〰Hooligan〰

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Je m'installe face à Donnie,  qui dissimule son visage derrière la carte des menus, visiblement contrariée.
Super ambiance. J'me torche de rire. Pffff.

L'endroit est minuscule et quasiment désert, si ce n'est quelques autres pèquenots attablés et occupés à faire la papote, attendant qu'on leur desserve le repas. Le serveur à lui aussi l'air ennuyé, à force d'allées et retours en cuisine. Plus tard, il s'attaque à nettoyer une tripotée de verres, isolé derrière son comptoir, impatient à la perceptive que la clientèle arrive. J'ignore si être gérant d'un magasin à proximité des Favelas offre une recette très fluctuante à la fin du mois...Peut-être même qu'en ce jour, ils vont mettre la clé sous la porte, si ça trouve.

-T'as choisi ? me demande sèchement Donnie.

Son attitude suffisante et son comportement surfait commence à me taper sur le système. Je me demande encore ce qui me retient de ne pas le lui balancer à la figure. J'aimerai qu'elle fasse l'effort de se montrer moins désobligeante, ça me délesterait grandement d'un poids. Mais non, j'encaisse, c'est plus facile. Je redoute une réaction disproportionnée de sa part. Alors j'évite au mieux de me frotter à elle. Peut-être que trop malmenée ces derniers jours, elle est à fleur de peau. Chais pas. Je connais absolument rien de ses activités professionnelles ou hors-temps de travail. Faut dire qu'elle n'est pas ouverte au copinage.

Après notre mini altercation, j'ai l'impression de ne plus pouvoir lui causer librement. Ca m'embête, notamment puisqu'elle est mon seul pilier dans cette ville. Hormis elle, je n'ai aucune connaissance dans le coin. Même si fraîchement débarquée, il est normal que je n'ai  d'affinité avec personne. Mais j'ai quand même bien capté que les habitants ne sont pas très bavards avec les "gringos", comme ils aiment à nommer les étrangers.

-Pas encore, je réponds laconiquement.

Malgré tout, elle appelle le serveur et passe commande, sans davantage me consulter. Je referme la carte d'un mouvement brusque et la repose sans ménagement dans mon assiette, afin de souligner mon irritation. J'aimerai la culpabiliser, ne serait-ce qu'un peu. Mais des excuses, à mon avis, je peux me les carrer où pense ! Brrrr.

Apres m'être morfondue durant un interminable quart d'heure, le serveur nous livre nos repas.

-Il est tant que tu goûtes à un plat typique de chez nous. T'es venue pour ça que je sache.

Je tique mais ne bronche pas.

-Fait gaffe, c'est épicé, ajoute-t-elle en saisissant sa fourchette.

Tout à coup, quelque chose me perturbe. Dans la salle, il ne diffuse plus de musique. Ca me chiffonne parce que jusqu'à maintenant, une animation bourdonnait à mes oreilles. Les discussions. Et là, plus rien. Nada.
D'un geste circulaire, je survole la pièce des yeux, et constate avec surprise que tout le monde s'est volatilisé.
Je suis prise d'un mauvais pressentiment. C'est bizarre, sûrement parce que c'est trop silencieux.
Donnie ne semble pas relever mon trouble et termine son verre d'une traite.
Je pianote des doigts sur la table, un brin nerveuse.

Soudainement, la porte s'ouvre dans un fracas qui nous fait sursauter.

-Du calme mon vieux, c'est qu'un braquage ! lance une voix rauque, bourrue et à la fois sarcastique. Le fric, c'est tout c'que j'demande.

Je me ratatine sur ma chaise, complément terrifiée. L'homme est à visage découvert, plutôt détaché du remue ménage qu'il provoque. Un habitué, ça se voit. Il est vêtu tout de noir et exhibe son flingue, laissant volontairement planer la menace évidente, que si le serveur ne s'exécute pas dans les prochaines secondes, il passe à la trappe.

TROIS GANGS POUR UN COEUR A PRENDREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant