〰Décollage express〰

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"Le danger dissout tous les liens"

Bip.Bip.Bip.
Je gigote entre les pans de draps et donne un violent coup à ce satané réveil. Il se tait instantanément. Je m'étire et fixe le plafond une éternité de secondes.
C'est le jour J.
Je bondis hors du lit, non sans peine, et rejoins avec empressement ma salle de bain. Je me douche, me savonne et m'épile convenablement, le tout en chantonnant le refrain de Mani Marley, Protoje Rasta Love.
Je revêts en hâte un short noir, accompagné d'un top kaki et de ma ribambelle de bracelets, pour un esprit wild. Puis, je m'attarde à désinfecter mon écarteur et à dompter mes dreads.
Je rajoute une touche de massacra pour souligner l'azur de mes iris. Enfin apprêtée, je descends la volée de marches qui mènent à la cuisine. Je goûte à la joie de trouver ma grand-mère assise au bar, sirotant un jus d'orange. Elle sursaute à mon approche.

-Encore cinq minutes et je venais gratter à ta porte, dit-elle en tartinant une brioche de Nutella.

Je l'embrasse sur la joue et m'installe sur l'une des chaises à disposition.

-Ça fait longtemps que tu es réveillée ? j'interroge.

-Je n'compte plus ! rétorque-t-elle avec lassitude. La vieillesse ça te fait lever d'bonne heure.

On se regarde dans le blanc des yeux, puis j'englouti un verre de lait et déguste quelques Oreo. Je feinte de ne pas relever son attitude maternant et son caractère taciturne.

-Dans combien de temps décolle ton avion ? questionne-t-elle pour faire abstraction de ma désinvolture.

-Une poignée d'heures. (Je consulte ma montre.) Mais il ne faut pas que je tarde, du temps que le taxi m'emmène, que j'enregistre mes bagages...

-Tu as bien tout ce qu'il te faut ?

-Oui, ne te tracasse pas. Au besoin, j'achèterai sur place.

Je dévore un morceau de crêpe puis débarrasse ma tablée. Je remonte à l'étage pour emporter mes valises, n'oubliant pas d'avaler deux cachets d'euphytose afin de réduire le stress qui me tord les tripes. Parvenue jusqu'au seuil, je dépose mon attirail sous le porche et enlace tendrement ma grand-mère.

-Tu n'as pas à t'inquiéter, lui dis-je, tout ira bien.

Son regard voilé de larmes me serre le cœur.

-Comment peux-tu en être aussi certaine ? C'est tout de même un monde que de mettre sa vie en péril ! Je n'arrive pas à te comprendre, Capucine. Tu es si jeune. Tu devrais avoir d'autres loisirs que de t'exiler au Mexique ! Ce n'est pas ce qui manque des comptes-rendus de leur situation ! s'esclaffe-t-elle, consumée par le chagrin.

-Mamie, nous en avons déjà parlé maintes fois, je soupire, exaspérée. Évitons de réitérer une énième dispute.

-Et que diraient tes parents s'ils savaient que tu t'exposais imprudemment à un danger ? persiste-elle.

-Mais ils ne sont plus là ! je m'emporte. Personne n'a plus à me dire quoi faire !

-Non, jeune fille. C'est une mauvaise réponse. Ils t'auraient souhaité ce qu'il y a de meilleur. Et tu t'engouffres dans le pire !

Je fais la sourde d'oreille et tente d'apaiser les tensions:

-Je pars bientôt, alors profitons des derniers instants ensemble au lieu de nous prendre la tête...

-Au lieu de nous prendre la tête ? s'indigne-t-elle. Excuse-moi mais j'estime devoir à te remettre en place. Tu planes à quinze mille, ma vieille.

TROIS GANGS POUR UN COEUR A PRENDREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant