TROIS GANGS POUR UN COEUR A PRENDRE

〰️Aux mains de l'ennemi〰️

Je me retrouve là, au beau milieu de nulle part, chevilles et poings liés.
Après m'avoir déposé, Arther grimpe dans l'auto alors que je me démène pour le retenir. Je m'agrippe bon gré mal gré à l'espoir que les remords aient raison de lui.

-Oublie-moi, dit-il en abaissant sa vitre, mais sans un regard pour moi.

Les larmes roulent sur mes joues sans que je ne puisse réfrèner leur flot. Lui que j'ai désiré une heure avant tout ce cirque, c'est terminé, il ne me reste qu'une haine vivace, qui me consume le coeur.
Tandis que la voiture disparait dans un nuage de poussière, je l'injure de tous les noms. Qu'il aille au diable ! Je lui souhaite bien qu'il fasse une embardée en rentrant, juste histoire qu'on raye son nom des registres, tiens !

Sans perdre une minute, je m'agenouille et me casse les ongles à défaire mes liens. Lorsque je me relève, je constate avec horreur que mon chemisier est ouvert sur mon sous-vêtement, et que j'ai des traces de suie sur le corps. J'essaie de ne pas paniquer, me remémorant que j'ai toujours mon traceur, et que les autorités devraient prochainement venir à ma rescousse. Ce n'est là qu'une question de temps. Pas vrai ?

Tout autour de moi, se dresse un nouveau décor. Je sais que nous n'avons pas assez roulé pour être sortis de la ville. Cela veut donc dire qu'Arther m'a livré à la concurrence. Pourquoi ? Pourquoi ne pas m'avoir tué, plutôt que de me laisser en plan ici ? J'aime à penser qu'il n'en a pas eu la force. Sauf qu'Arther n'est pas compatissant, il ne prend pas les gens en pitié. Non, je crois surtout que, puisqu'il m'a abandonné dans cette zone, c'est qu'il ne doute pas que je paie le prix de ma trahison. Il est cruel et revenchard. J'ai vraiment à craindre pour ma vie.

Je n'ai pas plus envie de me faire remarquer, si bien que je cherche une cachette des yeux, pour pouvoir y réfléchir à comment rentrer chez moi en un seul morceau.
Toutefois, la question ne se pose plus lorsque je constate qu'un groupe de bikers m'observent de loin, derrière un grillage.
Il est clair que je ne rentrais pas.

Quelque chose me dit qu'ils me reluquent depuis un bon petit moment déjà. Ils ont forcément dû assister à la scène avec Arther, ce qui ne tardera pas à susciter des interrogations. D'ailleurs, voyant que je les dévisage, ils démarrent leurs bolides et se dirigent droit vers moi, probablement pour que je leur rende des comptes. A cet instants, je sais qu'il me faudrait bouger, mais je suis comme engluée dans le sol. J'ai cette sensation de lourdeur extrême, qui me ramoli les muscles et m'empêche de me mouvoir correctement. Ainsi, ça laisse amplement le temps aux motards de former un cercle pour leur éviter que je ne m'échappe.

Un sentiment indescriptible me remonte dans la gorge. C'est maintenant ou jamais pour que les férédaux n'interviennent ! Mais je n'entends rien. Pas le moindre bourdonnement d'hélicopère.
Je suis seule et vulnérable. Et je n'ai jamais eu autant conscience de ces deux états d'âmes.
Je me demande alors si je vais mourir. Le moment est-il venu ? Est-ce que ça va faire mal ? La manière dont ils s'amuseront avec toi, probablement que oui.
Je ravale un sanglot amer.
Putain de putain de putain. C'était écrit. Ma grand-mère même m'avait mise en garde ! Et comme bien souvent, je vais me crasher. A cet instant fatidique de ma vie, je regarde en arrière et je ne vois rien de glorieux. Qu'ai-je réussi jusqu'à aujourd'hui ? De quoi puis-je être fière ?
Au pied du mur, je ne sais toujours pas qui je suis. Une orpheline et quoi de plus ?
Finalement, je l'aurais bien mérité d'être entourée par tous ces chiens de la casse. J'ai déjà tout perdu: ma famille, mes amies, ma virginité, mon estime... Il n'y a donc rien qu'ils puissent me prendre.

-Tu t'es paumée, chérie ?

Je ne relève pas les commentaires désobligeants qui fusent à mon égard, pas plus que les insultes qui soutendent que je suis la putain d'Arther, et qu'il se serait débarrassé de moi, pour la simple raison que je le baisais mal.