Le lendemain, je peine à ouvrir les yeux à cause d'une espèce de conjonctivite. Un prétexte qui tombe à pique pour filer chez le médecin et lui réclamer par la même occasion des anxiolytiques. Je suis pour ainsi dire, au bout du rouleau.
La grand-mère de Nora -Louisa- m'a hébergé, nourri et blanchie. C'est peut-être là, ma seule consolation depuis que le ciel m'est tombé sur la tête.Je m'étire doucement. Et l'unique sensation qui me tenaille dès le réveil, c'est la douleur de mes courbatures. Même mes paupières se font fragiles tant j'ai pleuré cette nuit.
Après avoir couché dans le sofa, d'un sommeil très léger, je gagne la cuisine, où je retrouve mes bienfaitrices.
Elles sont toutes les deux assises autour d'une table rustique, où trône un petit festin de déjeuner, à m'en faire saliver.
Louisa m'intime de me joindre à elles, et je m'exécute avec bonhomie, non sans jeter un furtif coup d'œil au travers des rideaux, pour inspecter mon appart.
RAS.-Plutôt thé ou café ? me demande Louisa.
-Café, merci, je répond en croquant dans une tartine de confiture.
Elle se lève et part faire bouillir de l'eau.
D'un mouvement circulaire, je scrute des yeux la pièce. La cuisine n'est pas grande, juste de quoi contenir un frigo bariolé de vignettes, deux placards remplis de vaisselles, et un évier qui goutte sans arrêt. Les murs jaunes sont défraîchis. Il n'y a pas le moindre cadre ou effet personnel. Pas l'ombre d'une harmonie familiale.Louisa revient avec ma tasse et me pose une main sur l'épaule, qu'elle presse avec pardon.
-Je tenais à m'excuser auprès de vous, dit-elle d'une voix ténue.
-Pourquoi donc ? je m'étonne en la dévisageant avec crédulité.
-J'ai manqué de politesse la première fois où nous nous sommes vues. Je me suis imaginée que vous en aviez après ma gamine. Le trafic d'enfants, c'est d'actualité ici.
-Ne vous excusez pas, c'est justifié.
A sa place, ma grand-mère aussi aurait pu déplacer des montagnes pour ne pas m'envoyer au casse-pipe. Quoi de plus normal, alors, que de se mettre en rogne pour protéger ses rejetons.
Je descends quasi d'une traite mon p'tit-déjeuner et ma boisson fumante. Pendant ce temps, Nora reste aphone, toute absorbée par sa lecture.
-Ou puis-je trouver un médecin dans le quartier ? je renchéris.
-A l'angle du carrefour. Son cabinet est implanté dans un studio, au troisième étage. Je vous y accompagnerai, si le vous voulez.
J 'opine. Puis me frotte les yeux pour y dégager les minis croûtes qui se sont incrustées entre mes cils, et qui me troublent la vision.
Plus tard, j'aide Louisa à débarrasser la table et essuyer la vaisselle. On s'affaire en silence.
-Ça ira comme ça, dit-elle en m'obligeant à lâcher mon torchon. On a encore du pain sur la planche. Allons-y.
Malléable, je m'exécute. Toutefois, avant de partir au docteur, Louisa donne ses dernières recommandations à Nora, qui s'apprête à passer la prochaine demie-heure, seule à son domicile. Pourtant la petite n'a pas l'air plus soucieuse que ça. Probablement une routine comme une autre. Et je suis certaine que les temps durs l'ont poussé à adopter des astuces pour se prémunir face à l'imprévu.
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TROIS GANGS POUR UN COEUR A PRENDRE
AdventureA 20 ans, Capucine est une jeune femme atypique, un peu cleptomane sur les bords, qui ne manque pas de ressources. Extrêmement déterminée sur le plan professionnel, elle n'hésite pas à s'envoler pour les Favelas, afin de recueillir un maximum d'info...