Mais je me voilais la face
~J'arrive au poste de police, et aucune lumière n'est allumée. Je me jette contre la porte, m'acharne contre la poignée, mais elle ne veut pas s'ouvrir, elle refuse de s'ouvrir.
Je n'ai jamais été aussi vulnérable, je cris, je martèle de mes points le verre de la porte, incapable d'accepter que le commissariat soit clôt à 17 heure un soir de semaine.
Pourquoi c'est fermé ? Ce n'est jamais fermée dans les films. Dans les films, quand la jeune fille en détresse arrive au commissariat, elle rentre en trombe et fait une scène où elle livre sa vie tragique, et c'est... tragique. Alors qu'ici, je suis coincée, je n'ai même pas le droit à ma scène tragique, je suis juste pathétique et coincée.
Pathétique et coincée.
Dans les films la fille en détresse, après avoir fait une crise de nerfs, se voit aidé par des braves policiers et tout rentre dans l'ordre pour terminer sur un happy ending. Pourquoi personne ne vient me sauver ? Pourquoi je n'aurai pas le droit à ma fin joyeuse ?
Je ne me suis jamais sentie aussi désespérée. Je tape, cogne contre la porte jusqu'à l'épuisement, et sans vraiment m'en rendre compte je me vide de mes forces jusqu'à me retrouver allongée sur les escaliers devant l'entrée.
Je suis bien sur ses marches, si bien que je ne pense pas un instant à retourner chez moi pour retrouver cette femme envers qui j'éprouve tant de haine. Cette femme qui n'a pas daigné me dire en sept ans que mon père n'avait plus donné de signe de vie depuis longtemps. Cette sorcière qui n'a pas pensé que j'aurai apprécié savoir qu'il avait disparu.
Je préfère rester ici, face à tout et face à rien, je préfère me vider l'esprit et oublier que ce pour quoi j'ai enduré toutes ces années passées ici a été réduit en cendre sans même que je m'en rende compte il y a sept ans.
Le soleil me brule les yeux, et je reste longtemps sur ses marches à fixer un point imaginaire, les larmes se tarissant peu à peu, et je me rend petit à petit à l'évidence que personne ne viendra me sauver, que je suis seule et que ça le restera. Et surtout, surtout, que je suis pathétique.
Personne
Ne
Viendra
Me
Sauver.
Je ne suis pas une héroïne de film.
Je suis réveillée par un ronronnement de moto et lorsque j'ouvre les yeux, une veste est posée sur mes genoux.
Je reprends peu à peu conscience de l'espace autour de moi et de pourquoi je me trouve ici lorsque je remarque une présence à mes côtés.
Je relève la tête et j'ai du mal à croire ce que je pense voir.
-T'en veux une ?
Thomas me tends une cigarette d'un air désabusé, j'ai du mal à voir ses yeux à travers la pénombre qui nous enserre. La nuit vient de tomber et il fait plus frais que lorsque je me suis assoupie.
Je fais non de la tête d'un mouvement presque imperceptible et je le regarde, lui ou la vision de lui qui se trouve devant moi.
Je l'observe porter la cigarette à ses lèvres, l'allumer et expirer un filé de fumée. J'aime cette odeur.
Il fume sans dire un mot et je ne le quitte à aucun moment des yeux. Au bout de quelques minutes ceux-ci se font à l'obscurité et je décèle plus nettement ses traits, maintenant je suis presque sûre qu'il n'est pas une vision de mon inconscient. C'est lui, et je ne sais pas ce que le savoir me procure.
-Que fais-tu ici ? je demande.
-Je pourrais te retourner la même question.
Il lance ça sans réellement réfléchir, ou peut-être que si, peut-être qu'il a réfléchit à cet réplique pendant longtemps, peut-être qu'il n'attendait que l'occasion de la sortir. Je ne sais pas, je ne sais même pas si tout ça a un sens, tout ce dont je suis sûre c'est que je n'arrive pas à le cerner.
-Ça n'a rien à voir, je pensais ne jamais te revoir, lui dis-je d'une voix plus faible que je le voudrais.
Il ne me réponds pas, et pendant un instant je crois qu'il ne m'a pas entendue.
Il m'a prise au dépourvue en apparaissant d'un coup comme ça dans un moment de vulnérabilité extrême, et sur le moment je n'ai aucune idée de comment agir. Je suis en divagation en terrain inconnu.
-Je passais en moto quand je t'ai aperçu... commence-t-il d'une voix vague, le regard perdu dans le néant qui nous entoure, je ne pouvais pas juste te laisser dormir sur des marches crasseuses en pleine ville, c'est dangereux.
Je ne réagis pas, je n'ai juste rien à dire, pour la première fois avec lui, je ne contrôle pas la situation.
Il reprends :
-En parlant de ça, qu'est-ce que tu fous à dormir devant le commissariat ? C'est totalement inconscient.
Il me sermonne, et sur le coup ça m'énerve. Je part au quart de tour.
-Ferme ta gueule.
Je ne m'énerve pas facilement en temps normal, mais là je ne suis pas en temps normal.
Mon esprit est tellement embrouillé que j'ai du mal à discerner mes pensées. Je suis en état de choc, et la seule chose que je sais c'est que je veux partir d'ici, et vite.Il me regarde avec des yeux ronds et je me lève, la veste sur mes genoux (qui devait être la sienne) glisse sur le sol.
Je n'avais pas prévue de le revoir, je n'avais pas prévue de dormir sur les marches du commissariat, je n'avais pas prévue que ma mère puisse me cacher pendant sept ans la disparition de mon père, je n'avais pas prévu tout ça.
-Oh, mais madame Harkness, c'est la première fois que je vous entends user de tels mots. Tente-t-il de blaguer, mais au lieu de rire, je m'éloigne à grand pas.
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(1)déterminé
RomantizmC'est drôle comme des fois le destin te regarde dans les yeux et se fout de toi. J'aurai du le sentir arriver. J'aurai du m'y attendre. Mais j'ai rien vus venir. J'étais trop naïve et innocente pour penser qu'une personne en qui j'avais confianc...