Prologue

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Arther Júarez, était capable de tout.

Absolument tout.

C'était la condition requise pour se maintenir au sommet de la hiérarchie criminelle : savoir montrer à la concurrence qu'on avait depuis longtemps fait une croix sur sa conscience.
                                       "Ils vivent la nuit"
Dennis Lehane.
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Recluse dans ma chambre, le popotin établi sur une chaise roulante, les coudes posés sur le bois brut de mon bureau et le menton appuyé sur ma paume de main, j'incline la tête, songeuse. Je rêvasse du périple qui m'attend. Puis, je m'empare du billet d'avion laissé négligemment sous l'éclairage de la lampe de chevet et l'observe minutieusement.
Un allé simple pour le Mexique. J'inspire profondément. Je compte en tout et pour tout y séjourner cinq mois, et espère ne pas être expulsée avant d'avoir rédigé un article convenable. Il y a de forts risques pour que cela arrive, étant donné que les favelas sont constamment en temps de guerre. Peut-être que les autorités me refuseront même de pénétrer sur le territoire...Mais je dois essayer. Cet objectif me tient à cœur. Je n'ai pas toujours été destiné au journalisme. Non. D'antan, lors de ma majorité, j'ai suivi des études de médecine à Yale. J'ai financé cette école avec l'héritage de mes parents, décédés il y a 7 ans, dans le crash d'un Boeing 747, détourné par un groupe de terroristes.
L'année de mes 19 ans, j'ai décidé d'aller sur le terrain, découvrir par moi-même la misère et les conditions d'hygiène de certains pays, notamment à Madagascar. J'en ai parcouru du chemin et avalé des kilomètres en 2 ans. Déjà à cette époque, j'écrivais secrètement des textes et contais des anecdotes sur la vie des habitants. C'est de là qu'est né, ou du moins s'est affirmé cette passion de retranscription d'une infime parcelle de la réalité. Aujourd'hui je veux dénoncer ce qui me choque, pointer du doigt ce qui dérange et informer la population, sans tabou, de ce qui gravite autour d'elle, en exploitant l'existence de toutes les données possible afin de faire évoluer mon œuvre.
Les favelas m'ont inspiré tant de révolte, que j'ai décidé d'aborder ce thème avec conviction. Il y a quelques semaines, j'ai visionné plusieurs documentaires sur le sujet, et était déçue de constater que tous n'étaient que superficiels. J'ai essayé de glaner quelques informations d'actualité sur le quotidien, mais c'est à peine s'ils y réservent une interligne, égarée entre la rubrique nécrologique et les exploits sportifs. Pourtant, hier encore, j'ai trouvé sur le Net un fait divers ahurissant : une quinzaine de civils innocents seraient tombés sous les balles d'une fusillade.
Et personne n'estime nécessaire de rendre hommage à la mémoire de ces citadins, victimes du chaos et de la démesure humaine. C'est inacceptable !

Je relis mes notes afin de m'imprégner du contexte historique. En effet, je me suis confectionnée un carnet où y réside toutes les apostilles de l'enquête.
Il me faut être organisée, soigneuse et pointue sur les annotations, afin de me démarquer de mes camarades. L'école que j'aimerai intégrer est d'une exigence bornante. Elle vise l'excellence et recrute les talents après une inspection vétilleuse du dossier.
J'accumule les bagages expérimentales, ce qui est fortement valorisés lors d'un entretient.
Les places sont chères dans le milieu du journalisme. C'est pour cette raison que j'ai pris l'initiative de dévoiler mes compétences en éditant un article sur les Favelas. Par conséquent, mon projet doit être soumis à un jury, qui sera de surcroît conquis par mon audace et ma détermination.
Et parmi tous les étudiants mondains, je pense être la seule à m'empêtrer dans une telle aventure.

Je soupire, me frotte lascivement les yeux, me lève et rejoins mon lit. Pour la millième fois, je vérifie le contenu de ma valise. Je m'assure de ne manquer de rien et la referme tant bien que mal. C'est ainsi dire qu'elle est pleine à craquer.
Pour chasser l'anxiété qui tend mes muscles, j'ouvre les fenêtres et hume l'air frais en contemplant le ciel constellé d'étoiles. Un long moment durant, je scrute la lune et ses vallonnements. J'essaye de faire le vide, mais mes pensées convergent irrémédiablement vers mon expédition.
C'est une opportunité en or pour prouver ce que je vaux. Et je compte bien cartonner.

Après avoir troqué mon jogging contre un pyjama en coton, je me glisse sous les couvertures. Je règle mon réveil pour l'aube et reste un bon quart d'heure immobile à écouter le chant des grillons. Puis, lentement, je somnole et fini par atterrir dans les limbes du sommeil.
Abysses où, mes rêves se transforment progressivement en cauchemars.

*
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Alors ? On valide ou pas ? 😆

TROIS GANGS POUR UN COEUR A PRENDREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant