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Je pense que
dans le fond
l'amitié c'est surfait
~

Je n'ai jamais eu d'amis.

J'ai toujours pensé que les relations humaines étaient vouées à l'échec, car tous ce que les humains entreprennent finis tôt ou tard par être anéantie.

Car c'est tout ce que les humains savent faire : anéantir.

J'ai regardé les gens évoluer autour de moi tout au long de ma vie. J'ai eu de nombreuses fois l'occasion d'assister à ce type d'événement. Et je sais maintenant que tout finis de la même manière.
Un simple et vide anéantissement.

Alors je n'ai pas d'amis.

Personne n'a jamais fait attention à moi.
J'ai toujours créé une certaine antipathie dans le cœur des gens.
Je suis la personne qu'il ne faut pas approcher, celle à qui il ne faut pas adresser la parole, sous peine d'être traité comme un marginal. Alors rapidement, les personnes autour de moi se sont mis à m'ignorer.

Je ne m'en plains pas, ainsi j'ai pu assister avec un regard objectif à la comédie sans fin heureuse que ces personnes me traitant comme un déchet de la société, une sous-race,  jouent quotidiennement. J'ai pu découvrir que chaque personne, qu'elles soient bonnes ou mauvaises finissait obligatoirement à tout foutre en l'air.

Les amitiés les plus fortes sont gâchées, les amours les plus sincères sont bafoués, même mes propres parents ont finis par anéantir tout ce qu'ils avaient construit ensemble, s'anéantissent eux-mêmes dans le même temps.

Alors, je ne me plains pas. Si être traitée comme la marginale me permet de préserver mon bien-être psychologique, je ne me plains pas.

Les humains savent très bien s'entre tuer tout seul, ils n'ont pas besoin de moi.

Le bus roule monotonement tandis que des gouttes de pluies martèlent les vitres. Un brouhaha ambiant règne dans le petit espace clos et en ce moment même, j'ai l'impression que nous allons tout droit en enfer.
Et vus de plus près, la vérité n'en est pas très loin puisque nous allons au lycée.

L'année scolaire est sensée être terminée dans quatre mois. Nous sommes à la rentrée d'avril et le printemps est la semaine prochaine pourtant je ne sens arriver aucune prémices de cette saison qui est sensé réchauffer un tant soit peu l'atmosphère.

Et surtout les coeurs.
Je grimace à l'idée des nouveaux couples qui vont bientôt se former tout autour de moi.
Les gens stupides vont à nouveau se retrouver aux mêmes endroits comme chaque année. Attirés par les fêtes et tout lieu où la musique est trop forte, de la même manière que des abeilles sont attirées par un vers d'eau et de sucre. Se mettant à proliférer tel des bactéries sous prétexte que leur hormones en font des leurs.
Et ils vont bien sûr m'imposer leurs échanges buccaux durant toute cette période.
Juste imaginer leurs baves dégoulinants de leurs bouches me donne envie de gerber.
Le printemps... beurk.

Heureusement, le temps est toujours aussi monotone et gris, ce qui me semble être la marque de fabrique d'Eastbourn, la ville perdue dans la campagne anglaise où je suis coincée depuis toute petite.

Je ne sais même pas ce que je fais encore ici. J'aurais pu partir, j'aurai pu me barrer une dizaine de fois, comme mon père l'a fait quand j'avais dix ans.

J'aurai pu le suivre, j'aurai pu courir après lui quand il est sorti de la maison avec ses bagages. J'aurai pu pleurer, le supplier de m'emmener, lui dire que si je restais ici avec elle j'allais devenir aussi folle qu'elle l'ai.

Mais je ne l'ai pas fait, je suis restée sur le palier à regarder la voiture de papa devenir de plus en plus petite sur la route, avec comme seul fond sonore le rire de ma mère.

Je n'ai rien fais.

Parce qu'à dix ans on ne sait pas comment réagir devant des choses comme ça, parce qu'on ne nous apprends pas à l'école comment réagir lorsque notre univers s'écroule devant nos yeux.

Je n'arrive pas à croire que j'ai tenue jusqu'à maintenant, je n'arrive pas à croire que j'ai eu la force de rester ici, mais dans quatre mois tout est terminé.
Dans quatre mois, je partirai de ce trou et je rejoindrai mon père à Londres pour l'université.

Le bus s'arrête et je m'insère dans le flot de lycéens qui en descend. J'augmente le volume de ma musique pour éviter d'entendre leurs conversations futiles et je me dirige, la capuche sur la tête, vers l'entrée du lycée.

Je sens que cette journée sera tout autant productive que celle qu'ils l'ont précédé.

Il faut que je me barre d'ici.

(1)déterminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant