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Tu sais
Je savais que tu me cachais quelque chose
~

-Ça te dirait qu'on apprenne à se connaitre ?

Mes sourcils se froncent. Ai-je bien entendu ?

Rapidement un rictus se place sur mes lèvres.

-Ah, là t'es allé voir la mauvaise personne.

-Pourquoi ça ?

C'est drôle, je n'entends aucun soupçon d'ironie dans sa voix, c'est sans doute ce qui me pousse à lui répondre.

-Parce que je n'ai aucune envie d'apprendre à te connaitre. (Cette fois c'est à ses sourcils de se froncer), et si tu comptes sur moi pour t'intégrer, tu as encore choisi la mauvaise personne, on te voit à mes côtés et ta réputation est fichu pour le restant de l'année scolaire.

Il semble alors me regarder pour la première fois, me scrutant des pieds à la tête, tentant sans doute d'évaluer la raison de pourquoi je lui ruinerais sa réputation.

-Pourquoi ça ? demande-t-il comme s'il ne le savait réellement pas et je réponds du tac au tac.

-Je suis boursière.

Il fronce les sourcils puis après quelques secondes il semble comprendre en quoi cela est un problème.

J'aurais aimé lui demander qu'est-ce qu'il fait encore là mais il me coupe dans mon élan :

-Mais je veux quand même qu'on apprenne à se connaitre, devenons amies.



Le Jeudi, j'ai cours de français de 15 à 16. Habituellement c'est une heure comme les autres à laquelle je n'apporte pas beaucoup d'attention, mais là c'est, comment dire... différent.

Il ne faut pas croire que je ressente de l'appréhension ou encore de l'excitation à l'idée de le revoir, disons qu'il représente un imprévu et que cela le rends un minimum digne d'intérêt.

Alors quand il franchit le pas de la porte et qu'il se dirige droit vers moi, je fais comme si je ne l'avais pas remarqué. Par reflex.

-Bonjour me murmure-t-il après s'être assis à sa chaise, et bien sûr je ne prends pas la peine de lui répondre, faignant d'être absorbé par mon roman.

-J'ai bien réfléchis à ce que tu m'as dit hier, commence-t-il naturellement comme si je ne venais pas de l'ignorer. Je veux avoir des amis, mais je veux aussi être ton ami, est-ce que c'est possible ?

Je ne scie pas et il continu à parler tout seul.

-C'est bien ce que je pensais. Je vais quand même essayer, si ça se trouve personne ne remarquera que je suis ton ami, et si ça se trouve tu te donnes trop d'importance et tu n'as finalement pas le pouvoir de me priver de vie sociale.

Il vient de me taquiner là non?
Cette ébauche de « complicité » me fait relever d'un centimètre la tête et il prend ça comme un signe d'accord alors qu'il vient juste de me troubler.

-Alors, nous sommes amies ! dit-il avec un air enjoué et je ne réagis toujours pas.




Le lendemain, nous n'avions pas français, alors je ne l'ai pas vue, mais je l'ai vu le mardi le mercredi et le jeudi suivant. Ceux des autres semaines aussi, comme ceux des mois suivants, et rapidement je me suis habituée à cette présence enjouée qui me parlait à chaque heure de Français sans jamais s'arrêter.

J'ai appris qu'il s'appelait Thomas, qu'il avait 18 ans et qu'il était poisson.

J'ai appris qu'il n'avait pas de couleur préféré car il trouvait ce principe stupide mais qu'il adorait les Tagliatelle au saumon.

J'ai appris qu'il était née à Manchester mais qu'il avait déménagé chez sa grand-mère qui habite ici car ses parents sont trop occupées avec leur travail.

Le temps de quatre mois, il m'a raconté tout ce qu'il pouvait me raconter sur lui.
Il s'est fait des amis, il a appris à quel point les autres me détestaient mais jamais il n'a arrêté de me parler, et au jour d'aujourd'hui je n'ai toujours pas compris pourquoi. Et bizarrement j'ai terminé par me sentir à l'aise en sa présence. J'ai même ris, à deux reprises.

Aujourd'hui, nous sommes en juin. La grisaille a finalement cédé sa place au soleil et l'été commence petit à petit à réchauffer la température.

Je viens de terminer ma dernière épreuve de bac et je me dirige vers la sortie de l'établissement sans réellement me rendre compte que je le fais pour la dernière fois.

Tout autour de moi la foule est en ébullition, l'année scolaire est terminée, le lycée avec, et un air de joies plane dans l'air, marquant le début des vacances d'été.
Les dernières avant l'université.

Je regarde cette foule sur le parking comme si c'était la première fois. Tous ces visages inconnus avec qui j'ai passé trois ans de ma vie mais sur lesquels je ne pourrais mettre de nom, c'est la dernière fois que je les vois, et je ressens un frisson me parcourir l'échine.

C'est terminé, je vais réellement partir d'ici, je vais réellement me barrer.

Je n'y crois pas, je suis folle de joie.

J'inspire, ouvrant mes poumons au maximum et me jette dans l'allée pour rejoindre l'arrêt de bus pour effectuer le trajet que je connaît précieux pour la dernière fois. Et avant même que j'ai quitté le parking remplie de lycéen, je sens une présence derrière moi.

-Tu souris, j'espère que c'est parce que tu penses à moi.

Cette même voix chaude, cette même odeur, le seul visage sur lequel je peux mettre un nom.

Je me retourne et je vois Thomas me fixer avec un air mutin. Je n'avais même pas remarqué que je souriais. Je réponds du tac au tac :

-Essayerais-tu de flirter avec moi ? Si c'est le cas arrête ça, t'es trop moche pour moi.

Je me rends compte que ces paroles ont dépassées la barrière de ma bouche seulement après les avoir dites. Et je profite de son éclat de rire pour me remettre de mon trouble.

Dieu, qu'est-ce que je suis gênante.

Je fais un pas en arrière et je m'apprête à prendre la parole, à lui dire adieu, mais il me coupe dans mon élan.

-Ces quatre derniers mois furent très agréables en votre compagnie chère madame, je suis heureux d'avoir fait votre connaissance, il me prends ma main, se courbe et y dépose un baiser chaste. Il remonte lentement son regard plein de malice pour le planter dans le mien et me susurre, Au plaisir.

Puis il disparait, aussi vite qu'il était apparu dans ma vie, et à l'idée que c'était la dernière fois que je le voyais, mon cœur se serre.

(1)déterminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant