Septième sens

39 14 0
                                    

Patrick n'avait pas vraiment remarqué que quelque chose avait changé chez sa femme, bien qu'il fût évident qu'il s'était produit quelque chose depuis sa visite chez Armand. Un poids s'était envolé. Pourtant, certains fragments du passé pesaient encore sur elle et continuaient d'alourdir son cœur et de faire ployer ses épaules. Sans doute ne partiraient-ils jamais.

Peu à peu, Maeva s'était remise à vivre. Elle allait de plus en plus souvent travailler à la boutique, recommençait à manger, aussi. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était un pas en avant. Elle allait à son rythme, et personne ne lui en tenait rigueur, bien au contraire.

Marianne et Harold étaient heureux de voir que leur amie reprenait des couleurs et sa vie en main, par la même occasion. Ils avaient été les seuls à être mis au courant des derniers mots de Timothée, bien qu'elle ne les leur fît pas partager. Ces mots étaient pour elle, c'était son dernier lien avec son fils. De toute façon, ils n'avaient pas exprimé le désir de les lire. Ils savaient pertinemment qu'ils ne leur étaient pas destinés, et ils le respectaient. Du moment que Maeva allait mieux, ils n'avaient rien à redire.

Maeva leur avait également dit que Patrick n'était pas au courant, et qu'il ne devait jamais l'être. Après la scène de la salle de bain, quelque chose s'était définitivement rompu entre eux. L'intimité avait déserté leur couple pour toujours. Les vœux qu'ils avaient échangés avaient perdu tout leur sens.

Cela faisait cinq jours que Maeva avait commencé à reprendre un train de vie normal et pourtant, elle ne put s'empêcher de penser que tout allait trop vite. Qu'il manquait une inconnue dans l'équation. Elle n'aurait su mettre le doigt dessus, mais quelque chose clochait. Elle le sentait, et son instinct la trompait rarement. C'était difficile à comprendre, car à défaut d'avoir eu des réponses à ses questions, les dernières pensées de son fils à son égard étaient suffisantes pour lui permettre de tourner la page, de faire son deuil. Il lui avait dit de ne pas chercher à comprendre, d'aller de l'avant sans s'encombrer du poids des remords ; son choix avait été fait, il n'y avait rien qu'elle aurait pu faire pour y remédier. Ça ne changeait absolument rien au cours des choses, et Maeva éprouvait toujours le manque, le vide, mais elle tenait à honorer la mémoire de Timothée.

Alors pourquoi ce doute soudain ? Pourquoi s'était-elle posée dans le salon, des vieux albums-photos sur les genoux, comme pour y trouver des réponses à des questions qu'elle ne pouvait même pas formuler ? Le répit de ces derniers jours semblait désormais loin, comme une chimère bien trop vite envolée. L'espace d'un instant, elle avait cru pouvoir avancer. Mais plus elle y pensait et plus elle prenait conscience qu'elle s'était fourvoyée. Elle avait cru pouvoir reprendre pied, à tort. C'était sans doute cela que lui soufflait son instinct. Que les choses ne seraient plus jamais les mêmes, et qu'il ne servait à rien de vouloir essayer de retrouver un équilibre à jamais disparu.

Maeva ne pouvait passimplement reprendre sa vie en main, elle devait repartir de zéro.    

Pour un filsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant