〰️Chambre 49〰️

931 55 15
                                    

PDV Capucine

Rien ne m'a jamais paru plus dur que de me tenir debout.

Je n'ai plus de larmes, juste des yeux que je suppose ternes et qui n'apitoyent personne. J'ai croupi pendant des heures dans une cave lugubre, avec pour seule compagnie un homme à moitié mort, et maintenant ils me transfèrent dans un bordel, où j'apprendrai à me donner.

Quand mon bourreau est revenu de sa pause déjeuner et qu'il a vu qu'une des deux chaises était vide, il a passé ses nerfs sur moi. J'en ai pris plein la gueule, jusqu'à perdre par deux fois connaissance. Au bout du compte, il s'est quand même pris une ristourne pour m'avoir salement amoché. Parce qu'il faut voir l'état dans lequel il m'a mise..."Après ça, a dit une voix, si un client veut encore la baiser, c'est qu'il a de la merde dans les yeux".

Je n'ai pas pleuré. Je crois que je n'ai même pas réagi, en fait. Je dois encore être sous le choc, sinon comment expliquer mon absence total d'émotions ? Qu'importe ce qu'on puisse faire de moi à cet instant, j'ai l'impression que plus rien ne peut m'atteindre. Tout m'est inaccessible, plus rien n'est à ma portée. Je ne sais pas si je nie ou si tout ce qui vivait en moi s'est envolé, mais par exemple, je n'éprouve aucun soulagement à ce que les coups aient cessé, pas plus que je ne ressens de haine pour Arther. On pourrait tout aussi bien me déposséder corps et âme, j'ai l'impression de m'en foutre, d'être anesthésiée. C'est très bizarre de se sentir à ce point si étranger à soi-même.
Plusieurs fois, dans le passé, je me suis vue mourir avec mes parents dans ce crash d'avion. Je nous imaginais nous enlacer très fort tous les trois, à nous répéter combien on s'aimait, au milieu des cris et de l'agitation. Je me voyais terrifiée à l'idée de mourir, et angoissée aussi par la perceptive que mes parents ne puissent pas réaliser à quel point je tenais à eux.
Dans beaucoup de circonstances, j'ai pensé la mort avec un sentiment de peur. Comment ça sera pour moi ? Lent ? Douloureux ?

Et aujourd'hui, rien ne m'est plus égal que de connaitre mon sort. J'ai beau être de celles qu'on a regroupé en rang dans la cours arrière de l'entrepôt, je sais que j'ai touché le fond quand les pleurs des filles qui m'accompagnent ne font que riper sur ma peau, à n'en pas même m'en procurer de frissons. Nous sommes une petite dizaine, alignées devant une fourgonette, sous un soleil de plomb, poignets et chevilles menottés. Vêtue d'une salopette verte kaki qu'ils m'ont refilé, j'ai l'impression d'être une meurtrière qu'on s'apprête à conduire au tribunal, alors que le seul motif pour lequel on me condame, c'est sans doute que je possède un vagin. J'ai toujours été fière d'être une femme plutôt qu'un homme. Sauf qu'aujourd'hui, j'aimerai pouvoir inverser les rôles. Être un, plutôt qu'une.
Mais passons. Ma principale préoccupation pour le moment, c'est d'être capable de lever la jambe assez haut pour pouvoir grimper dans la camionette, chose que les courbatures ne me rendent pas la tâche simple.

C'est alors que je les entends. Des explosions déflagrantes, suivi d'échanges de tirs. Nos bourreaux s'agitent soudain et nous font assoir en trombe dans le fourgon, les unes entassées sur les autres. Certains hommes partent riposter alors qu'on ordonne de nous faire évacuer. Le chauffard fait rugir le moteur dans un nuage de poussière et s'élance tout debout en direction d'un portail, qu'on va, partis comme on est, défoncer. Le choc est brutal. Tout le monde se percute de plein fouet, mais je suis de nouveau vite sur pied, à me frayer un chemin jusqu'aux minces barreaux. De là, je comprends que le fourgon n'a d'autre choix, pour rejoindre la piste, que de passer dans le champs de bataille.
Contre qui les Bloodbrother ont-ils affaire ? Qui a osé venir les défier sur leur territoire, avec l'espoir de mettre leur cité à feu et à sang ?

TROIS GANGS POUR UN COEUR A PRENDREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant