon père sans raison valable. Je finis par ranger les livres à leur place, me disant que de toute façon, je ne trouverai rien d'autre. En sortant de la bibliothèque, je croise Carlos et Camarade. Ces deux-là ne se quittent jamais. Une vraie amitié entre un chien et un humain. C'est beau à voir et même si Camarade refuse de l'admettre, ça se voit qu'il est attaché à Carlos.
- Vraiment inséparables vous deux, souris-je en m'approchant d'eux.
- Salut Peython. Pourquoi tu viens de sortir de la bibliothèque ? Ne me dis pas qu'un devoir est à rendre.
- Non, rigolé-je. Ne t'inquiète pas, je faisais juste des recherches personnelles.
- Tu m'as fait peur pendant quelques secondes. Tu as trouvé ce que tu cherchais ?
- Absolument pas.
- Tu faisais des recherches sur quoi ? Je peux peut-être t'aider.
- Sur mon père, lui avoué-je.
- Ça te prend souvent de te renseigner sur ton père ?
- Je veux juste comprendre pourquoi le Capitaine Crochet déteste mon père au point de vouloir le tuer tous les jours. Comment tout ça a commencé.
- Parce qu'il lui a coupé la main, me répond Camarade.
- Camarade! S'exclame Carlos.
- Bah quoi, tout le monde le sait. Mais ne t'inquiètes pas Peython, il n'en a pas fait exprès. Il était jeune. Ça n'excuse pas tout mais il a grandi maintenant et il ne recommencera plus. Il doit regretter d'avoir fait ça. Enfin je suppose.


Je fronce les sourcils et regarde Carlos qui ouvre les yeux en grand. Je pense qu'il ne s'attendait sûrement pas à ce que Camarade réponde à sa place en disant cela. Je dois avouer que moi non plus.
- Oublie ce qu'il a dit, s'empresse de me dire Carlos. Il raconte n'importe quoi.

Il porte son chien et part rapidement. J'entends Carlos chuchoter à Camarade qu'il n'aurait jamais dû me dire ça. Forcément, je me pose des questions. Il s'est passé quelque chose sur cette histoire et cette fois-ci, je n'ai aucun doute. Carlos avait l'air d'être tellement mal à l'aise. J'ai senti que ce n'était pas que le problème de sa main. Il y a quelque chose derrière dont j'ignore et j'aimerais savoir exactement ce qu'il s'est passé. Je décide de trouver mon père. Je lui ai fait la promesse de ne plus en parler. Je n'aime pas briser mes promesses et ça me donne un énorme pincement au cœur de briser rien que d'y penser mais j'ai besoin de savoir. Ma curiosité me le fera payer un jour et je le sais très bien mais j'ai l'impression que tout le monde connaît cette histoire sauf moi. Je cherche dans tout le château, dans les moindres recoins jusqu'à le trouver enfin dans l'un des nombreux jardins. J'hésite quelques minutes avant de m'approcher. Je vais le décevoir et je le sais à l'avance. Mon père ne veut pas des promesses en l'air. Il ne supporte pas ça et je le comprends totalement parce que je suis comme lui. Je préfère n'avoir aucune promesse plutôt que d'en briser une. Pourtant, je vais faire ce que je ne souhaite pas que l'on me fasse. J'aimerais faire demi-tour mais ma petite voix intérieure me dit le contraire. C'est comme si elle savait, comme si elle connaissait l'histoire et qu'allait voir mon père était vraiment la meilleure des solutions. Je prends donc une grande inspiration et avance jusqu'à mon père qui est en train de dessiner. Ça lui arrive quelques fois de prendre un crayon, une feuille et de dessiner pour se détendre un peu.
- Bonsoir Peython, j'espère que tes devoirs sont faits, me dit-il en ne se retournant pas.
- Il va falloir que tu m'expliques comment tu fais pour savoir quand j'arrive, soupiré-je en m'installant à côté de lui sur un banc.
- Je suis ton père, je te connais par cœur. J'en conclus que tes devoirs ne sont donc pas faits.
- Si, bien sûr, menti-je.

Je n'ai pas pour habitude de mentir même si aujourd'hui, je commis beaucoup d'erreurs mais ce n'est pas réellement un mensonge. Mes devoirs ne sont pas faits parce que je n'en ai pas pour demain mais je connais parfaitement mon père et il m'aurait demandé de m'avancer, ce qui pour le moment est impossible, étant bien trop occupé avec son histoire. Je ne m'inquiète pas plus que ça pour mes devoirs. J'ai de bonnes notes. Je suis plutôt une bonne élève et j'apprends très vite. Je peux m'avancer plus tard, ce n'est pas vraiment un problème.
- Papa, dis-je timidement en n'osant même pas le regarder.


Il finit par me regarder à son tour, posant son bloc et son crayon à côté de lui. Il voit à mon expression sur le visage que la suite va être importante, que je vais forcément lui poser une question ou lui dire quelque chose qu'il ne souhaite pas entendre.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il sérieusement.
- Ne te fâche pas.
- Dis-moi ce qu'il y a.
- Je te demande pardon.
- Pardon pour quoi ? Peython, si tu as fait une bêtise, je ne t'en voudrais pas. Je suis ton père, je peux tout entendre et tout comprendre.
- Non papa. Je te demande pardon de briser ma promesse. Il faut qu'on parle de ton passé.

Du rêve à la réalité. (EN COURS DE RÉ-ÉCRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant