Depuis le début
~Une fois à la maison, je dépose mon sac sur le sol, retire mes chaussettes et allume mon enceinte. La petite bâtisse s'emplit de mes morceaux préférés et je chante à tue-tête laissant l'euphorie des vacances m'emplir à mon tour.
Il fait chaud, il fait beau, c'est l'été, et je pars rejoindre mon père à Londres dans une semaine. Je ne me suis jamais sentie aussi heureuse.
Cela fait 10 ans, depuis que mon père est partie de la maison, que je ne l'ai pas revue. Avant son départ il m'a promis que je viendrai faire mes études à Londres dans son appartement, puis il est partie et je n'ai plus eu de nouvelles de lui, à une exception près.
Je sais que ça peut paraître bizarre de se raccrocher à des paroles balancés à une gamine de 9 ans comme ça mais je connais mon père, il ne disait jamais rien à la légère. Et s'il est partie c'est pour travailler, il devait être beaucoup occupé c'est pour ça qu'il ne m'a jamais appelé pour me souhaiter mon anniversaire.
Je reprendrai donc contact avec lui cette semaine pour le prévenir de mon arrivée et tout ce passera pour le mieux.
Un grand sourire étends mes lèvres, il est tellement fort qu'il me fait mal aux joues, mais je n'y peut rien y faire et sincèrement je ne veux rien y faire. Car pour la première fois depuis trop de temps pour que je m'en souvienne, je suis heureuse.
Je saute de plus belle sur moi-même en poussant un cris hystérique lorsque je suis coupée dans mon élan. J'entends la porte d'entrée s'ouvrir et je redescend sur terre.
Serait-ce maman ? C'est plus qu'inhabituel qu'elle rentre aussi tôt, il est 16 heure et elle termine son service à l'hôpital à 23 heure les soirs de semaine.
Pourtant c'est bien elle, et j'éteins ma musique dès que j'en ai la certitude, plongeant la maison dans un silence contrastant horriblement avec le bruit qu'il y régnait encore il y a quelques secondes.
Ma mère passe devant moi sans me prêter attention et elle se rends dans la cuisine pour se servir un vers d'eau comme à chaque fois qu'elle rentre du boulot. En temps normal je serais montée dans ma chambre sans lui adresser la parole et je m'y serais enfermée comme toute bonne adolescente en conflit avec sa mère l'aurait fait, mais cette fois je n'en fais rien.
Et quand elle revient dans le salon, j'y suis encore, ce qui, je vois, l'étonne. Ses sourcils sont haussés dans cette expression qu'elle utilise pour l'étonnement, ou pour l'appréhension, ou pour un tas d'autres émotions.
Ça fait maintenant trois ans que je suis certaine que ma mère ne ressent rien, qu'elle ne fait que simuler des sentiments afin de donner un semblant de vie à son visage froid marqué par les rides. Trois ans que je me suis faite à l'idée qu'elle ne pourra jamais réellement m'aimer, qu'elle ne pourra jamais plus m'aimer.
Je ne sais pas ça qu'il s'est passé lorsque nous avons déménagé, mais depuis ce moment quelque chose c'est cassé en elle et elle n'a plus jamais été pareille.
Elle pose son sac sur la table de la salle à manger que nous n'utilisons jamais puisque nous ne faisons jamais de repas de famille puisque nous n'avons pas de famille, et allume son ordinateur.
Je la regarde agir, son corps contrôlant tous ses moindres faits et gestes, aucune parts de naturel, de spontanéité. Un contrôle, froid et constant, rien d'autre. J'ai beau la haïr du plus profond de mon cœur, je la connais par cœur, cela fait 7 ans que je suis coincée avec elle, et je connais tout d'elle. Au quotidien elle est si froide, elle l'a privé durant la fin de mon enfance et de mon adolescente de tout amour maternel.
Je déteste le contrôle qu'elle a constamment sur elle, comme si ressentir quoi que ce soit était un défaut et qu'il fallait à tout prix éviter tout sentiments. Mais pourtant je ne peux m'empêcher de remarquer qu'au lycée je fais pareille.
-Maman.
Elle ne m'offre aucune attention, ses sont yeux fixés sur son écran.
-Maman.
Toujours rien, elle sait que je suis là, que je lui parle, elle n'en a juste rien à faire.
-On doit parler de mon départ.
Rien.
-Dans une semaine je partirai rejoindre papa dans son appartement à Londres. Je tenais à te le dire.
Ses yeux se figent et je vois tout son corps se raidir.
Cette réaction était spontanée, ce qui suffit à me donner froid dans le dos, car cela veut dire qu'il se passe quelque chose d'inhabituel.
-Kiera, il faut qu'on parle.
Quand j'étais petite, papa me contait son enfance à Londres, la ville où il a grandi.
Il la décrivait comme le paradis sur terre, la ville rêvé, et rapidement, elle est devenue le mien. Mon rêve à moi.
On s'amusait à imaginer comment serai notre vie quand on emménagera dans l'appartement qu'il a là-bas, celui dans lequel maman n'a jamais voulue mettre les pieds. Et à travers ses récits j'avais l'impression de connaitre cette ville par cœur, alors que je n'y avais jamais réellement été.
Un peu avant qu'il parte, il m'a dit qu'une fois que je serais majeure, je pourrais venir chez lui faire mes études à l'université. Je lui ai alors répondu que c'était idiot qu'on attende jusque-là pour partir et qu'on pouvait y aller dès maintenant, pour mon entrée au collège, mais il a refusé prétextant qu'il avait des choses à faire avant de partir. Et ce n'est que bien après que j'ai compris ce qu'il voulait dire par des choses à faire.
Un mois après son départ, j'ai reçu une carte postale. On y voyait un montage du tower bridge, big ben, et plein d'autre lieu emblématique de cette ville qui m'a toujours tant fait rêver. Une carte postale comme on en trouve dans chaque boutique de souvenir qui se respecte. Derrière, un bref mot, disant que tout allait bien, qu'il m'aimait et qu'il me réécrirait dans un mois.
C'était la dernière fois que j'entendais parler de mon père, la dernière fois que je recevais un signe de vie de lui, la dernière fois que j'ai été en contact avec lui.
Et tout au long de ces années, je me suis raccrochée à cet espoir, cette promesse anodine jetée en l'air quelque temps avant son départ, des mots disparu dans le vents à la seconde même qu'ils avaient été dit.
J'ai tout supporté. La méchanceté de mes camarades, la froideur de ma mère, la solitude qui me rongeait. J'ai tout supporté, mettant de côté le fait que j'étais seule et triste pour me concentrer sur mes études et faire en sorte que je sois acceptée dans chacune des facs de Londres, même celles qui ne m'intéressaient pas, pour être sûre de partir le rejoindre après le bac.
Mais aujourd'hui, mon monde s'effondre, comme lorsqu'il est parti il y a sept ans.
Et les mots de ma mère resonnent dans ma tête encore et encore alors que je martèle le sol de mes pieds nus.
« Kiera... »
Je cours en direction du poste de police le plus vite possible, le pétrole chauffé par le soleil toute au long de la journée me brule et de rares graviers me transpercent la plante du pieds, mais je ne ressens rien, je ne ressens plus rien.
« Ça ne va pas être possible... »
Mon cœur bat la chamade dans ma cage thoracique, des gouttes de sueur perlent le long de mon front et se mêlent aux larmes amers qui coulent sur mes joues.
« Ton père... »
Je cris, j'hurle, je ne veux rien entendre, rien.
« ... Il a été porté disparu un mois être parti, et il n'a jamais été retrouvé.»
J'implose.

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(1)déterminé
Roman d'amourC'est drôle comme des fois le destin te regarde dans les yeux et se fout de toi. J'aurai du le sentir arriver. J'aurai du m'y attendre. Mais j'ai rien vus venir. J'étais trop naïve et innocente pour penser qu'une personne en qui j'avais confianc...