– On a déjà vu ce groupe avec Sylvie il y a dix ans, je m'en rappelle bien ! J'avais vomi sur le videur, on s'était fait mettre dehors à coup de taloche !
Les blagues étaient potaches, les anecdotes graveleuses, mais leur façon d'être était simplement chaleureuse. Bruno était un célibataire résolu, qui n'avait aucune envie de changer quoi que ce soit à son rythme de vie. Jean-Marc et Sylvie avaient, eux, deux enfants. Ils étaient adolescents, mais à voir toute la famille réunie, on ne savait trop qui des parents ou des enfants faisait sa crise identitaire. Je n'aurais sans doute pas pu passer tout mon temps avec ce trio infernal, mais une soirée par-ci ou par-là était l'occasion de déconnecter du quotidien.
– Faut que tu viennes ce soir Léo, c'est soirée rythm'n'blues à Mondonville. C'est un copain à moi qui chante dans le groupe.
– Ce soir ? C'est-à-dire que je suis rentré ce matin d'une grosse rotation et je suis un peu crevé, Bruno, tu vois... avouai-je.
– Allez, je t'assure que ça vaut le coup. Je les ai vus un paquet de fois, et ils envoient du bois ! Si tu es trop naze, on se posera dans un coin, mais faut vraiment pas que tu rates ça. Franchement, loupe pas ça, Léo...
– Jean-Marc et Sylvie sont de la partie, j'imagine ? demandai-je
– Et comment ! Jean-jean s'est cassé le dos hier matin, mais il vient quand même. Pas question de rater le groupe, qu'il dit. Tu vois, tu ne seras pas le seul grabataire !
– Allez, pourquoi pas après tout... Dis, si ça ne vous dérange pas, j'inviterai un copain à moi en plus. Il est en repos, je lui dirai de passer nous prendre avec sa bagnole, comme ça on ne se tapera pas la route. C'est un mec super, ajoutai-je pour la forme.
– Pas de soucis pour moi. Si je peux éviter de conduire, ça m'arrange. C'est que je ne crache pas sur quelques demis, tu vois l'histoire...
– C'est bien comme ça que je voyais la chose ! plaisantai-je.
Alan ne put malheureusement pas venir. Sa mère, diabétique, avait fait un malaise, et il préférait rester à son chevet, ce qui était parfaitement normal. J'avais cependant tardé à l'appeler, et l'heure du concert approchait. Je m'étais un peu trop avancé en proposant qu'il nous y conduise. Ayant passé la moitié de la nuit à faire voler un appareil de Londres à Toulouse, je n'avais vraiment pas beaucoup dormi, mais il était hors de question de chambouler l'organisation que j'avais moi‑même proposée. Je pris donc ma propre voiture, une Audi noire qui avait plus d'un tour au compteur. Nous étions tous serrés à l'intérieur, et je roulais doucement car la sciatique de Jean-Marc se réveillait à chaque virage. L'affreux avait voulu soulever seul un fût en bois massif, et s'était étalé lamentablement au sol, le dos en lambeaux.
Nous arrivâmes finalement à la salle des fêtes de Mondonville. Tous se ruèrent rapidement vers le bar, histoire de se mettre dans l'ambiance, disaient-ils. J'étais quelqu'un de raisonnable, mais je pouvais, comme à mon habitude, me laisser influencer dans certaines limites, et il ne leur fut pas difficile de me convaincre de descendre quelques bières avec eux. Après tout, j'aurai tout digéré avant la fin du concert.
VOUS LISEZ
Lengaï [Publié !]
ParanormalLéo Boulanger ne sait plus où il est. Voilà un comble, pour lui qui était encore il y a peu un brillant pilote de ligne habitué à sillonner le globe. Le voilà maintenant flottant dans le vide, dans une bulle de nacre qui n'a ni queue ni tête. Petit...